Venez à moi les manifestants


Ringardisés dans l'esprit des jeunes, les syndicats sont des machins de vieux ou de profs. C'est du moins ce que pensent en général les élèves, et comme la plupart des français ils critiquent notre société de blocage et s'inquiètent pour leur avenir. Ainsi il suffira d'aborder le programme d'économie pour constater que certains chapitres les touchent plus particulièrement. Le chômage par exemple, dont la spécificité française consiste en un chômage d'insertion touchant le quart des jeunes de moins de 26 ans. Les causes de ce chômage sont vite identifiées : l'absence d'expérience et le manque de formation. A cela les élèves proposent des solutions : " d'accord, par définition on n'a pas d'expérience quand on cherche notre premier emploi, mais il suffirait qu'on nous laisse notre chance quitte à donner la possibilité à l'employeur de ne pas garder ceux qui ne font pas l'affaire ", une autre élève qui souhaite s'orienter vers l'alternance rajoute : " il faudrait aussi que l'on nous forme si l'éducation nationale ne correspond pas aux besoins de l'entreprise ". En fait la classe avait inventé le CPE tel qu'il existe actuellement, un consensus s'établit en général sur la nécessité de ce genre de réforme.

Pourtant au-delà d'une crainte pour leur avenir professionnel, ce qui touche le plus les lycéens c'est l'impression de ne pas compter, d'être ignorés face à un Etat nounou et paternaliste. Pour les toucher il faudra donc leur prêter une oreille attentive ou leur expliquer que si le pouvoir les ignore, un contre-pouvoir leur donne la parole. C'est alors qu'une épidémie de schizophrénie s'abat une partie des professeurs et de leurs élèves. Les premiers, en appelant leurs élèves à manifester, se muent en formateurs sabotant les perspectives d'avenir de ceux-là même qu'ils forment. Quant aux élèves, une partie d'entre eux va manifester pour le désir d'être entendu sans vraiment chercher à comprendre le message que certains veulent faire passer à leur place. Mais le message ne compte plus, les medias en parlent et chacun perçoit différemment sa participation ou sa non-participation. Certains ne viendront pas en cours pour bosser leurs examens à venir, ou iront à la manif comme on va à une fête, ailleurs encore pour ceux qui ne se cherchent plus d'avenir on ira casser du flic ou des vitrines, ça rappellera les émeutes. D'autres s'indigneront d'une campagne politique orchestrée par des syndicalistes professionnels qui prétendent être seuls consultés sur les réformes à venir. Car justement ce que les plus lucides ont compris c'est que ces partenaires sociaux qui se plaignent de n'avoir pas été entendus, ce ne sont ni les lycéens ni les étudiants, mais des syndicats qui ne représentent plus grand monde et qui entendent dicter à la jeunesse ce que sera son avenir. Il suffirait de le faire comprendre aux jeunes grévistes pour qu'ils se mettent à défiler contre les syndicats. Mais, en attendant, pour ceux qui succombent à la fête manifestante ou qui y résistent, c'est le premier véritable contact avec la politique. Pour les syndicats ce sera l'occasion de préparer la relève avec quelques naïfs et quelques madrés, eh oui il faut bien penser en permanence au renouvellement de la base et de sa direction pour les lendemains qui chantent.

 

Xavier Collet, le 14 mars 2006, publié dans "Le Journal de Gien"