De l'ouragan Katrina à la grève des privilégiés


L'arrogance du marché

 

Sud-Ouest Dimanche est un journal de peu d'intérêt qui comme beaucoup de ses confrères sacrifie de bon cœur à la doxa collectiviste.

J'en ai récupéré au fond d'une poubelle giennoise un vieil exemplaire datant du 11 septembre 2005, Jean-Claude Guillebaud s'y exprimait. Or le bonhomme n'est pas inconnu aux quelques lecteurs de mes billets, chrétien de gauche prompt à prier Saint Marx, il voue une haine à un marché qu'il conçoit comme un monstre inhumain déshumanisé et de surcroît devenu arrogant.

Arrogant comme il se doit bien sûr depuis la chute du regretté Mur de Berlin ! On sait bien à quoi fait référence ce qualificatif d'arrogant qui fleurit dans la bouche de ceux qui pleurent un modèle alternatif si humaniste.

Pour que le marché en rabatte un peu, il convient donc, comme nous l'avons tous appris à l'école, que l'on introduise une dose massive de " régulation ", comprendre de réglementations et de taxations vexatoires. Si de tels remèdes se sont révélés des échecs depuis presque deux décennies, il faudra pour les faire accepter se lamenter sur un accroissement des inégalités que l'on ne démontre que par des anecdotes approximatives.

 

Extrême pauvreté et richesse invraisemblable

 

Surfant sur cette vague, Guillebaud saute sur l'ouragan Katrina pour faire son parallèle entre l'extrême pauvreté des réfugiés et la richesse invraisemblable des compagnies pétrolières. L'une devant bien être la conséquence de l'autre puisque sont conduites à la ruine les " familles désemparées " des automobilistes et des consommateurs de fuel domestique.

Pour la France, il se réjouit tout de même de la menace de taxation exceptionnelle des gros capitalistes du pétrole à laquelle est attribuable la réduction de leur marge à la pompe. Il se désole ensuite de cette baisse trop modeste : il aurait probablement fallu les nationaliser pour baisser de moitié les prix de l'essence et du fuel. Mais oui, une petite dose de communisme est la réponse à tous nos maux.

Sauf qu'en l'occurrence, le gouvernement qui somme les compagnies pétrolières de baisser les prix du carburant ne le fait qu'en escomptant bien que l'on oubliera qu'avec la fin de la TIPP flottante c'est l'État qui profite à plein de la hausse du pétrole. La désignation d'un bouc-émissaire semble d'ailleurs avoir été suffisamment efficace pour que peu osent rappeler que ce que l'on paie en achetant de l'essence c'est à 77 % la taxe intérieure sur les produits pétroliers !

Si cet exemple s'avère foireux, il reste à surfer sur un anti-américanisme de bon aloi. Il rajoute donc que certaines compagnies américaines font encore plus de bénéfices que Total alors que ce pays antisocial et raciste abandonne les réfugiés noirs de la Nouvelle Orléans. Noirs, donc inutile de rajouter que l'Amérique de Bush est raciste, qui peut encore l'ignorer sauf à ne pas lire les journaux, ne pas avoir de télé. Ils sont abandonnés précisément parce qu'ils sont noirs. Parions qu'avec la nouvelle commémoration de la traite négrière à l'école, les profs pourront en rajouter une couche sur ce genre de caricature.

 

Les inégalités portent la violence ...

 

Eh oui, pour Jean-Claude Guillebaud :

" au-delà de sa prétendue réussite entre guillemets, il existe une Amérique pauvre et noire, misérable même, et dont la pauvreté ne cessait de s'aggraver … A moyen terme, cet ouragan là est le plus redoutable de tous. Il est porteur de violence ".

Une situation qui justifierait la violence de ces pauvres, rien que cela.

Pourtant à y regarder d'un peu plus près, on verra tout de même quelques blancs sinistrés refusant le statut perpétuel de réfugiés et reconstruisant ce qui a été détruit, alors que d'autres plus bronzés dénoncent Bush qui n'a pas encore reconstruit leur maison alors qu'ils s'entassent dans de très vastes logements sociaux du Texas. Cela fait des dégâts aussi aux USA l'assistanat social.

 

... mais où sont les vraies inégalités ?

 

Tout faux Guillebaud donc pour ces exemples faciles, propres à sensibiliser le lecteur lambda pas trop habitué à exercer son esprit critique.

Tout faux aussi pour n'avoir pas repris dernièrement l'exemple le plus concret d'une folie inégalitaire, comme il dit.

Car il oublie ou refuse de voir ces inégalités qui ne reposent sur aucun mérite particulier, aucune utilité sociale, ne sont pas conférés par l'arrogant marché mais par le régulateur État et ses régimes spéciaux.

La folie inégalitaire, la vraie, l'évidente est celle d'une privilégiature. Laquelle peste, menace, gronde et s'ébranle en des cortèges potentiellement violents disposés à en découdre pour que les modestes cons de payants qui constituent la majorité du peuple français (dans laquelle je m'inclus) continuent à leur payer des retraites anticipées. Et ceci sans que ces mêmes cons de payants ne puissent prétendre travailler aussi peu, pour une carrière aussi courte et une retraite aussi bien rémunérée. Nul doute que ces privilèges sont porteurs de violence ouverte autant que cachée. Mais qui aurait pu s'attendre à ce que cette violence s'exerce de la part des privilégiés sur ceux qui les engraissent plutôt que le contraire ?

Voila un bien étrange paradoxe, espérons tout de même que la manifestation contre les privilèges du 18 novembre à Paris remettra les choses à l'endroit et rappellera à la classe médiatique où sont les injustes inégalités.

 

 

Xavier COLLET, le 19 novembre 2007