Pègre scolaire ?


Jean-François Revel est un brillant promoteur de l'individualisme, sans relâche il défend le particularisme individuel contre la volonté des hommes de l'État de construire le citoyen, l'aliéné social. Dans son article du Point "L'école du civisme", il s'indigne d'un commentaire d'un sociologue, qui, sans rire, attribue la violence scolaire à … l'individualisme.

Les résultats de la collectivisation des esprits

Quel échec de l'inéducation nationale si on en arrivait là, cela signifierait sans nul doute que la collectivisation des esprits aurait engendré un réflexe de rejet. Mais alors, l'échec constaté, on admettrait que le collectivisme est civilisant et que l'individualisme est criminogène. Certainement aux yeux des hommes de l'État mais les crimes dont on parle sont ici vols, racket, mépris de la personne humaine et de sa propriété, tout le contraire du crime de résistance contre l'écrasement de son individualité.

Ce sociologue s'est il déjà frotté à une Zone d'Éducation Prioritaire ? Connaît-il ces délinquants "individualiste", leur a-t-il parlé, les a-t-il vu dans leur quotidien ?. Non, visiblement non, où est l'individualisme dans le "posse", la loi de la bande qui met à l'écart celui qui ne se conforme pas à un mode vestimentaire, qui n'adopte pas cette "novlangue" à la Orwell ? Oui, cette langue faite pour réduire au strict minimum les concepts, le fameux séfran admiré par des ersatz d'intellos, construit sur des expressions sexistes et violentes et limitant le champ sémantique, rendant impossible la communication de notions abstraites et élaborées. Abrutis par les clips de gansta rap, baignés dans "le grégarisme de la violence primate" comme le dit Revel, ces pseudo produits de l'individualisme sont en fait des victimes d'un collectivisme de repli qu'ils ont intégré parfaitement.

Le laminage par le bas est-il délibéré ?

Transformer la langue, priver les individus de leurs concepts, ne les faire communiquer sur le sensible, sur leurs pulsions de faim, de soif, d'envie, de haine, de violence et vous n'obtiendrez que des aliénés sociaux, des bêtes sauvages, ceux-là même pour lesquels la réussite passe par le rejet de la pensée, l'intégration à la bande, la cérémonie du viol et du racket. Le héros est le même, tous veulent ressembler au rapeur teigneux, méchant et inculte.

Quand à exprimer un particularisme, une individualité, une pensée qui leur soit propre, même ceux qui restent dans une insertion sociale de bon aloi en sont peu capables. Comme le dit Revel : "Écoutez ces jeunes dont micros et caméras recueillent les propos : ils ne s'expriment pas, ils répètent. Rien ne vient d'eux, de leur réflexion, de leur expérience, d'un jugement qui leur appartienne, tout vient d'un fonds communs de clichés qui traînent partout. Trois ou quatre formules stéréotypées, tirées du jargon ambiant, leur tiennent lieu d'originalité. Écoutez les conversations nocturnes des auditeurs qui téléphonent aux radios pour se confier : ils se figurent laisser parler leur moi, et ils répercutent les poncifs d'une table ronde de la veille. Il est là, l'échec scolaire."

A quoi je rajouterais que je m'interroge : échec scolaire ou volonté politique délibérée de laminage par le bas…

Bien sûr ne généralisons pas, je rencontre tous les jours des jeunes qui s'expriment admirablement et avec un esprit critique développé, ils sont peut-être la majorité mais eux sont très certainement beaucoup moins médiatiques, hélas.

Xavier COLLET, le 14 octobre 1999

Pègre scolaire, le retour

On peut reconnaître un mérite à l’hebdomadaire Marianne, celui de ne pas prendre l’insécurité à la légère. Eh oui, il demeure tout de même politiquement incorrect de plaindre les victimes d’agressions, pardon d’incivilités. Surtout de cette manière tellement juste servant de conclusion à l’article ci-après cité : « Or que nous a-t-on rétorqué ? Que les délinquants sont avant tout des victimes de la société. Mais où sont-elles aujourd’hui, ces victimes ? Chez ceux qui font régner la loi du plus fort ou chez ceux qui la subissent ? » :

On croirait là un hymne au principe de responsabilité individuelle contre la victimisation que porte l’État providence et les mythes du conditionnement social à la Bourdieu. Un Libertarien n’aurait pas dit mieux.

 Mais Marianne sera bien vite excusée de cette grave, incroyablement grave, incorrection : son acte de contrition suit immédiatement par une condamnation du libéralisme (ultra, néo ou que sais je ?). Ouf, on a eu peur, cette très politiquement correcte condamnation vient, en un seul mot, réhabiliter tout l’article du 25 mars 2002 sous la plume de Bénédicte Charles.

La leçon de Jean-François Revel n'a toujours pas été assimilée

L’exercice de style ne vient pourtant pas sauver la crédibilité de l’ensemble, on sait bien d’ailleurs que les articles les plus conformes à des canons politiques sont les plus ridicules et indigestes, ils laissent aussi une impression de déjà lu lorsque les contre-vérités les plus flagrantes deviennent crédibles par la vertu de leur matraquage médiatique.

Là ladite Bénédicte Charles, ni pire ni meilleure journaliste que ses confrères de chez Marianne – c’est dire son talent ! – nous commente un article du Monde en date du 21 mars. Le sujet en est la violence des mineurs et son origine, à savoir la loi du plus fort. On y lit « ( …) des petites bandes de délinquants retournent à leur avantage le principe ultralibéral (sic) de la loi de la jungle. (…) Les plus faibles subissent des tests de sélection (bousculades et petites brimades) : s’ils ne réagissent pas, ils deviennent les souffre-douleur des plus forts. »

Voilà donc le mot à trouver était « ultralibéral », un qualificatif alibi de ces quelques lignes qui auraient été correctes sans cet usage absurde et surtout porteur d’une contre-vérité flagrante quant aux principes aussi bien de la loi du plus fort que du libéralisme.

La loi du plus fort est collectiviste par excellence

En l’occurrence, dans les cités comme partout et à n’importe quelle époque, la loi du plus fort est celle du groupe, du grégaire, le meneur est le plus salaud et s’impose comme l’exemple. Le bouc-émissaire est souvent le plus faible, au sens où on ne lui donne pas les moyens de répondre, où on le menace lui et sa famille, où personne ne viendra le défendre et surtout pas la police. Il suffit alors qu’il se singularise, s’individualise je dirais, qu’il soit différent, handicapé, introverti pour que son calvaire commence. Cette loi là se développe dans une société d’irresponsabilité où le droit naturel qui découle d’une société libre est mis à mal par le droit de l’État et les considérations du Conseil Supérieur de la Magistrature. C’est bien visible, la loi du plus fort domine en France avec la consécration des politiquement forts sur les politiquement faibles, en outre si l’un des taux de criminalité les plus élevés des pays développés se situe là où l’État est le plus déresponsabilisant ne pensons pas à une coïncidence.

Le libéralisme est bien sûr tout le contraire de la loi du plus fort, que ce soit au niveau politique par le principe bien compris de subsidiarité, ou au niveau individuel par la principe de responsabilité. En France, ceux qui sont condamnés à des peines de moins de 10 mois ne les effectueront jamais et, quelque soit la condamnation, la victime ne sera jamais dédommagée. Si nous vivions dans une société libérale, la moindre atteinte à la personne ou aux biens impliquerait réparation immédiate pécuniaire ou autre, les risques d’agression seraient en outre déjoués en partie par la dissuasion, laquelle passe par la fin du désarmement des victimes et de leurs commis.

Ainsi si l’auteur de cet article hait autant que moi la loi du plus fort, qu’elle sache enfin que nous ne la détruirons que par la réhabilitation en droit et dans les cœurs de la liberté et de la responsabilité individuelle.

Xavier COLLET, le 29 août 2002