Pouvoir politique et pouvoir économique


Ayn Rand

Les théoriciens étatiques entendent nous faire admettre qu'il n'y a pas de différence entre le pouvoir politique et le pouvoir économique. Combien de fois n'avons nous pas entendu des formules du type : "Un homme qui a faim n'est pas libre" ou encore "Pour l'ouvrier cela ne fait pas de différence d'obéir à un capitaliste ou à un bureaucrate". La plupart des gens acquiessent à ces formules, pourtant chacun sait que dans les pays où les libertés individuelles sont violées, là où les bureaucrates ont renversé les capitalistes le peuple est pauvre et dans les chaînes. Mais qu'est ce qui différencie fondamentalement la liberté de l'esclavage ?

La différence se trouve dans le principe de l'action volontaire contre l'action menée sous la coercition. La différence entre le pouvoir politique et toute autre forme de pouvoir, entre l'État et les organisations privées se situe dans le fait que seul l'État détient le monopole légal de l'usage de la force physique. Cette distinction est si importante et si rarement reconnue de nos jours qu'il convient de la garder à l'esprit.

Je le répête donc : seul l'État est détenteur du monopole légal de la force physique, auncun individu, aucun groupe privé ne dispose de ce même povoir d'imposer à d'autres individus ou groupes d'agir contre leurs propres choix. La nature de l'action étatique est donc l'action coercitive. La nature du pouvoir politique est d'obtenir l'obéissance sous menace de contraintes physiques, que ce soit la menace d'amende, d'expropriation, d'emprisonnement ou de mort. Les images fumeuses, les métaphores ou les formules du type "Un homme qui a faim n'est pas libre" - ne changent pas le fait que la véritable nature du pouvoir politique est la coercition et que la liberté, dans un contexte politique, signifie seulement l'absence de coercition.

Dans un pays où les libertés individuelles sont préservées, on définira tout de même un rôle à l'État, celui d'user de ses prérogatives en tant qu'agence de protection des droits individuels. Un tel État devra s'abstenir d'initier l'usage de la force physqiue contre qui que ce soit. Puisque le droit d'être le premier à faire usage de violence n'appartient à aucun individu, nul ne peut donc le déléguer à qui ou quoi que ce soit. Cependant les individus possèdent le droit de se défendre contre une agression et c'est bien ce droit là qu'ils déléguent à l'État. Ainsi un État peut utiliser la violence dans le seul cadre d'une réponse à ceux qui en ont initié l'usage.

Les fonctions de l'État sont donc :

la police afin de protéger les individus de ceux qui s'en prennent à leurs biens ou à leur personne ;

l'armée pour défendre les individus contre des invasions étrangères ;

la justice pour sauvegarder les biens et préserver les accords contractuels du dol ou de la violence, ainsi que pour trancher les conflits en conformité avec le droit.

C'est sur ces principes que le pouvoir politique a été limité implicitement par la Constitution des États-Unis, implicitement mais pas explicitement. Des étatistes ont donc profité de brêches dans la Constitution afin d'en modifier l'extrait. Par étatiste se définit un homme qui croit que certains hommes ont le droit d'user de la force afin d'en contraindre d'autres à leur obéir. Pour que cette croyance soit mise en pratique il faut qu'une doctrine politique donne à l'État le droit d'initier la force physique à l'encontre de ses citoyens. Combien de fois cette force sera utilisée, contre qui, jusqu'à quel point, pour quel prétexte et pour le bénéfice de qui, sont des questions qui ne comptent pas. Le pricincipe de base et le résultat ultime de toutes les doctrines étatiques sont la dictature et la destruction. Tout le reste n'est que question de temps.

Maintenant observons en quoi consiste le pouvoir économique, quel est-il ? Il s'agit du pouvoir de produire et de commercialiser ce que l'on a produit. Dans une économie libre dans laquelle nul individu ou groupe ne peut faire usage de la coercition, le pouvoir économique ne peut être atteint que par des accords volontaires donc sans contrainte, accords de ceux qui participent au processus de production et de commercialisation. Sur un marché libre tous les prix, les salaires et les profits sont déterminés, non par le caprice arbitraire des riches ou des pauvres, non par la cupidité de certains ou par le besoin de qui que ce soit, mais par la loi de l'offre et de la demande. Le mécanisme du marché libre reflète et synthétise tous les choix économiques et toutes les décisions réalisées par ses participants. Les individus commercialisent leurs biens et services selon leurs avantages mutuels, selon leur propre jugement exercé sans contrainte. On ne peut s'enrichir qu'en proposant des biens ou des services d'une plus grande valeur ou à prix moindre que ce que les autres sont capabes d'offrir. La richesse, sur un marché libre s'obtient par un vote général, libre et "démocratique" de tous les individus prenant part à toutes les ventes et à tous les achats se déroulant dans la vie économique du pays (du monde même dans le cadre de la mondialisation). A chaque fois que vous achetez un produit plutôt qu'un autre, vous votez pour la réussite du fabricant dont vous achetez le produit. Et, dans ce type de vote chacun ne s'exprime que dans les domaines où il est qualifié pour émettre une jugement, cela en fonction de ses préférences, de ses intérêts et de ses besoins. Nul n'a le pouvoir de décider pour les autres ou de se substituer à leur jugement, nul n'a le pouvoir de s'autoproclamer "voix du public ou de l'intérêt général".

Ainsi la différence entre le pouvoir économique et le pouvoir politique est la suivante : le pouvoir économique s'exerce par des moyens positifs, il offre à chacun une récompense, une incitation, un paiement, une valeur ; alors que le pouvoir politique s'exerce par des moyens négatifs, par la menace de la punition, de l'emprisonnement, de la destruction. L'outil de l'homme d'affaire est la création de valeur, celle du bureaucrate est la création de la peur.

 

Ayn RAND, Capitalism

 

Questions

1. Qui sont les théoriciens étatistes selon Ayn Rand, citez-en et dîtes pourquoi on peut les cataloguer ainsi.
2. Si "un homme qui a faim n'est pas libre" que devrait-on faire, par quels moyens pourrait on résoudre son problème et serait-il libre pour autant ?
3. Pourquoi la logique de l'État-Providence n'est-elle pas compatible avec la logique de la liberté selon Ayn Rand ? L'État est-il contraire à la liberté individuelle pour autant ?
4. Comment peut-on s'enrichir par le pouvoir économique, par le pouvoir politique ?