La crise alimentaire et les restrictions aux importations
La
crise alimentaire est à l'ordre du jour dans le monde entier.
Partout le prix des denrées a augmenté. Les prix de détail de l'alimentaire
se sont renchéris de 18 % en Chine, 17 % au Sri Lanka, plus de 10 % en Russie
et en Amérique latine. Au Nigeria, le riz est le symbole de l'ampleur de cette
crise puisqu'il a doublé en une année.
Comme la plupart des pays d'Afrique, le Nigeria cherche une solution à la crise
et l'une d'elle consiste à augmenter le niveau des importations de riz. Le gouvernement
se propose aussi d'aider les producteurs locaux de riz en leur garantissant
des prêts à 15 ans à 4 % d'intérêt avec un différé de remboursement de 5 ans.
Ceci pourrait permettre une légère amélioration de la production, mais pas suffisamment
pour mettre fin aux pénuries et contribuer à l'abondance.
Les importations de vivres ont déjà été défendue par le gouvernement nigérian,
menant à des abus à grande échelle organises par des fonctionnaires. La promotion
des investissements a depuis cessé aux fins de protéger les producteurs locaux.
Les causes de la crise alimentaire au Nigeria et en Afrique ce sont des politiques
agricoles inappropriées qui ont étranglé l'important potentiel dans le secteur
primaire Africain. Des années durant rien n'a été tenté pour améliorer la productivité
agraire, au contraire il semblerait que l'État ait fait ce qu'il pouvait pour
asphyxier la production.
En tentant de protéger les producteurs locaux, l'État n'a fait que les isoler
de la concurrence des producteurs étrangers. Les fermiers n'ont été incités
ni à améliorer la qualité de leur production ni à augmenter leur productivité.
Ils n'ont pas investis et donc leur niveau de production est demeuré faible.
Les droits de douane et les restrictions aux importations conduisent le peuple
à la famine, ils surenchérissent inutilement le prix des denrées.
Les
droits de douanes sur les produits agricoles, en moyenne de 33,6 % dans les
pays d'Afrique sub-saharienne, sont les plus élevés du monde. Étant que ces
pays comptent les populations les plus pauvres, la majeure partie de leurs revenus
est consacrée à l'alimentation, le poids des taxes est donc une catastrophe.
Les droits de douane sur les importations de riz au Nigeria se montent à 55
% dont 5 % sont reversés au profit des producteurs locaux.
Les fertilisants à même de permettre une hausse de la productivité agraire sont
devenus une arme politique. L'utilisation d'engrais et de fertilisants dans
le monde est d'environ 107 kilogrammes par hectare, mais seulement de 8 kilogrammes
par hectare au Nigeria. Le mode de distribution des engrais est lourd et se
prête à la corruption, il se trouve en effet que de larges quantités de ces
produits finissent dans les mains de politiciens et de leurs amis qui en tirent
profit aux dépens des fermiers.
Le Nigeria, à des moments différents, a même complètement interdit l'importation
de produits tels que le blé, le riz, le maïs, l'huile végétale. De telles restrictions
peuvent protéger les producteurs locaux à court terme, mais punit immédiatement
les consommateurs et décourage la production à long terme. Le protectionnisme
met à mal la concurrence et l'innovation, il permet aux producteurs locaux d'augmenter
leurs tarifs et de mégoter sur la qualité. Limiter ces pratiques commerciales
restrictives augmentera la disponibilité des aliments et la baisse de leurs
prix. Les efforts consacrés dans le passé pour financer le développement de
l'agriculture ont eu peu d'effets dans la mesure où les fonds furent mal employés
ou échouèrent dans de mauvaises mains.
La seule politique agricole viable en Afrique consisterait donc à stimuler la
production grâce à de meilleures infrastructures de bases et à des incitations
de nature compétitive. Une grande partie de la population africaine souffre
d'une faim chronique - et plus encore pâtissent de malnutrition. Nous avons
besoin de solutions à long terme pour permettre à chacun de pouvoir se nourrir.
Pour éviter les troubles sociaux, la plupart des États ont vidé leurs réserves
de vivres. Faute de bonnes récoltes et d'une hausse des rendements, des émeutes
de la faim sont prévisibles.
Alors que l'importation de denrées de base pourrait permettre de résoudre la
pénurie, beaucoup de pays ont instauré des restrictions sur les exportations
de ces produits. En dehors du fait que ces mesures ne stimulent pas la production
locale, cela la met à l'abri de la concurrence. Le manque de concurrence détruit
l'innovation, renchérit les prix et dégrade la qualité.
La production alimentaire devrait être l'objet d'efforts continus, non de politiques
erratiques décidées à chaud. Au lieu de libérer des crédits d'urgence aux agriculteurs,
il aurait été préférable de réserver ces prêts aux véritables agriculteurs possédant
un minimum de garanties. Et dans un souci de bonne gestion et de transparence,
il aurait mieux valu que ces prêts soient accordés par des organisations privées
dans la mesure où l'État sera toujours une partie du problème et non une partie
de la solution. Thomson AYODELE,
directeur executif de "Initiative for Public Policy Analysis", Lagos, Nigeria,
le 19 mai 2008
Questions 1. Que fait le gouvernement au Nigeria pour
tenter de résoudre le problème de la pénurie alimentaire (vous montrerez que
la politique mise en place a varié) ?
Depuis le début de l'année 2008 les prix ont augmenté de 65 %. Dans le contexte
de manifestations de rue qui se sont déroulées dans plusieurs pays du monde, des
mesures ont été prises en urgence pourtant il n'est pas certain que celles-ci
soient une solution au problème.
Bien qu'il soit économiquement justifié d'encourager les importations dans certaines
situations et pas seulement en temps de crise, il est économiquement aberrant
que ce soit l'État qui s'en charge alors que le privé peut s'en acquitter de
façon plus efficace.
Dès leur conception les politiques agricoles étaient erronées et la plupart
furent décidées sans préparation. Selon l'association des producteurs de riz
du Nigeria, la mauvaise politique agricole ne permit pas au pays d'atteindre
son objectif de production annuel de 5 millions de tonnes de riz. Pour une demande
annuelle anticipée de 4,64 millions de tonnes, la production locale n'atteint
que péniblement les 525 000 tonnes. Ce qui nécessite l'importation de riz pour
un montant de 267 millions de dollars. De plus, la plus grande partie du riz
produit localement est de mauvaise qualité ce qui limite son marché potentiel
même à l'intérieur du Nigeria.
Au Bénin voisin, les importations de riz sont taxées à 35 %. En terme monétaire,
ceci veut dire que le riz importé compte 200 dollars de moins la tonne au Bénin.
Mais ce n'est pas tout, les droits de douane sur les fertilisants sont si élevés
que les producteurs locaux ne peuvent y avoir accès et préfèrent continuer à
produire faiblement en utilisant la seule force des bras.
L'abolition des droits sur les fertilisants et sur les produits agricoles est
donc indispensable pour que la productivité puisse augmenter. Ce qui est la
seule solution pour réduire les coûts des biens alimentaires.
Pendant ce temps, des efforts réalisés pour adopter les biotechnologies à même
d'élever la productivité des sols, ont été contrecarrés par des groupes de militants
anti-OGM bien nourris, dont la majorité se situent dans les pays riches. Que
d'autres puissent mourir de faim semble pour eux être d'une importance secondaire.
2. Quelles sont les limites de ces
politiques ?
3. Quelle politique préconisez-vous
pour mettre fin à cette pénurie de façon durable ?