Max Weber, la rationalisation des activités sociales


Biographie

Max
Weber

Max Weber naît à Erfurt en Allemagne le 21 avril 1864 au sein d'une famille cultivée d'industriels protestants. Son père est député libéral au Reichstag et aura une influence sur l'intérêt de Max pour la politique : nationaliste dans sa jeunesse il sera ensuite un fervent défenseur de la démocratie parlementaire.

Il va se lancer dans des études de droit, d'économie, de philosophie, de théologie et d'histoire et soutient sa thèse de doctorat à 25 ans, en 1889. Il enseignera ensuite le droit commercial à l'Université de Berlin, puis l'économie à Fribourg et à Heidelberg. En dépression chronique depuis 1898, il sera obligé d'abandonner ses cours qu'il ne reprendra qu'en 1918, dans cet intervalle il se consacrera à la sociologie et à la politique. Il publie en 1904 son oeuvre la plus célèbre "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme". Il publiera encore de nombreuses autres recherches qu'il poursuit en sociologie : "Essai sur la théorie de la science" (1906-1913), "Le savant et le politique" (1919)", il décède en 1920 et sera publiée de façon posthume "Economie et société" (1922).

La réflexion de Max Weber se fait autour d'objets liés à la rationnalité et c'est à partir de la rationnalité qu'il s'intéresse à la domination, à l'Etat, à la religion, à la bureaucratie, au droit.

I. La sociologie compréhensive

A. Une science de l'action sociale

1. L'action sociale

À partir de là, contrairement à Durkheim, Weber ne concevra pas les faits s

« Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets.»

Dans "Économie et société" Max Weber va donc définir la sociologie comme science de l'action sociale alors que Durkheim faisait de la sociologie est science des faits sociaux

Est action toute conduite à laquelle l'individu qui la commet donne un sens. On parlera d'action sociale pour qualifier toute action dont le sens est orienté vers d'autres acteurs sociaux (ainsi un accident n'est pas une action sociale car il n'est pas intentionnel)

ociaux comme des choses indépendante de leur auteur mais comme des interactions entre des comportements individuels obéissant à des motivations et des intéréts qu'il faut reconstituer. Il considère donc chaque individu comme différent, ne réagissant pas de la même manière même placé dans les mêmes conditions, ainsi il tient compte de la subjectivité des acteurs pour comprendre leurs actions.

2. Action sociale et rationalité

Néanmoins toute action sociale peut être comprise car les individus qui les entreprennent possèdent un certain degré de rationnalité. Il faut donc comprendre ce qui motive rationnellement l'action et savoir que les résultats des actions individuelles peuvent ne pas toujours être conforme aux buts initiaux, ainsi si on ne comprend pas une action par son résultat cela ne signifie pas que le but de cette action n'a pas été conçu rationnellement mais que des erreurs ont pu être commises dans la mise en oeuvre de l'action. de telle sorte qu'elle a produit des effets non intentionnels (effets d'émergence). Exemple d'un effet d'émergence : la croyance religieuse calviniste, qui refuse la jouissance des biens matériels, a conduit à la production massive de biens matériels au sein du système de production capitaliste. Mais l'effet d'émergence le plus connu est celui qui se manifeste par la main invisible. Mais si cet effet est contraire à celui voulu par les acteurs on parlera d'effets pervers.

3. Individualisme méthodologique

Les acteurs se déterminent librement et agissent de façon relativement rationnelle. On ne peut pas comprendre les faits sociaux en dehors des individus qui entrent en interaction. C'est l'agrégation des actions individuelles qui constitue le monde social, toute analyse sociologique part donc des acteurs individuels de l'action sociale (individualisme méthodologique) et non des faits sociaux (holisme).

B. La méthode des "sciences de la culture" (sciences sociales)

1. Sciences de la nature et sciences de la culture

Contrairement à Durkheim, Weber considère que la réalité sociale ne peut s'expliquer uniquement par des liens de causalités comme c'est le cas dans le domaine des sciences naturelles. Il postule donc que la sociologie, l'histoire et l'économie sont au contraire des "sciences de la nature" des "sciences de la culture", elles doivent donc être étudiées avec une méthode différente adaptées à leurs caractéristiques.

En effet les sciences de la culture sont :
- compréhensives, dans le sens où elles résultent d'actions menées par des hommes or chaque homme est un être de conscience qui agit en fonction de ses intentions et de sa compréhension du monde ;
- historiques, car le sens subjectif que leurs acteurs donnent à leur action dépend du contexte historique ;
-culturelles, car elles sont liées à un univers de sens, de valeurs partagées.

Weber va donc créer la sociologie compréhensive, c'est-à-dire une sociologie qui se fonde sur la compréhension du sens subjectif que les acteurs donnent à leurs action. Il va plus loin que la sociologie de Durkheim puisqu' il tient véritablement compte des acteurs en cherchant les intentions et les motifs qui les poussent à agir. À la causalité déjà difficile à établir car il y a toujours une multitude de causes quelquefois indénombrables à un phénomène donné, Weber ajoute donc la compréhension, il parle là de"compréhension significative".

2. « Jugements de valeurs » et « rapports aux valeurs »

Les actions entreprises par les individus ne sont pas à considérer indépendamment de la subjectivité des acteurs et donc le scientifique lui-même n'est pas neutre par rapport aux valeurs qui imprègnent sa culture. Comment la science peut-elle alors échapper à des évaluation normatives donc être objective ? Pour répondre à cette question, Weber va distinguer les "jugements de valeurs" des "rapports aux valeurs". Les jugements de valeur sont subjectifs et doivent être exclus de toute recherche scientifique faute de quoi ils l'invalideraient. Par contre le rapport aux valeurs implique que l'analyse d'un fait social ne peut faire l'impasse sur les valeurs de la société dans lequel le fait est étudié, il appartiendra alors au scientifique d'analyser ce fait dans son contexte sans porter un jugement normatif sur les valeurs de la société étudiée. Le scientifique ne sera alors orienté que par la vérité en tant que valeur : neutralité axiologique.

3. L'idéal-type

Pour faciliter ses analyses en sciences sociales face à une infinité de faits et autant de causes inextricables, Max Weber va définir ce qu'il appelle un type idéal. Il ne s'agit là de rien de plus que d'un outil qui permet de définir un phénomène social par ses caractères les plus généraux observables dans tous les types de société. Dans toute réalité, aussi complexe soit-elle, il cherchera à retrouver certains traits caractéristiques de tel ou tel idéal type.

Il utilise par exemple l'idéal type afin d'étudier les différentes formes de pouvoir dans la société (voir cours de première) ou les différents types d'activité qu'il distingue en :
- activité rationnelle en finalité, dans laquelle l'agent choisit les moyens les plus appropriés pour réaliser un objectif rationnel tout en anticipant des conséquences qui pourraient le faire dévier de son objectif, conséquences anticipées qu'il essaiera de déjouer ;
- action rationnelle en valeur, dans laquelle l'agent agit en fonction d'une conviction sans tenir compte des chances de réussite de son action ni de toutes ses conséquences éventuelles (l'honneur ou la foi, ou encore les idéologies peuvent ainsi pousser à des actions, que le motif puisse être considéré comme irrationnel n'empêche pas l'action d'être rationnelle si on considère le motif -la valeur -, exemple : entrer dans un monastère ne se comprend comme rationnel que si l'on a la foi) ;
- activité affectuelle, dans laquelle une action est entreprise suite à une émotion ou une passion (crime passionnel ou vengence par exemple) ;
- activité traditionnelle, dans laquelle l'action obéit à une routine, une habitude.

II. La rationnalisation dans l'Occident moderne

A. Les sources religieuses de la rationnalisation

1. Les influences de l'éthique religieuse dans l'action humaine

La naissance et le développement du capitalisme résultent d'un processus de rationalisation de l'action pratique dans l'Occident moderne. Max Weber va chercher cette rationalisation dans la religion, il considérait ainsi que le fond religieux exerce une grande influence sur les comportements humains :
« Ce qui importe donc, en premier lieu, c'est de reconnaître et d'expliquer dans sa genèse la particularité du rationalisme occidental [...]. L'apparition du rationalisme économique [...] dépend de la capacité et de la disposition des hommes à adopter des formes déterminées d'une conduite de vie caractérisée par un rationalisme pratique. Là où une telle conduite de vie a rencontré des entraves d'ordre psychique, le développement d'une conduite de vie rationnelle dans le domaine économique a rencontré, lui aussi, de fortes résistances intérieures. Or, parmi les éléments les plus importants qui ont façonné la conduite de vie, on trouve toujours, dans le passé, les puissances magiques et religieuses ainsi que les idées éthiques de devoir qui sont ancrées dans la croyance en ces puissances. »

Toutes les religions ne vont pas générer un processus de rationalisation, celles basées sur la magie et le polythéïsme ne sont pas propices à cette évolution (le système des castes dans l'Hindouisme s'y oppose selon Weber). Mais le puritanisme protestant chasse la superstition, dans "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme", il va montrer en quoi l'éthique protestante fondée sur l'idée de prédestination et d'épargne a permis le développement du capitalisme. A travers cette étude il montre que les acteurs ont produit l'essor économique en Occident à partir d'une volonté de contrôle et de domination systématique de la nature et des hommes qui est le propre d'un capitalisme dont la naissance remonterait au Moyen-âge.

2. Le développement du capitalisme

Max Weber fait bien du bourgeois de la ville médiévale l'acteur de l'émergence du capitalisme, mais contrairement à Marx il ne fait pas du machinisme et du rapport de production la condition du capitalisme. Plus que dans les causes techniques ou économiques, il faut chercher les causes de l'émergence capitaliste dans une nouvelle éthique, le développement de nouvelles valeurs : cette morale économique que Weber baptise "esprit du capitalisme".

L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme

En tant que telle, la richesse constitue un danger grave - ses tentations sont incessantes - la recherche est insensée, si l'on considère l'importance suprême du royaume de Dieu, mais avant tout elle est moralement douteuse. Des écrits puritains, on peut tirer d'innombrables exemples de la malédiction qui pèse sur la poursuite de l'argent et des biens matériels, exemples qu'on opposera à la littérature éthique de la fin du Moyen Age, beaucoup plus accommodante. Ces scrupules étaient des plus sérieux; il ne faut pas moins y regarder de plus près pour en pénétrer la signification éthique véritable et les implications. Ce qui est réellement condamnable, du point de vue moral, c'est le repos dans la possession, la jouissance de la richesse et ses conséquences : oisiveté, tentation de la chair, risque surtout de détourner son énergie de la recherche d'une vie "sainte". Et ce n'est que dans la mesure où elle implique le danger de ce repos que la possession est tenue en suspicion. En effet, le repos éternel des saints a son siège, lui, dans l'au-delà - sur terre, l'homme doit, pour assurer son salut, "faire la besogne de Celui qui l'a envoyé, aussi longtemps que durent les jours" (Jean IX, 4').

Ce n'est ni l'oisiveté ni la jouissance, mais l'activité seule qui sert à accroître la gloire de Dieu, selon les manifestations sans équivoque de sa volonté. Gaspiller son temps est donc le premier, en principe le plus grave, de tous les péchés. Notre vie ne dure qu'un moment, infiniment bref et précieux, qui devra "confirmer" notre propre élection. Passer son temps en société, le perdre en "vains bavardages", dans le luxe, voire en dormant plus qu'il n'est nécessaire à la santé - six à huit heures au plus -, est passible d'une condamnation morale absolue.

Le temps est précieux, infiniment, car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt à la gloire divine. Aussi la contemplation inactive, en elle-même dénuée de valeur, est-elle directement répréhensible lorsqu'elle survient aux dépens de la besogne quotidienne. Car elle plaît moins à Dieu que l'accomplissement de sa volonté dans un métier. Le dimanche n'est-il pas là d'ailleurs pour la contemplation ? Le travail cependant est autre chose encore il constitue surtout le but même de la vie, tel que Dieu l'a fixé. Le verset de saint : "Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus" vaut pour chacun, et sans restriction. La répugnance au travail est le symptôme d'une absence de la grâce.

La richesse elle-même ne libère pas de ces prescriptions. Le possédant, lui non plus, ne doit pas manger sans travailler, car même s'il ne lui est pas nécessaire de travailler pour couvrir ses besoins, le commandement divin n'en subsiste pas moins, et il doit lui obéir au même titre que le pauvre. Car la divine Providence a prévu pour chacun sans exception un métier qu'il doit reconnaître et auquel il doit se consacrer. Et ce métier ne constitue pas un destin auquel on doit se soumettre et se résigner, mais un commandement que Dieu fait à l'individu de travailler à la gloire divine. Partant, le bon chrétien doit répondre à cet appel : "Si Dieu vous désigne tel chemin dans lequel vous puissiez légalement gagner plus que dans tel autre (cela sans dommage pour votre âme ni pour celle d'autrui) et que vous refusiez le plus profitable pour choisir le chemin qui l'est moins, vous contrecarrez l'une des fins de votre vocation, vous refusez de vous faire l'intendant de Dieu et d'accepter ses dons, et de les employer à son service s'il vient à l'exiger". "Travaillez donc à être riches pour Dieu, non pour la chair et le péché. "

Pour résumer ce que nous avons dit jusqu'à présent, l'ascétisme protestant, agissant à l'intérieur du monde, s'opposa avec une grande efficacité à la jouissance spontanée des richesses et freina la consommation, notamment celle des objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de débarrasser des inhibitions de l'éthique traditionaliste le désir d'acquérir. Il a rompu les chaînes qui entravaient pareille tendance à acquérir, non seulement en la légalisant, mais aussi [ …] en la considérant comme directement voulue par Dieu. [… ] Plus important encore, l'évaluation religieuse du travail sans relâche, continu, systématique, dans une profession séculière, comme moyen ascétique le plus élevé et à la fois preuve la plus sûre, la plus évidente de régénération et de foi authentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer de l'expansion de cette conception de la vie que nous avons appelée, ici, l'esprit du capitalisme. "

Max Weber, L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme (1905), Plon 1964, p, 205 -236.

L'esprit du capitalisme se fonde bien sur l'éthique protestante du travail en tant que finalité de l'existence. La notion de prédestination qui veut que Dieu ait décidé quelques soient leurs oeuvres de ceux qui seraient les élus et de ceux qui seraient damnés, a fait de la réussite sociale par le travail un signe de la Grâce divine. Le protestantisme va donc réhabiliter la réussite matérielle et développer cet "habitus" qui va pousser les hommes à rechercher rationnellement les moyens de s'enrichir.

B. La rationnalisation de toutes les activités sociales

1. Le développement de la bureaucratie

Si le capitalisme correspond à la rationnalisation économique, la bureaucratie correspond à la rationnalisation du pouvoir. Que ce soit au sein des grandes entreprises, des administrations, des partis ou des syndicats, l'autorité la plus rationnelle est celle qui repose sur la compétence. La bureaucratie est la forme d'organisation qui suppose un type d'autorité rationnel-légal reposant sur des règles abstraites, écrites, impersonnelles. Il s'agit bien sûr d'un idéal-type, donc un modèle tout théorique devant permettre la plus grande efficacité de l'organisation. Le caractère impersonnel, froid de ce pouvoir, l'absence de passe-droit et de corruption qu'il suppose sous aussi un facteur de désenchantement.

2. Le désenchantement

Le capitalisme représente la rationnalisation la plus accomplie pour la production de biens matériels, ile va développer les actions de type rationnel en finalité pour lesquels les buts et les moyens sont sélectionné sur des critères d'efficacité plus que sur des critères de valeur. Le développement de ce type d'action au détriment des autres va rendre les relations sociales plus impersonnelles et utilitaires, on trouve là l'homme l'homo oeconomicus qui calcule pour maximiser ses avantages et limiter ses coûts.

De la rationnalité au détriment du religieux, on parlera d'un désenchantement du monde avec une explication rationnelle de tous les événements et l'effacement du rôle de Dieu. Ce processus de rationnalisation va donc changer les valeurs de l'homme occidental : l'accumulation de biens matériels devient légitime, l'homme accepte désormais que des normes juridiques soient formalisés, que des contraintes politiques s'impose, en même temps qu'émergence des disciplines scientifiques séparées du sacré.

Si le capitalisme est né de l'apparition d'une nouvelle éthique économique dont la source est le protestantisme, il mène à des effets que le religieux ne pouvait prévoir.

Le terme désenchantement n'est pas négatif ni péjoratif mais il peut conduire à un malaise, une absence de repère, une crise de maturité comparable à celle de l'enfant qui comprend que ses parents ne sont ni parfaits ni tout-puissants. Ainsi la recherche de l'efficacité ne passe pas par la magie qui ne peut plus alors répondre aux questions et aux souffrances humaines. Ce désenchantement dans le domaine religieux (on comprend rationnellement si l'on est un élu dans l'éthique protestante) libère des traditions mais menace l'individu d'asservissement vis-à-vis d'organisations qui se veulent rationnelles, justice, démocratie, bureaucratie. Il arrive que des esprits simples s'en remettent alors entièrement à ces organisations comme à un pouvoir tutélaire absolu et infaillible.

 

III. Actualité et élargissement

La pensée de Weber a mis du temps à s'imposer dans une France où l'approche holiste est restée longtemps hégémonique. Elle a été réellement découverte grâce à Raymond Aron dans son ouvrage "Les étapes de la pensée sociologique" (1967), depuis elle a inspiré des sociologues aussi différents que Raymond Boudon et Pierre Bourdieu.

A. Relire l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme

Plus récemment des économistes se sont penchés sur le thème du déclin français et c'est à travers une lecture de "L'éthique protestante" qu'ils ont pu décéler des élements du mal français :

"Si la France s'efforce aujourd'hui de refouler son passé religieux, sa longue tradition catholique la poursuit autant dans sa façon de gérer la laïcité proclamée que dans la manière dont elle perçoit les phénomènes économiques. Le contraste est flagrant en comparaison du travail qu'a produit la religion protestante sur les mentalités anglo-saxonnes. Ainsi, chez les uns, le travail sera vécu comme une punition et une souffrance alors qu'il sera perçu, chez les autres, comme un accomplissement. L'Église catholique a toujours été critique vis-à-vis de l'argent, du commerce et du travail. Instrumentalisée à des fins politiques, elle fut d'un côté la caution morale d'une droite franchement hostile au progrès économique ; et de l'autre côté le foyer de développement d'un courant social fondé sur la charité et la solidarité.
Dans ce contexte, une lecture trop " sacrée " du monde économique peut conduire à l'immobilisme alors que l'économie ne saurait exister dans un monde statique. Pourquoi, en effet, vouloir changer sa condition dans cette vie terrestre alors que le bonheur éternel est promis aux plus modestes et aux déshérités ? D'autant que le travail des hommes allait nécessairement dépraver un " état naturel " considéré comme l'expression de la volonté divine.
Dans cette vision, l'action humaine - notamment l'action d'apprendre via l'expérience, la science ou la prise de risque - est marquée du principe du pêché originel. A contrario, dans la religion protestante, le travail agit comme l'instrument de la révélation. Dans cet esprit, la réussite personnelle, loin d'être un crime inavouable, est interprétée comme le signe tangible de la prédestination : " (.) le travail sans relâche dans un métier est expressément recommandé comme le moyen le meilleur. Cela, et cela seul, dissipe le doute religieux et donne la certitude de la grâce ".

C'est peu dire que notre fatalisme quasi religieux - qui refait surface aujourd'hui à travers une lecture extensive du principe de précaution - ne convient guère à l'esprit entrepreneurial des économies de marché. "

Jean-Louis Caccomo

B. Relire le désenchantement

La mondialisation pourrait être conçue comme une rationnalisation des activités à l'échelle mondiale et le développement de l'esprit du capitalisme or de l'Occident, notamment en Asie (à mettre en relation avec d'autres traditions religieuses comme le Taoïsme).