Marge fait de la politique

Marge fait de la politique


 

Partie tirée d'Alternatives Economiques avec droit de simple citation :

 

"Marge : Prélever, c’est prendre une partie d’un ensemble ?

Manœuvre (sans faire gaffe) : Oui.

Marge : Bon … et obligatoire, c’est ce que tu dois faire en application de la loi ?

Manœuvre (toujours sans méfiance) : Oui, c’est ça.

Marge (affirmatif) : Alors les revenus du capital sont des prélèvements obligatoires.

Manœuvre (il saute en l’air) : Quoi ?

Marge : Les revenus du capital sont une fraction de la richesse produite par l’entreprise. C’est donc un prélèvement. Et permettre à celui qui est propriétaire de tirer un revenu de sa propriété, « inaliénable et sacrée », comme dit la Constitution, c’est une obligation.

Manœuvre (scandalisé) : Et où ça t’amène ces raisonnements ?

Marge : Pourquoi la hausse des prélèvements obligatoires, quand il s’agit des impôts et des cotisations est-elle scandaleuse, tandis que la hausse des prélèvements obligatoires, quand il s’agit du capital ne l’est pas ?

Manœuvre (rassuré car il a la réponse) : Très simple. La hausse des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations) est décidée par des députés élus au suffrage universel dans lequel le riche a la même voix que le pauvre, et les sommes prélevées financent les sournoises administrations publiques (enseignement, défense, justice) et les perverses administrations de sécurité sociale (retraite, santé, famille, chômage). Tandis que la hausse des revenus du capital est votée en conseil d’administration où ne votent que ceux qui possèdent, et seulement proportionnellement à ce qu’ils possèdent. Il n’y a donc pas de prélèvement (la richesse revient – d’où revenu – à ceux à qui elle appartient), pas plus que d’obligation (ceux qui ont le pouvoir de prendre cette décision le font de façon tout à fait libre)."

 

Fin de citation

 

(Une voix puissante retentit) : Couper !!

Manœuvre : Ok, elle était pas mal celle là, on la garde

Marge : Oui très bien, très pédagogique, juste ce qu’il faut de rebelle et avec les sous-entendus cousus de fil blanc pour donner l’illusion au lecteur d’être dans le secret des Dieux.

Manœuvre : T’as vu hein je jouais l’ignoble ultralibéral, c’était bien hein ? Crédible en plus tu trouves pas.

Marge : Ah oui bien caricatural, le gars qui défend les riches et qui pourfend nos administrations dans ce qu’elles ont de plus populaire, heureusement d’ailleurs que t’as pas cité la police.

Manœuvre : Oui, j’aurais pu aussi parler des prélèvements qui financent les subventions, l’art moderne, qui permettent à nos élus de s’assurer un train de vie …

Marge (professoral) : Non mais tu déconnes, ça faut pas en parler, notre auditoire c’est les élèves en bahut obligés d’acheter la revue par leurs profs, alors comment tu veux en faire de bons petits citoyens si tu dis pas bien ton texte ?

Manœuvre : J’aurais dû parler aussi de la hausse de la CSG qui est nécessaire pour préserver …

Marge (postillonnant) : Mais qu’il est con, qu’il est con.

Manœuvre : Quoi ?

Marge (docte) : T’as pas compris que le but du sketch était de montrer que la hausse des impôts et des charges sociales c’était bien ?

Manœuvre : Pourquoi ne pas le dire tout simplement ?

Marge (arborant un large sourire) : Mais décrypte correctement, je dis bien plus que cela, j’ai dit que les impôts étaient plus légitimes que la propriété privée !

Manœuvre (dubitatif) : Attends, mais non, tu as pas dit cela, on a juste voulu dire que l’un et l’autre découlaient de la loi, que c’étaient des prélèvements obligatoires …

Marge : Oui et si cela découle de la loi c’est juste non ?

Manœuvre (silence et réflexion) : Je sais pas, la solution finale des nazis était légale, mais bon c’était quand même pas juste, enfin je veux dire, même si les juifs sont des réactionnaires conservateurs, néolibéraux, sionistes …

Marge : On appelle cela un génocide, mais c’est l’Etat.

Manœuvre : Ah oui je vois, alors si ce que faisait l’Etat était organisé par une personne privée ça s’appellerait autrement.

Marge (sarcastique) : Oui ça s’appellerait de l’immoralité, si je voulais prélever un impôt sur toi je serais coupable de racket, si je voulais te déposséder de ta « sacro-sainte » propriété je serais un voleur, si je voulais t’exécuter pour ce que je considère comme un crime, je serais un assassin …

Manœuvre : Oui c’est vraiment immoral. Alors pourquoi ce que fait l’Etat n’est pas immoral ?

Marge : Parce que c’est sanctionné par le peuple, par le biais du suffrage universel où la voix du riche ne compte pas plus que celle du pauvre.

Manœuvre (éclair de génie dans sa pupille) : Oh comme cela est beau et bon, il n’y a donc rien de fondamentalement juste ou injuste, la justice ne peut être révélée que par la majorité, alors que ce qui est individuel n’est forcément pas juste car n’appartenant qu’à un seul ou ne dépendant que de l’opinion d’un seul. Comme tu as raison et comme j’aimerais pouvoir être assez juste pour me dépouiller de tout bien personnel, de toute pensée ou sentiment personnel pour être le reflet de tous.

Marge : Et je vais t’y aider, tu sais que je suis un élu du peuple et que je représente la volonté populaire, alors commence par me donner ton portefeuille.