Le Monde du 20 juillet 1999 nous livre dans sa réflexion sur les bûchers de l'Inquisition une magnifique fiction de Dostoïevski.
Le grand auteur russe fait revenir Jésus sur terre à Séville au XVIème siècle. Il se manifeste par quelques miracles et le peuple le reconnaît bien pour le Messie. Mais une fois encore il est trahi et remis aux mains du cardinal grand inquisiteur.
Du fonds de son ignoble cachot il attend la mort, auparavant le grand inquisiteur passe dans sa cellule et énonce, à travers Dostoïevski, ces quelques sentences bien senties que n'importe quel énarque pourrait nous réciter :
"Pourquoi es-tu venu nous déranger ? Car tu es venu nous déranger et tu le sais toi-même. Demain, je vais te condamner et te brûler sur le bûcher comme le père des hérétiques et ce peuple qui, aujourd'hui, avait baisé tes pieds, se précipitera, demain, à mon premier signe pour attiser les flammes de ton bûcher, le sais-tu ?
(…) "La liberté de leur foi en toi était ce qu'il y avait de plus précieux, à tes yeux, il y a quinze siècles. N'as tu pas dit : "Je veux vous rendre libres." Mais voilà, tu as vu maintenant les hommes libres (…). Oui, cela nous a coûté cher, mais nous avons achevé cette œuvre en ton nom. Pendant quinze siècles, cette liberté nous a donné bien du mal, mais maintenant, c'est fini, fini pour de bon. Tu ne crois pas que c'est fini pour de bon ? Tu me regardes avec douceur et tu ne daignes même pas t'indigner ? Mais sache que c'est maintenant que les hommes sont plus que jamais persuadés d'être complètement libres et que, cependant, ils nous ont apporté eux-mêmes leur liberté et l'ont déposée, docilement, à nos pieds. C'est là notre œuvre, mais est-ce une telle liberté que tu désirais ?"
Je laisse à chacun la liberté de faire son propre commentaire.
D'après Fédor DOSTOIEVSKI