Qu'est ce que l'utilitarisme ?


 

L'utilitarisme est en premier lieu la tentative de transformer l'éthique en une science positive de la conduite humaine, science dont le premier promoteur à la fin du dix-huitième siècle, Jeremy Bentham, voulait qu'elle soit exacte comme les mathématiques-.

Aux impératifs moraux d'origine religieuse ou métaphysique se substitue la considération exclusive des mobiles réels qui déterminent l'action humaine et qui peuvent se résumer à la recherche du plaisir ou du bien-être (1' " utilité ") et au rejet de la douleur et du malheur. Au niveau global il n'est plus question de laisser le soin à Dieu au Prince, ou même encore au Droit naturel de déterminer de ce qui est bien ou mal, de ce qui est juste ou pas, puisque le principe de l'utiltarisme c'est la recherche du plus grand bonheur pour le plus grand nombre.

 

... Le calcul des utilités -, qui permet de maximiser le bonheur global, a deux autres attraits : il apparaît radicalement égalitaire, au sens où le bien particulier d'un individu n'a pas plus d'importance que celui de n'importe quel autre ( we count everyone for one, no one for more than one., disait Bentham) ; il se présente comme une morale du résultat qui n'obéit pas à des règles abstraites mais à une analyse détaillée des conséquences concrètes réelles ou possibles des actions individuelles et/ou des dispositifs institutionnels (c'est pourquoi l'on parle d'une éthique conséquentialiste).

Tout cela semble faire de l'utilitarisme un candidat idéal pour orienter une théorie économique du bien-être. Mais la doctrine utilitariste doit pour ce faire surmonter un certain nombre de difficultés intrinsèques.

Robert NozickLa première est la définition du bien-être, du bonheur ou de la satisfaction. Le philosophe américain Robert Nozick a élaboré l'argument le plus dévastateur à l'encontre de la conception hédoniste du bonheur qui informe l'utilitarisme originel. Imaginons, dit-il, que des neuropsychologues nous attachent à une "machine d'expérience" qui nous injecte certaines drogues. Ces drogues créent les états de conscience les plus agréables qu'on puisse imaginer. Si le plaisir comme tel était notre bien suprême, nous voudrions tous être ainsi maintenus dans un état de volupté perpétuelle. Mais il est clair que, loin d'y voir la meilleure vie que nous puissions souhaiter, la plupart des gens considéreraient cette forme d'existence comme totalement vaine et dénuée de sens. Notons bien que la machine peut reproduire non seulement des plaisirs grossiers, mais des états mentaux plus complexes et éthérés, comme les angoisses stimulantes de la création artistique. Le problème, c'est que nous ne souhaitons pas seulement jouir de la sensation de créer de l'art, nous voulons créer de l'art, et il en va de même pour toutes les activités auxquelles nous accordons une valeur. […] Tout cela ne nous dit toujours pas comment mesurer les plaisirs, la satisfaction des désirs ou l'intensité d'une préférence. En l'absence d'un "thermomètre moral " ou d'un "hédonomètre efficace ", l'utilitarisme perd beaucoup de son attrait. Mais, quand bien même on disposerait d'un tel instrument, cela ne résoudrait pas un autre problème : l'égalitarisme apparent de la doctrine ne se reflète pas nécessairement au niveau du résultat des calculs d'utilité. […]

Un des reproches les plus fréquents fait au calcul utilitariste, c'est qu'on pourrait sacrifier la liberté ou même la vie d'un individu pour maximiser l'utilité de tous les autres. Prenons un exemple de la vie réelle : dans certains pays d'Amérique latine, la police est tellement incapable d'assurer la sécurité des citoyens les plus pauvres (les riches disposant de polices privées) que les actes d'autodéfense débouchant sur des lynchages brutaux se multiplient. On pourrait considérer qu'avec la disparition d'un dangereux délinquant l'utilité de tous les citoyens (comme satisfaction de leur préférence pour la vengeance dans le présent et/ou pour la sécurité dans l'avenir) est maximisée, et ce à moindre coût pour le budget de l'État. Mais notre intuition morale (du moins celle de pas mal de gens) nous dit qu'il s'agirait là d'une injustice, même si la victime était coupable de crimes horribles. Ce type d'intuition morale s'exprime généralement dans un langage des droits, de l'inviolabilité de la personne humaine, etc., que Bentham considérait comme des fictions absurdes et nuisibles et qui n'entre pas non plus en ligne de compte dans le raisonnement économique.

Saint-Upéry Marc, Amartya Sen ou l'économie comme science morale, Introduction à l'ouvrage de SEN Amartya, L'économie est une science morale, La Découverte, Coll. Essais, 2003, p.21-25.

1. En quoi le conséquentialisme est-il un principe de justice qui s'oppose au jusnaturalisme (doctrine du droit naturel) ?

D'après le conséquentialisme, les actions et les institutions (règles de l'action) ne sont pas jugés en fonction de principes premiers, mais jaugés à l'aune de leurs conséquences sur le bien-être total de la société.

2. L'augmentation du bien-être d'une personne est-il positif selon l'utilitarisme ?

Le bien-être général est la somme des biens-être particuliers, dans ce sens l'augmentation du bien-être d'une personne permet l'augmentation de ce bien-être général mais à condition que ce surcroît de bien-être individuel ne s'obtienne pas par un mal-être plus important de tous les autres.

3. Quelles critiques développe Robert Nozick contre l'utilitarisme ? Vous vous aiderez d'une recherche personnelle

La source à utiliser est l'ouvrage de Nozick publié en 1974 : "L'anarchie, l'État et l'Utopie". Il n'est pas acceptable comme dans la vision utilitariste que : "la liberté ou même la vie d'un individu puisse être sacrifiée pour maximiser l'utilité de tous les autres". On peut ainsi se référer au principe de la propriété de soi avancée par le révérend Elisha Williams suivant laquelle tout individu a un droit absolu de disposer de lui-même et de ce qui lui appartient (y compris lui-même donc). Ce qui appartient à un individu ne peut donc être approprié même pour réaliser un bonheur plus important d'un autre, car ce serait là commettre un vol (légal ou non) et se croire assez malin pour juger de l'intensité du bonheur des uns et des autres. Celui qui se croirait assez malin, en l'occurence, est l'État ou plus exactement ses représentants qui auraient leur manière propre et subjective d'estimer bonheur et utilité de chacun.