Les fonctions et les formes de la monnaie


I. La monnaie à l'origine de la société marchande

    A. La monnaie, condition de la division du travail

1. Avant la monnaie : le troc

Dans une économie de troc on pourra échanger sa production contre celle d'un autre. Un pêcheur pourra échanger 100 truites contre le cheval d'un éleveur, ainsi l'éleveur pourra manger du poisson sans le pêcher ; le pêcheur pourra voyager sans devoir élever un cheval. La truite sera donc un équivalent simple, c'est-à-dire une marchandise qui exprime la valeur d'une autre marchandise. Mais le forgeron ne voudra peut être pas échanger son marteau contre des truites.

 

En effet pour que l'échange puisse avoir lieu il faut une double coïncidence des besoins : le forgeron doit avoir besoin de truites alors que le pêcheur a besoin d'un marteau. La double coïncidence des besoins constitue un obstacle au développement des échanges, il faudra donc avoir recours à un bien intermédiaire accepté par le plus grand nombre.

Ce bien intermédiaire là (ex : l'or, le coquillage) ne sera pas utile à la consommation mais servira à échanger contre un bien souhaité car il permet d'établir un rapport d'échange avec toutes les marchandises. Cette propriété fait de lui un équivalent général, et si l'équivalent général est accepté par tous comme instrument de paiement, alors on l'appellera monnaie.

2. Mettre fin au problème de double coïncidence des besoins

Du troc à la monnaie

Ainsi, la monnaie assure un rôle de lien social car elle résulte de la convention selon laquelle tous l'accepteront pour paiement, et qu'elle concourt à la cohésion entre les coéchangistes. Passant outre le problème de double coïncidence des besoins, elle rend les échanges plus facile.

La confiance en la monnaie permet à chacun de pouvoir produire plus qu'il ne lui est nécessaire en étant certain que la vente de son surplus lui permettra d'acquérir des biens ou services dont il a besoin mais qu'il ne produit pas lui-même. Le troc n'a jamais garanti l'accès aux commodités désirées, les sociétés basées sur le troc sont donc des sociétés qui ne se développent jamais (sociétés stationnaires) dans lesquelles chacun pratique l'auto-consommation sans dégager de surplus. Si les hommes ne pouvaient trouver un bien capable de conserver de la valeur alors ils ne pouvaient faire de prévisions à long terme donc pas d'investissement possible, ce qui confirme bien l'impossible développement des sociétés basées sur le troc.

Le choix pour chaque individu de se spécialiser dans une activité afin de vendre le produit de son travail et de s'acheter ce dont il a besoin implique donc d'aller au-delà du troc. L'existence d'une monnaie est donc la condition nécessaire de la division du travail et la division du travail implique que chacun puisse satisfaire ses besoins par l'échange du produit de son travail contre le produit du travail d'un autre avec l'intermédiaire monétaire qui permet de passer outre la double coïncidence des besoins. La société marchande est née.  

3. La monnaie, fruit de l'effort

Rearden entendit Bertram Scudder, à l’extérieur du groupe, dire à une fille montrant quelques signes d’indignation, «  Ne le laisse pas te perturber. Tu sais, l’argent est la racine de tous nos maux et lui est exactement le symbole typique de l’argent.

Rearden ne pensa pas que Francisco avait pu entendre cela, mais il  le vit se retourner vers eux avec un sourire solennellement courtois.

« Donc vous pensez que l’argent est la racine de tous les maux ? » dit Francisco d’Aconia. «  Ne vous êtes vous jamais demandé quelle était la racine de l’argent ? L’argent est un moyen d’échange, lequel ne peut exister si il n’y a pas de biens produits et les hommes capables de les produire. L’argent est la forme matérielle du principe qui veut que les hommes qui désirent traiter entre eux doivent le faire par l’échange et donner une valeur contre une autre valeur. L’argent n’est pas l’outil des fainéants larmoyants qui réclament votre produit par la pitié, ou des voleurs qui vous le prenne par la force. L’argent est rendu possible seulement par les producteurs. Est ce que c’est cela que vous considérez comme étant mauvais ?

« Quand vous acceptez de l’argent en compensation de votre effort, vous le faites seulement sur la conviction que vous allez l’échangez pour le produit des efforts d’autres personnes. Ce ne sont pas les fainéants ou les voleurs qui donnent de la valeur à l’argent. Pas un océan de larmes ni tous les armes du monde ne peuvent transformer ces bouts de papiers dans votre portefeuille en pain dont vous aurez besoin pour survivre demain. Ces bouts de papier, qui pourraient être de l’or, sont un gage de confiance envers l’énergie des hommes qui produisent. Votre portefeuille est votre déclaration d’espoir que quelque part dans le monde vous entourant, il y a des hommes qui ne feront pas défaut à ce principe moral qui est la racine de l’argent. Est ce que c’est cela que vous considérez comme étant mauvais ?

« N’avez vous jamais recherché les racines de la production ? Regardez une centrale électrique et osez vous dire à vous même que cela a été construit par les efforts musculaires de stupides brutes. Essayez de faire pousser un grain de blé sans la connaissance que vous a laissé les hommes qui l’ont découvert avant vous pour la première fois. Essayez d’obtenir votre nourriture par rien d’autres que des mouvements physiques et vous découvrirez que l’esprit humain est la racine de tous les biens produits et de toute la richesse qui a toujours existé sur terre.

« Mais vous dites que l’argent est fabriqué par la force aux dépens de ce qui est faible ? De quelle force parlez-vous ? Ce n’est pas la force des armes ou des muscles. La richesse est le produit de la capacité à penser que possède l’homme. Alors l’argent serait-il fabriqué par l’homme qui invente aux dépens de ceux qui n’ont rien inventé ? Est ce que l’argent est fabriqué par les hommes intelligents aux dépens de ce qui sont stupides ? Par les êtres capables aux dépens des êtres incompétents ? Par les êtres ambitieux aux dépens des fainéants ? L’argent est fabriqué avant qu’il ne puisse être volé ou racketté, il est fait par l’effort de chaque honnête homme, chacun à l’échelle de sa capacité. Un homme honnête est quelqu’un qui sait qu’il ne peut consommer plus qu’il n’a produit.»

 

Ayn RAND, Atlas Shrugged

 

1. Quelles sont les conditions de l'existence de la monnaie selon Francisco ?

Chaque homme doit mettre sa créativité au service d'une spécialisation dans laquelle il est le meilleur. Sa spécialisation conduit à une division du travail, il produit et met son esprit, son talent, ses mains au service de cette production. La spécialisation implique l'échange donc un instrument d'échange qui est la monnaie.

2. Comment obtient-on de l'argent selon Francisco ?

Par la production et la créativité, on ne peut obtenir d'argent sans avoir une utilité sociale.

3. Peut-on obtenir de l'argent d'une autre façon ?

Oui, par l'intermédiaire de l'Etat, mais ceux qui donnent n'ont pas alors le contrôle sur ceux qui reçoivent, Francisco parle alors d'obtenir de l'argent par le vol.

    B. La monnaie en tant qu'institution

1. Le contrôle de l'État sur la monnaie lui permet de mettre l'économie sous tutelle

La monnaie est un enjeu déterminant pour l'État qui veut en faire un élément de sa souveraineté (pouvoir suprême reconnu à l''État, qui implique l'exclusivité de sa compétence sur le territoire national et son indépendance dans l'ordre international). Parler de souveraineté monétaire implique donc un contrôle de l'État sur la monnaie circulant sur son territoire, le monopole d'émission de la monnaie fiduciaire par la banque centrale et la capacité de faire accepter cette monnaie sur le territoire national, on dira qu'elle a cours légal.

De surcroît le contrôle de la monnaie par une banque centrale, de fait très dépendante des autorités publiques car elle lui doit son monopole d'émission de la monaie fiduciaire (billets de banque), permet de contrôler étroitement les banques commerciales, lesquelles ont besoin de se refinancer en monnaie fiduciaire. Les conditions de ce refinancement font l'objet de la politique monétaire : la banque centrale pourra prêter des billets à taux d'intérêt faible ou élevé.

En contrôlant la monnaie, l''État peut aussi mesurer les transactions et les taxer. Si des monnaies privées apparaissaient il ne pourrait les contrôler ni taxer les transactions (exemple des sels et des monnaies privées virtuelles). En réalité la monnaie fiduciaire n'a pas toujours été un monopole public et le cours forcé n'a donc pas toujours existé.

La création de l'Euro met en évidence la perte de souveraineté monétaire de l''État français qui ne peut plus avoir de politique monétaire autonome de celle de l'UEM, il ne peut plus à discrétion augmenter ou baisser la masse monétaire en France, faire de l'inflation c'est-à-dire baisser le pouvoir d'achat de la monnaie (l'inflation profite toujours aux endettés, c'est une façon d'imposer les créanciers), financer ses déficits budgétaires.   

2. La monnaie sans État

Entre 1695 et 1850, les banques Écossaises pouvaient librement émettre leur propre monnaie sous formes de billets. Chaque banque émettait alors une monnaie différente qui pouvait être échangée contre de l'or. Il suffisait alors que chaque client ait confiance en le fait de pouvoir changer ses billets contre de l'or pour que ces monnaies privées puissent fonctionner et même circuler entre des banques différentes. On parlait de monnaie sans État puisqu'aucune banque centrale ne détenait de monopole d'émission ni ne réglementait les banques commerciales, chacun pouvait aussi utiliser la monnaie de son choix, le pouvoir politique ne pouvait donc pas avoir d'influence sur l'émission, la circulation ou la valeur de la monnaie. Nous aborderons ce point dans le chapitre suivant au sujet des systèmes monétaires sans banque centrale.

 

II. Les fonctions de la monnaie

 

«Quant au fait que c'est le besoin qui maintient la société, comme une sorte de lien, en voici la preuve : que deux personnes n'aient pas besoin l'une de l'autre, ou qu'une seule n'ait pas besoin de l'autre, elles n'échangent rien. C'est le contraire si l'on a besoin de ce qui est la propriété d'une autre personne, par exemple du vin, et qu'on donne son blé à emporter. Voilà pourquoi ces produits doivent être évalués. Pour la transaction à venir, la monnaie nous sert, en quelque sorte, de garant, et, en admettant qu'aucun échange n'ait lieu sur-le-champ, nous l'aurons à notre disposition en cas de besoin. Il faut donc que celui qui dispose d'argent ait la possibilité de recevoir en échange de la marchandise. Cette monnaie même éprouve des dépréciations, n'ayant pas toujours le même pouvoir d'achat. Toutefois elle tend plutôt à être stable. En conséquence de quoi, il est nécessaire que toutes choses soient évaluées; dans ces conditions, l'échange sera toujours possible et par suite la vie sociale. Ainsi la monnaie est une sorte d'intermédiaire qui sert à apprécier toutes choses en les ramenant à une commune mesure. Car s'il n'y avait pas d'échanges, il ne saurait y avoir de vie sociale; il n'y aurait pas davantage d'échange sans égalité, ni d'égalité sans commune mesure. »

ARISTOTE, Éthique à Nicomaque

Vous déterminerez les trois fonctions de la monnaie à travers ce texte en reprenant et expliquant les passages s'y référant.
.La monnaie est le dénominateur commun de toutes les transactions économiques. Il s'agit d'un bien qui sert d'intermédiaire dans les échanges et qui est accepté par tous pour paiement de leurs biens et de leurs services. Donc la monnaie permet de donner une valeur de marché à toutes les marchandises et permet de conserver de la valeur, c'est-à-dire d'épargner.

 

    A. La monnaie, intermédiaire des échanges

 

Il s'agit là de sa fonction la plus évidente, la monnaie met fin au problème de double coïncidence des besoins que l'on trouve dans le troc.

Mais pour qu'un bien devienne un intermédiaire des échanges il faut que tous l'acceptent à titre de paiement pour tous les biens et services pouvant être échangés dans une société. La monnaie doit donc avoir une valeur universellement reconnue.

 

    B. La monnaie, unité de mesure des valeurs

La monnaie, permet de mesurer la valeur des différent biens et de les comparer entre eux. Autrefois on utilisait l’or car il est facilement divisible et permet donc de mesurer petites et grandes valeurs. On obtenait par exemple : 1 vache = 500 grammes d’or, 1 paire de chaussure = 30 grammes d’or, 1 marteau = 20 grammes d’or, etc. … Quelle que soit la marchandise, on pouvait la représenter par une quantité d’or équivalente.

On voit bien l'importance de ce rôle avec le passage du franc à l'euro, certains continuent à traduire un prix de l'euro au franc pour estimer si selon eux il est cher ou bon marché.

    C. La monnaie, instrument de réserve des valeurs

Les denrées alimentaires ne faisaient pas une bonne monnaie, car elles sont périssables, il fallait donc les consommer rapidement. Effectivement, un bien utilisée comme monnaie doit pouvoir être conservé afin de réaliser un achat ultérieur : il doit permettre de transférer du pouvoir d’achat d’une période à une autre. Il constitue, de ce fait un instrument d'épargne. La monnaie ne remplit bien cette fonction de réserve de valeur que si l’on ne se situe pas en période d’inflation car alors la valeur de la monnaie se déprécie dans le temps.

Pour assurer ces trois fonctions, la monnaie doit donc être acceptée, divisible et durable.

 

III. L'évolution des formes de la monnaie

    A. Les origines historiques de la monnaie

1. De la monnaie marchandise à la monnaie métallique

Le bien qui sera accepté par tous en tant qu'intermédiaire des échanges doit posséder certaines propriétés tel que ne pas être périssable.

Dans une société primitive où les richesses sont peu abondantes, le blé se conserve assez longtemps pour servir de monnaie dans la mesure où les échanges n'interviendrait que pendant et immédiatement après la moisson, ne laissant pas d'épargne à stocker. Mais là où il est important de dégager des capacités d'épargne, c'est-à-dire dans les sociétés plus civilisées, plus riches, l'intermédiaire des échanges doit devenir un bien durable, la plupart du temps ce sera un métal.

Le métal sera choisi car il est homogène et divisible : chaque morceau de métal est semblable aux autres, il peut être fondu et moulé. Alors que les pierres précieuses, elles, ne sont ni homogènes, ni divisibles. Plus important encore le bien choisi devra être luxueux. La soif de luxe chez les hommes est illimitée, ainsi un bien luxueux sera toujours demandé et toujours accepté en paiement. Le blé est un luxe dans les sociétés de famine, mais pas dans les sociétés prospères. Ordinairement les cigarettes ne servent pas de monnaie, mais elles furent utilisées comme telles dans l'Europe de 1945 car les cigarettes furent considérées comme un luxe. Le terme " bien de luxe " implique la rareté et une valeur importante dans une seule unité de ce bien. Cette valeur unitaire importante implique que le bien en question soit facilement transportable, il est ainsi plus facilement de transporter la même valeur en or qu'en bétail.

Dans les premiers stades du développement des économies monétaires, plusieurs intermédiaires des échanges pouvaient être utilisés puisqu'une grande variété de biens satisfaisait les conditions requises pour une monnaie. Cependant un bien allait graduellement surpasser tous les autres. La préférence pour un bien pouvant facilement exercer la fonction de réserve de valeurs va favoriser le bien accepté par le plus grand nombre qui deviendra ensuite le seul intermédiaire des échanges. L'usage d'un seul intermédiaire des échanges est largement avantageux pour la même raison qu'une économie monétaire est supérieure à une économie de troc : elle rend possible la multiplication des échanges. Que ce seul intermédiaire soit l'or, l'argent, les coquillages, le bétail ou le tabac cela importe peu, l'intermédiaire dépendra du bien désiré dans la société en question. En fait, tous ces biens ont été utilisés à diverses époques comme intermédiaires des échanges.

Au vingtième siècle deux biens principaux, l'or et l'argent, seront utilisés pour réaliser des échanges, mais l'or prédominera. L'or a l'avantage de posséder un intérêt fonctionnel et d'être relativement rare, il a toujours été considéré comme un bien de luxe. Il est durable, aisément transportable, homogène et divisible, par conséquent il représente un intermédiaire des échanges idéal et effectivement il assurera longtemps le seul moyen de paiement international jusqu'à sa démonétisation à partir de 1971.

L'or circule au début sous la forme de lingots sans poids ni forme particuliers. C’est la monnaie pesée, mais cela n'est pas pratique donc introduction d'une monnaie divisionnaire, les pièces dont chacune possède un poids et un titrage déterminés en métal.

2. De la monnaie métallique au billet de banque

Si tous les biens et services devaient être payés en or, la circulation de métal devrait être très importante. Or l'utilisation de l'or a pu poser un problème lorsque les routes du Moyen-Âge étaient entre les mains des bandits de grand chemin dont la vocation était de détrousser les voyageurs au cri de "la bourse ou la vie !".

Le développement des moyens d'échange nécessaire à une plus grande division du travail a donc dû passer par la création d'un système bancaire et l'utilisation d'instruments de crédits lesquels pouvaient se substituer à l'or tout en pouvant être convertis en or à n'importe quel moment.

C'est ainsi que des banquiers (assis sur des bancs à l’entrée des villes ils pesaient et titraient les métaux ) reçoivent des marchants se rendant aux Grandes Foires des dépôts en or et émettent en contreparties des certificats de dépôts compensables en or dans les caisses d'autres banques qui se créaient en réseau dans toute l'Europe. Mais les marchands pouvaient aussi demander de leurs clients non pas de l'or mais un simple écrit par lequel le client se reconnait débiteur d'une somme qu'il s'engage à régler dans un délai donné à son créancier ou au porteur de l'écrit. Cette reconnaissance de dette en main (on parlera d'effet de commerce), le marchand pourra rentrer chez lui sans or et se faire remettre la somme qu'on lui doit auprès d'un banquier. Ledit banquier pourra transmettre l'effet de commerce auprès de la succursale où demeure le client pour qu'un collègue banquier récupère la somme due. Évidemment la banque se fera payer pour ce service que l'on appelle l'escompte, elle gardera pour elle un pourcentage de la somme due, on parle là du taux d'escompte.

Le billet de banque n'existe pas encore, il faudra attendre 1656 pour que Johann Palmstruck, un financier suédois, combine le certificat de dépôt avec l'escompte d'effet de commerce. Ainsi le marchand créancier qui remettra son effet de commerce à l'escompte pourra recevoir à la place de l'or un billet constituant une promesse de remboursement en or au porteur du billet. Le billet va pouvoir circuler et servir de moyen de paiement à la place de l'or puisqu'à n'importe quel moment le porteur du billet pourra se le faire rembourser contre de l'or.

La création du billet de banque va permettre une augmentation de la masse monétaire, en effet les banques vont mettre en circulation plus de billets que leur contrepartie en or. Elles supposent que tous les porteurs de billets ne viendront pas les changer contre de l'or, il suffirait cependant d'un mouvement de panique pour que les banques ne puissent pas rembourser tous les porteurs de billets. Il est arrivé effectivement qu'une rumeur malveillante fasse croire aux détenteurs de billets que la banque n'a presque plus d'or, tous iront alors exiger remboursement et la prophétie devient auto-réalisatrice...

3. La dématérialisation de la monnaie

Les billets de banque sont de simples bout de papier mais ils valaient de l'or.

Ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisqu'au dix-neuvième siècle en France, et progressivement partout ailleurs, les États vont décrêter le monopole d'une banque centrale et, après la première guerre mondiale, le gouvernement français met en place le cours forcé des billets, ce qui veux dire que tout le monde dans le pays devra accepter d’être payés en billets de banque centrale et que ces billets ne pourront plus être convertis en or. Depuis la banque centrale peut émettre autant de billet qu’elle veut, mais si elle en émet trop , elle créée de l’inflation. Les billets n'ont plus de support matériel si ce n'est un morceau de papier imprimé par une banque centrale.

Ces mêmes billets de banque se font de plus en plus rares : nous savons combien nous possédons en regardant chaque mois le solde créditeur de notre compte de dépôt à vue que nous envoie notre banque mais nous ne possédons pas en billets cette même somme. Certes nous pourrions demander à ce que notre solde créditeur nous soit réglé en billets de banque, mais nous trouvons plus pratique de recevoir un salaire par virement (à inscrire au crédit de notre compte) et de régler nos dépenses par chèques ou par cartes (à inscrire au débit de notre compte). La plus grande partie de la monnaie s'est donc dématérialisée, elle ne possède plus le support métallique, ni même papier.

4. Récapitulatif des formes historiques de monnaies     

Époque
inventions
norme monétaire
base de la valeur
Antiquité
 
  
marchandises ( sel, huile, blé, bronze .. )
emploi sous forme de marchandises
VIIème av J.C
pièces de métal ( avec poinçon ) en Lydie ( Asie mineure )
métaux précieux ( or et argent )
rareté des métaux
14°siècle
billet à ordre
métaux précieux ( or et argent )
   rareté des métaux
1656
Billets  (banque de Suède)
  
   métaux précieux ( or et argent )
  
rareté des métaux
19°siècle
   monnaie-papier ( billets de banque convertibles et virements )
métaux précieux ( or et argent )
confiance et convertibilité
20°siècle
   billets inconvertibles , virements, et cartes magnétiques
billet en tant que créance sur la banque centrale
confiance dématérialisation
21°siècle
   cartes magnétiques ?
monnaies privées ?
Confiance en l'émetteur ?

    B. Les diverses formes de la monnaie

1. La monnaie fiduciaire  

Le terme de monnaie fiduciaire vient de fiducia, confiance en latin. La valeur de la monnaie fiduciaire découle donc uniquement de la confiance, ainsi un billet de 50 euros aura la valeur de 50 euros dans la mesure où tous s'accordent pour le recevoir en paiement contre des biens et des services facturés à 50 euros. Il en va de même pour la pièce de 2 euros. En réalité nous savons que la valeur de la monnaie fiduciaire s'appuie davantage sur la contrainte que sur la confiance, en effet c'est la banque centrale qui décide de la valeur des pièces et des billets et nul n'a le droit de les refuser en paiement pour leur valeur faciale (celle indiquée sur la pièce ou le billet).

La monnaie fiduciaire a donc une valeur décrêtée qui est sa valeur faciale et qui n'a rien à voir avec la valeur du métal qui la compose -valeur négligeable d'ailleurs- , contrairement à la valeur d'un Louis d'or qui correspondait à celle de son poids en or, on parlait alors de monnaie pesée.

La monnaie fiduciaire représente à peine 12 % de la masse monétaire et sa part continue à se réduire dans le cadre du phénomène de dématérialisation. Elle se constitue des billets de banque et des pièces, ces dernières sont aussi appelées monnaies divisionnaires car elles servent à faire l'appoint.

2. La monnaie scripturale

Le terme de monnaie scripturale vient de scriptura, écriture en latin. On peut bien parler de "monnaie écrite" car elle se constitue de lignes d'écritures dans des comptes de dépôts à vue que l'on peut transférer sans délai auprès d'un créancier, mais aussi de lignes dans des comptes à terme dont on ne peut disposer avant un certain terme comme les comptes rémunérés sur livrets.

Il s'agit désormais la forme de monnaie la plus utilisée puisqu'elle représente 88 % de la masse monétaire. Avec elle la monnaie s'est dématérialisée puisque les transactions se règlent par de simples jeux d'écriture dans des comptes de dépôt à vue. Les virements, chèques, cartes bancaires sont des moyens de circulation de cette monnaie scripturale, ils ne sont pas de la monnaie scripturale, laquelle est la somme des dépôts à vue inscrits sur les registres des banques d’un pays. Effectivement, faute de dépôt à vue approvisionné le chèque ne vaut rien, on parlera de chèque sans provision.

3. La monnaie électronique

Le mouvement qui va des origines de la monnaie à ses formes actuelles est un mouvement de dématérialisation, ceci permet aux échanges de devenir de plus en plus rapides et de s'effectuer à des coûts toujours moindres.

L'avenir serait donc aux monnaies électroniques, la carte Monéo en serait un précurseur.

La monnaie électronique

Source : Alan Greenspan, Gold and economic freedom, 1963