L'école doit-elle être obligatoire et subventionnée par les contribuables ?


Texte 1 : Ayn Rand, Capitalism, juin 1963

La réponse à cette question devient évidente si on la reformule de façon plus concrête : l'État peut-il s'autoriser de retirer les enfants de leur foyer, avec ou sans l'autorisation des parents, afin de les soumettre à une éducation et à des règles que les parents peuvent aussi bien approuver que désaprouver ? Doit-on exproprier une partie des ressources des citoyens afin de financer un système éducatif fonctionnant sur des bases qu'ils acceptent ou non, et doit-on payer pour l'éducation d'enfants qui ne sont pas les nôtres ? Pour toute personne comprennant ces questions et respectant les droits individuels de chacun, la réponse est clairement non. Il n'existe aucun fondement moral au contrôle du système éducatif par l'État, et il n'existe pas non plus de fondement moral à l'expropriation de richesses de certains au bénéfice d'autres.

La doctrine suivant laquelle l'éducation doit être sous le contrôle de l'État est logique dans le cadre d'une vision nazie ou communiste du gouvernement, mais elle ne l'est pas dans une vision Américaine. Les implications totalitaires d'un système public d'éducation sont obscurcies par le fait qu'en Amérique, à la différence de l'Allemagne nazie ou de la Russie soviétique, il y existe des écoles privées.

Pourtant ces écoles n'existent qu'avec la permission de l'État et le fait demeure que :

- la plupart des parents sont obligés d'envoyer leurs enfants dans des établissements publics dans la mesure où ils sont déjà taxés pour les financer et n'ont pas les moyens de payer davantage pour les frais d'inscription dans le privé ;

- les programmes scolaires s'appliquant aux établissements publics s'appliquent aussi aux établissements privés (sous contrat) ;

- la tendance est à une extension du contrôle de l'État sur chacun des aspects de l'éducation.

Ainsi lorsque des parents contestant la méthode globale d'enseignement de la lecture entreprirent d'apprendre eux mêmes à lire à leurs enfants, ils en furent légalement empêchés. Que signifie une telle mesure sinon que l'esprit des enfants appartient à l'Etat ? Lorsque le financement de l'éducation est public, il est logique qu'il se mette progressivement à contrôler le contenu des programmes dans la mesure où il est de sa responsabilité de déterminer si ses fonds sont utilisés de façon satsfaisante. Mais lorsqu'un État rentre dans la sphère des idées, lorsqu'il indique que penser en matière intellectuelle alors c'est la mort des sociétés libres. Pour citer Isabel Paterson dans " The God of the Machine": "les supports éducatifs sont nécessairement sélectifs aussi bien en ce qui concerne les sujets choisis que la manière de les aborder. Là où l'éducation appartient aux écoles privées, on trouvera des variations importantes entre les façons d'enseigner si bien que les parents auront la latitude de choisir auxquelles confier leur enfant. Ces écoles chercheront du mieux possible à prodiguer un enseignement objectif plutôt qu'à délivrer la philosophie obligatoire de la suprématie de l'État comme le fait un système éducatif entièrement contrôlé par l'État. Une fois que les doctrines collectivistes ont pénétré les esprits, il faut pratiquement fournir un effort surhumain pour échapper à l'emprise morale du politique sur la vie du citoyen. D'autant que le contrôle des écoles par l'État permet de mettre la main sur les corps, les biens et les esprits des individus dès la plus tendre enfance.

Le niveau scandaleusement faible de l'enseignement en Amérique n'est que le très prévisible résultat d'un système scolaire entre les mains de l'État. L'école est devenu un symbole statutaire et un rituel. De plus en plus de jeunes s'inscrivent dans le supérieur mais de moins en moins en sortent correctement instruits. Notre système éducatif est comme une grande bureaucratie dans laquelle les enseignants sont évalués davantage pour leurs travaux et publications que pour leurs compétences pédagogiques ; et les étudiants sont davantage évalués au travers de leur adaptabilité sociale plutôt que par leurs compétences intellectuelles. (...)

 

Texte 2 : Aldeous Huxley, nouvelle préface au Meilleur des mondes, 1946.

Il n'y a, bien entendu, aucune raison pour que les totalitarismes nouveaux ressemblent aux anciens. Le gouvernement au moyen de triques et de pelotons d'exécution, de famines artificielles, d'emprisonnements et de déportations en masse, est non seulement inhumain (cela, personne ne s'en soucie fort de nos jours) ; il est - on peut le démontrer - inefficace : et, dans une ère de technologie avancée, l'inefficacité est le pêché contre le Saint-Esprit.

Un État totalitaire vraiment " efficient " serait celui dans lequel le tout puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population d'esclaves qu'il serait inutile de contraindre, parce qu'ils auraient l'amour de leur servitude. La leur faire aimer - telle est la tâche assignée dans les États totalitaires d'aujourd'hui aux ministères de la propagande, aux rédacteurs en chef de journaux et aux maîtres d'école.

 

Question de réflexion : Quelles différences peut-on établir entre une instance de normalisation telle que l'école et les autres instances de normalisation ?