La crise alimentaire et les restrictions aux importations


La crise alimentaire est à l'ordre du jour dans le monde entier.
Depuis le début de l'année 2008 les prix ont augmenté de 65 %. Dans le contexte de manifestations de rue qui se sont déroulées dans plusieurs pays du monde, des mesures ont été prises en urgence pourtant il n'est pas certain que celles-ci soient une solution au problème.

Partout le prix des denrées a augmenté. Les prix de détail de l'alimentaire se sont renchéris de 18 % en Chine, 17 % au Sri Lanka, plus de 10 % en Russie et en Amérique latine. Au Nigeria, le riz est le symbole de l'ampleur de cette crise puisqu'il a doublé en une année.

Comme la plupart des pays d'Afrique, le Nigeria cherche une solution à la crise et l'une d'elle consiste à augmenter le niveau des importations de riz. Le gouvernement se propose aussi d'aider les producteurs locaux de riz en leur garantissant des prêts à 15 ans à 4 % d'intérêt avec un différé de remboursement de 5 ans. Ceci pourrait permettre une légère amélioration de la production, mais pas suffisamment pour mettre fin aux pénuries et contribuer à l'abondance.

Les importations de vivres ont déjà été défendue par le gouvernement nigérian, menant à des abus à grande échelle organises par des fonctionnaires. La promotion des investissements a depuis cessé aux fins de protéger les producteurs locaux.
Bien qu'il soit économiquement justifié d'encourager les importations dans certaines situations et pas seulement en temps de crise, il est économiquement aberrant que ce soit l'État qui s'en charge alors que le privé peut s'en acquitter de façon plus efficace.

Les causes de la crise alimentaire au Nigeria et en Afrique ce sont des politiques agricoles inappropriées qui ont étranglé l'important potentiel dans le secteur primaire Africain. Des années durant rien n'a été tenté pour améliorer la productivité agraire, au contraire il semblerait que l'État ait fait ce qu'il pouvait pour asphyxier la production.
Dès leur conception les politiques agricoles étaient erronées et la plupart furent décidées sans préparation. Selon l'association des producteurs de riz du Nigeria, la mauvaise politique agricole ne permit pas au pays d'atteindre son objectif de production annuel de 5 millions de tonnes de riz. Pour une demande annuelle anticipée de 4,64 millions de tonnes, la production locale n'atteint que péniblement les 525 000 tonnes. Ce qui nécessite l'importation de riz pour un montant de 267 millions de dollars. De plus, la plus grande partie du riz produit localement est de mauvaise qualité ce qui limite son marché potentiel même à l'intérieur du Nigeria.

En tentant de protéger les producteurs locaux, l'État n'a fait que les isoler de la concurrence des producteurs étrangers. Les fermiers n'ont été incités ni à améliorer la qualité de leur production ni à augmenter leur productivité. Ils n'ont pas investis et donc leur niveau de production est demeuré faible. Les droits de douane et les restrictions aux importations conduisent le peuple à la famine, ils surenchérissent inutilement le prix des denrées.

Les droits de douanes sur les produits agricoles, en moyenne de 33,6 % dans les pays d'Afrique sub-saharienne, sont les plus élevés du monde. Étant que ces pays comptent les populations les plus pauvres, la majeure partie de leurs revenus est consacrée à l'alimentation, le poids des taxes est donc une catastrophe. Les droits de douane sur les importations de riz au Nigeria se montent à 55 % dont 5 % sont reversés au profit des producteurs locaux.
Au Bénin voisin, les importations de riz sont taxées à 35 %. En terme monétaire, ceci veut dire que le riz importé compte 200 dollars de moins la tonne au Bénin. Mais ce n'est pas tout, les droits de douane sur les fertilisants sont si élevés que les producteurs locaux ne peuvent y avoir accès et préfèrent continuer à produire faiblement en utilisant la seule force des bras.
L'abolition des droits sur les fertilisants et sur les produits agricoles est donc indispensable pour que la productivité puisse augmenter. Ce qui est la seule solution pour réduire les coûts des biens alimentaires.

Les fertilisants à même de permettre une hausse de la productivité agraire sont devenus une arme politique. L'utilisation d'engrais et de fertilisants dans le monde est d'environ 107 kilogrammes par hectare, mais seulement de 8 kilogrammes par hectare au Nigeria. Le mode de distribution des engrais est lourd et se prête à la corruption, il se trouve en effet que de larges quantités de ces produits finissent dans les mains de politiciens et de leurs amis qui en tirent profit aux dépens des fermiers.
Pendant ce temps, des efforts réalisés pour adopter les biotechnologies à même d'élever la productivité des sols, ont été contrecarrés par des groupes de militants anti-OGM bien nourris, dont la majorité se situent dans les pays riches. Que d'autres puissent mourir de faim semble pour eux être d'une importance secondaire.

Le Nigeria, à des moments différents, a même complètement interdit l'importation de produits tels que le blé, le riz, le maïs, l'huile végétale. De telles restrictions peuvent protéger les producteurs locaux à court terme, mais punit immédiatement les consommateurs et décourage la production à long terme. Le protectionnisme met à mal la concurrence et l'innovation, il permet aux producteurs locaux d'augmenter leurs tarifs et de mégoter sur la qualité. Limiter ces pratiques commerciales restrictives augmentera la disponibilité des aliments et la baisse de leurs prix. Les efforts consacrés dans le passé pour financer le développement de l'agriculture ont eu peu d'effets dans la mesure où les fonds furent mal employés ou échouèrent dans de mauvaises mains.

La seule politique agricole viable en Afrique consisterait donc à stimuler la production grâce à de meilleures infrastructures de bases et à des incitations de nature compétitive. Une grande partie de la population africaine souffre d'une faim chronique - et plus encore pâtissent de malnutrition. Nous avons besoin de solutions à long terme pour permettre à chacun de pouvoir se nourrir. Pour éviter les troubles sociaux, la plupart des États ont vidé leurs réserves de vivres. Faute de bonnes récoltes et d'une hausse des rendements, des émeutes de la faim sont prévisibles.

Alors que l'importation de denrées de base pourrait permettre de résoudre la pénurie, beaucoup de pays ont instauré des restrictions sur les exportations de ces produits. En dehors du fait que ces mesures ne stimulent pas la production locale, cela la met à l'abri de la concurrence. Le manque de concurrence détruit l'innovation, renchérit les prix et dégrade la qualité.

La production alimentaire devrait être l'objet d'efforts continus, non de politiques erratiques décidées à chaud. Au lieu de libérer des crédits d'urgence aux agriculteurs, il aurait été préférable de réserver ces prêts aux véritables agriculteurs possédant un minimum de garanties. Et dans un souci de bonne gestion et de transparence, il aurait mieux valu que ces prêts soient accordés par des organisations privées dans la mesure où l'État sera toujours une partie du problème et non une partie de la solution.

 

Thomson AYODELE, directeur executif de "Initiative for Public Policy Analysis", Lagos, Nigeria, le 19 mai 2008

 

Questions

1. Que fait le gouvernement au Nigeria pour tenter de résoudre le problème de la pénurie alimentaire (vous montrerez que la politique mise en place a varié) ?
2. Quelles sont les limites de ces politiques ?
3. Quelle politique préconisez-vous pour mettre fin à cette pénurie de façon durable ?