La
morale est-elle une marchandise ?
La
morale est-elle une marchandise ? La question peut paraître scandaleuse telle
quelle car on ne peut pas donner un
prix aux sentiments. Tout ne s’achète pas, et pourtant …
Nike
s’est dernièrement engagé à créer des écoles en Asie du Sud-Est et ne plus faire
fabriquer ses ballons par des enfants. Certains ont alors parlé d’une humanisation
du capitalisme sous la pression citoyenne. Bien sûr c’est certainement cela, nous
assistons à la substitution de la morale à la loi du profit.
Une telle conclusion
ignore cependant la vertu du marché qui est de se plier à la volonté des consommateurs.
Or lesdits consommateurs achètent en fonction de la qualité et du prix. Le prix
est objectif, la qualité ne l’est que partiellement car elle dépend aussi des
goûts et des couleurs donc de la perception de ce qui est bien ou mal, juste ou
injuste.
Axa a compris
à ses dépens, il y a deux ans, qu’un manque d’éthique dans les affaires pouvait
coïncider avec une baisse des profits, le commerce dit équitable ou éthique est
fonction intégrante de la société marchande et il fallait être bien truffe pour
ne pas s’en être rendu compte.
Eh
oui, tous les jours j’exerce ma dictature éthique de consommateur en décidant
de qui me vendra ses marchandises. Il me suffit d’être choqué de la surprime
demandée aux parents d’enfants lourdement handicapés pour qu’Axa par la main
invisible de ma moralité retire la surprime quelle que soit sa justification
financière. Il suffit aussi que je vois un « made in china »
ou « made in PRC – people republic of China » pour que je repose
immédiatement le produit, qu’une pub Benetton m’ait gonflé pour que j’organise
mon propre boycott, pareil Saint Laurent à la poubelle à cause du soutien de
Pierre Bergé au PCF, je résilie également la MACIF pour des horreurs lues dans
son journal (j’y reviendrai) et jamais je ne laisserai une fourrure maculer
de son sang mon dressing..
Je suis prêt,
comme beaucoup d’autres consommateurs à acheter plus cher des produits non testés
sur les animaux. Certains achètent de préférence des produits sans OGM, du café
Max Havelaar garantissant des conditions de travail et de salaires étiquetés décents,
boycottent les produits Danone, que sais je encore …
Les
entrepreneurs ne sont pas plus angéliques que nous, leur finalité est de survivre
et donc de maintenir un profit suffisant dans un contexte de concurrence heureusement
accru. La carte de l’équitable est donc un enjeu concurrentiel important et
assure la meilleure publicité possible en fonction des a priori moraux d’une
fraction importante des consommateurs potentiels : si il faut mettre la
gueule de Guevara sur un paquet de biscuits et donner à ATTAC 10 % des bénéfices
ils n’hésiteront pas à le faire. Après tout Max Havelaar profite déjà à fond
de la pub que lui font les anti-mondialisations, cocasse non pour des adversaires
de la société marchande ?
Maintenant
la question qui se pose est la suivante :
combien êtes vous prêt à payer en plus pour vous assurer que votre tee shirt n’a
pas été fabriqué par des enfants Thaïlandais ? Quelle est la valeur de ce
supplément d’âme que vous vous payez ainsi,
comment les media interviennent-ils dans les représentations morales et quelles
solutions apportons nous réellement à des problèmes qui nous préoccupent par nos
choix commerciaux ?
Répondez
à la question posée dans le titre de cet article.