Travailler plus pour gagner plus !


" Travailler plus pour gagner plus ! ", " Travailler plus pour gagner plus ! ", la formule est récitée comme un mantra maléfique dans les cortèges des professionnels de la manifestation, des valétudinaires du travail et experts en l'art de la sébile agressivement tendue.
Nos animateurs vedettes d'émissions convenues entre deux diarrhées verbales sur George Bush, trois génuflexions sur José Bové et quelques crachats à la mémoire de Charlton Heston, arborent un rictus de circonstance sur la France du " travailler plus pour gagner plus ".
La quotidienne Chaviste de France Inter à 15 heures débute aussi souvent par le " travailler plus pour gagner plus " avec un air de " le travail rend libre ".

Sans qu'il soit nécessaire d'expliquer pourquoi ce slogan est nauséabond, le bon peuple de France, après avoir mal voté, est prié de l'intégrer comme une grosse saloperie dont il convient de se moquer.
On est là au niveau du réflexe conditionné et le Français est un bon chien de Pavlov.

C'est vrai qu'en y réfléchissant cinq minutes, c'est-à-dire après avoir éteint le poste toutes chaînes confondues, le " travailler plus pour gagner plus " sonne comme une lapalissade. Il est bien évident qu'à labeur de qualité égale, si l'on travaille plus on gagne davantage. Sinon franchement à quoi bon se donner la peine de s'échiner ?
Pourquoi le boulanger est-il déjà au fournil à 5 heures du matin ? Pourquoi l'épicier reste-il ouvert tous les soirs après 22 heures ? Pourquoi les salariés de la zone commerciale de Plan de Campagne s'affairent-ils le dimanche ? Mais pour gagner plus évidemment ! Et nous y trouvons nous-même largement notre compte sinon en dehors des horaires de fonctionnaires notre France serait un désert commercial.

Seulement voila, en France il y a des lois, des réglementations, des droits sociaux acquis, et autant de prélèvements obligatoires que de variétés de fromage, tant et si bien qu'en réalité travailler plus ce n'est pas forcément gagner plus.
Eh oui, c'est ainsi : la mère célibataire sans activité qui trouve un temps partiel va certainement travailler plus mais gagnera moins en terme de revenus disponibles frais divers déduits, on appelle cela la trappe à la pauvreté. Celui qui créé son entreprise en renonçant à son statut de salarié va se trouver plongé dans la précarité sans prime pour un temps de travail minimum de 50 heures par semaine en y étant de sa poche.

" Travailler plus pour gagner moins, travailler plus pour gagner moins ", voila l'illogique logique française. Nos jeunes rêvent donc de devenir fonctionnaires plutôt que créateurs d'activités et nos chômeurs le restent en moyenne plus d'un an, quant aux salariés de Plan de Campagne ils doivent se battre contre les syndicats car ils ont été condamnés à ne pouvoir travailler plus.
Ce dernier point est atterrant mais tout de même encourageant, il démontre qu'en levant les carcans légaux on peut mettre fin à cette logique liberticide, délétère et d'un crétinisme très profond.

Pourtant, au-delà d'un mot d'ordre conservateur pavlovien, le dénigrement de la liberté de travailler doit bien se fonder sur des arguments a priori rationnels. Ces arguments que l'on a peu entendu, et pour cause ils ont été invalidés par l'échec des 35 heures, ont été abordé par Philippe Frémeaux dans l'éditorial d'Alternatives Économiques de février 2007. En pleine campagne électorale il fallait parler un peu des enjeux économiques et quel meilleur journal que celui-ci pour exposer les délires théoriques d'une gauche antilibérale qui croit comprendre l'économie ?
Cette position de principe contre la liberté de travailler s'appuie donc le constat que les employeurs n'utilisaient pas tous les contingents d'heures supplémentaires accordés et que ce pays connaît un nombre important de chômeurs et de travailleurs à temps partiels, la seule mesure à prendre consisterait donc à surtout ne rien changer et à mettre en place de nouvelles actions publiques en direction des demandeurs d'emplois. Car, et on ne lui fait pas dire : " ce sont d'abord eux qui aimeraient travailler plus et gagner plus ".

Soyons sérieux, nous savons que la gauche n'a jamais rechigné à appeler à la réduction des libertés individuelles au nom de la réalisation d'objectifs sociaux, mais nous savons aussi que ces objectifs sociaux ne sont jamais atteints. Le raisonnement tenu participe de cette logique propre à la gauche, une logique simpliste qui ignore le facteur humain et fait abstraction de toute perspective dynamique.
Ainsi l'impossibilité économique du travailler plus n'est évoquée que sous l'angle de la relation salariale, il ne vient pas à l'idée de l'éditorialiste que restaurer la liberté du travail donc lever les carcans administratifs et fiscaux à la création d'entreprise permettrait à des salariés et des demandeurs d'emploi de créer leur activité et à terme de générer de nouveaux emplois. Il lui vient par contre à l'esprit que le " détricotage " du code du travail et donc la contractualisation de la relation salariale faciliterait le retour à l'emploi de ceux que l'exclusion sociale menace, oui ceux là pourraient travailler mais pas à coup de nouvelles politiques d'emplois du type " emplois jeunes ".

Frémeaux ne sort pas de cette vision d'un stock d'emplois à répartir au sein de la société. Dire qu'il n'y a pas de travail pour tout le monde, et donc que ceux qui travailleraient plus voleraient du travail aux autres est une bêtise. Un tel raisonnement consiste à déterminer le nombre d'heures de travail salarié en France et de diviser ce nombre d'heures par le total de la population active. Si le résultat est de 30 par exemple, il suffira de décréter les 30 heures de travail pour que le chômage disparaisse, mais bien sûr !
Sauf que devant le fait accompli, ces salauds de patrons en profiteraient pour essayer d'augmenter la productivité du travail (pour ne pas embaucher plus), feraient faillite face à la concurrence étrangère voire délocaliseraient, ou encore remplaceraient la main d'œuvre par des machines, quant aux vocations de créations d'entreprises elle se feraient sans recours au salariat.

La vérité c'est bien qu'il n'existe pas un stock d'emploi déterminé et immuable dans une société, mais que ce nombre d'emploi varie en fonction des conditions économiques et juridiques du pays, lesquelles sont liées.
Laissez travailler les Français, laissez les créer, ne culpabilisez pas et n'appauvrissez pas ceux qui bossent alors ce gisement d'emploi atteindra des sommets.


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