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Les vraies lois de l'économie " de Jacques Généreux, professeur à Sciences
Po et contributeur habituel d'Alternatives Économiques ont donné l'occasion
d'émissions régulières sur France Culture, puis à un ouvrage que l'on trouve
dans tous les CDI et les bibliothèques universitaires.
Il s'agit d'un ouvrage de vulgarisation dont l'objet est de mener une charge
assez maladroite contre le libéralisme.
Je me propose de vous le commenter
dans ce qui suit afin de mettre en évidence les procédés employés parmi lesquels
des straw men (arguments faux prêtés à ses adversaires afin de les contredire
sur autre chose que ce qu'ils disent), des procès d'intentions et autres contre-vérité
flagrantes.
Dommage que la plupart des étudiants n'aient plus aujourd'hui le bagage intellectuel
pour apporter la contradiction à cet ouvrage.
P50-51 D'abord l'argument pour simples d'esprit qui consiste à présenter les libéraux comme un syndicat des riches contre les pauvres :" La victoire politique du néolibéralisme ne peut s'afficher comme une victoire des puissants sur les faibles, des riches sur les pauvres. Il lui faut donc maquiller sa victoire politique, en nécessité scientifique pour décrédibiliser et décourager la contestation. " C'est évidemment un argument absurde puisque la victoire du libéralisme n'est pas politique, elle résulte avant tout de l'échec du marxisme et de l'interventionnisme qui se sont heurtés justement aux réalités économiques.
Quant à dire que les lois de l'économie sont une construction des hommes et qu'elles n'ont rien de scientifiques. Il faut rappeler que l'économie est une branche de la praxéologie, et donc ses lois sont celles de la nature humaine que les lois des hommes ne peuvent changer. Chacun recherche son intérêt et minimise ses peines, certains prennent des risques en fonction des gains qu'ils en attendent, d'autres préfèrent la sécurité. La décision en fonction d'un calcul coûts - avantages est universelle.
P56-57 Généreux cherche ensuite
à démontrer que les référents libéraux pouvaient se montrer de fervents étatistes
: " Say consacre de longs développements à montrer que toute activité matérielle
ou immatérielle, marchande ou non marchande, est créatrice de richesses, dès
lors qu'elle est utile à quelqu'un. Le précurseur du modèle néoclassique libéral
ouvre ainsi, malgré lui il est vrai, la voie d'une critique de la marchandisation
du monde ! "
Effectivement, Jean-Baptiste Say dit bien cela, et il n'y a rien là dedans
contre la " marchandisation " au contraire puisque c'est le marché qui révèle
l'utilité ressenti par chacun pour telle ou telle consommation. Ainsi si le
coût d'un service public est supérieur au prix que j'aurais payé sur un marché
pour l'obtenir, c'est que son utilité pour moi est moindre que son coût. Ce
service m'est utile, oui, mais pas à son prix qui m'est imposé (au sens premier
du terme d'ailleurs), à ce prix là il devient donc désutile puisque je ne
peux me soustraire à son règlement. Il existe aussi des services que l'on
paie mais que l'on ne consomme pas. Demandez aux parents qui choisissent le
privé hors contrat l'utilité pour eux de l'école publique.
Le problème des services non marchands n'est pas qu'ils soient inutiles, mais
qu'ils seraient mieux gérés par le privé à moindres coûts et à meilleure qualité.
Car la gestion publique gonfle les coûts et dégrade la qualité faute de concurrence.
P58-59 Mais Généreux insiste
décidément : " Il suffit qu'un être au monde considère les biens publics
comme utiles à son bien-être pour en faire des richesses en soi. Et comme
seul l'individu souverain peut savoir comment les ressources disponibles doivent
être réparties entre biens publics et biens privés, la théorie économique
est incapable de définir a priori un bon niveau d'État. Seule la délibération
entre les individus souverains permet d'effectuer un choix collectif légitime
sur le partage biens publics / biens privés. Ainsi même cette théorie de la
valeur qui va fonder la souveraineté du consommateur fonde aussi - malgré
elle peut-être - la souveraineté du citoyen. "
Soit, mais est-il logique qu'il réclame à toute la collectivité de payer pour
un bien dont son jugement sur l'utilité le conduit à lui accorder une valeur
mille fois plus grande que n'importe qui d'autre ? Car c'est bien ainsi que
fonctionnent les entreprises publiques. Il serait plus logique qu'il vote
avec son portefeuille en payant ce bien sur un marché à un prix inférieur
à l'utilité qu'il lui attache. Certes ce bien pourrait ne pas exister si ses
voisins lui accordent une utilité plus faible que son coût. Mais est-il juste
que sous ce prétexte, tous paient éprouvant ainsi une désutilité pour satisfaire
un seul ? Un utilitariste répondrait que l'utilité ressentie par ce seul homme
est des millions de fois plus faible que la somme des désutilités éprouvés
par tous les autres. Maintenant on peut toujours les faire voter pour établir
une plus juste répartition biens publics / biens privés, mais encore ne faudrait-il
trouver dans ce vote la nuance qui veut qu'une désutilité forte puisse avoir
le même poids en négatif que des utilités faibles. Impossible, seul l'argent
exprime l'intensité de l'utilité…
P60-61 Certainement enlisé dans
sa recherche du juste prix de chaque chose, ignorant que la valeur d'un même
bien peut subjectivement varier selon la satiété, les circonstances, Généreux
entend disqualifier une valeur qui bougerait également suivant les anticipations
de la valeur future d'une marchandise. La spéculation, c'est pas beau : "
La valeur marchande d'une entreprise, d'un appartement, d'un terrain, d'une
matière première peut connaître des fluctuations considérables, en partie
provoquées par la spéculation, dont rien ne permet de penser qu'elles s'accompagnent
de variations équivalentes de l'utilité des biens en question."
Il faut donc rappeler que le prix reflète bien la confrontation entre des
visions subjectives de la valeur des biens, si le prix est inférieur à l'estimation
de l'utilité de certains, ils se porteront demandeurs. Mais s'ils sont trop
peu à formuler une demande en considération du niveau de l'offre, alors les
prix baisseront pour attirer de nouveaux demandeurs pour lesquels les prix
passeront en dessous de l'utilité qu'ils attachent à ces biens. Quant à la
volatilité des prix des valeurs mobilières, la dissymétrie des informations
fait penser que ceux qui achètent connaissent des éléments indiquant une valeur
plus importante que l'on ne croit (rumeur d'OPA, contrats mirifiques). L'immobilier
monte plus qu'il ne baisse, il sert de valeur refuge face à un système de
retraite en faillite. Sa valeur a bien augmenté considérablement de par l'utilité
supplémentaire dans un contexte d'avenir incertain.
P62-63 Mais décidément ignorant
de la notion subjective d'utilité, il persiste : " Le fait que la même
voiture soit plus ou moins chère des deux côtés d'une frontière, parce que
les taxes y sont différentes, n'indique en rien que les habitants des deux
pays concernés lui attribuent une valeur différente … Il paraît même raisonnable
de supposer que c'est le café que vous payez un peu trop cher, par rapport
à vos habitudes, qui vous procure le moins de satisfaction, parce que vous
avez le sentiment d'être rançonné (note : avec un tel raisonnement on
comprend pourquoi les services payés par les prélèvements obligatoires nous
apportent une si faible satisfaction) par un cafetier qui profite exagérément
de sa situation. Vous ravalez votre rancœur, parce qu'il n'y pas d'autre bar
meilleur marché à un kilomètre à la ronde, mais vous ne négociez rien. "
Quelles que soient les variables qui agissent sur la fixation des prix, des
prix plus faibles entraînent un surcroît de demande, des prix plus élevés
entraînent une baisse de la demande. Ce ne sont pas les habitants qui attribuent
une valeur différente, ce sont les individus, alors que les habitants sont
une totalité. Si une voiture plus chère en Allemagne trouve aisément preneurs
c'est qu'à pouvoir d'achat équivalent un plus grand nombre d'Allemands apprécient
ce modèle. L'utilité varie sur les personnes, mais, et il faut le rappeler
à nouveau, elle varie aussi selon le temps et le lieu. Un verre d'eau peut
être vendu une fortune au Sahara. Un cafetier qui profite de sa situation
devient sélect, et l'utilité dépend aussi du cadre. S'il créé un mécontentement
il perd ses clients et ne peut se contenter d'une clientèle de passage flouée.
En réalité le cafetier cher ne peut maintenir ses tarifs que s'il crée une
utilité supplémentaire qui n'a qu'un rapport indirect avec le café vendu.
Sinon qui continuerait à boire un café en terrasse à Saint Tropez ?
P78-79 Heureusement, en Généreux s'allume quelquefois une étincelle de lucidité : " Dans un monde caractérisé par l'imperfection radicale de l'information, il est en effet insensé de traiter le fonctionnement des marchés comme la solution d'une équation qu'un ordinateur trouverait en quelques nanosecondes, si seulement on pouvait lui fournir toutes les données nécessaires. Les marchés réels ne sont pas des équations d'offre et de demande ; ils sont constitués par des conventions, des lois, des institutions, qui tentent d'organiser la révélation et la circulation des informations nécessaires aux échanges (note : qui perturbent souvent ces informations en envoyant des signaux faux). Tout l'intérêt d'une économie de marché, et parfois sa supériorité sur d'autres modes d'organisation, n'est pas de tendre vers un modèle abstrait qui n'a aucune espèce de chance d'exister dans la réalité. Il est paradoxalement d'être une réponse adaptée à l'imperfection des marchés ! "
P76-77 Mais le marché reste
néanmoins pour lui, la source de profonds déséquilibres : " Des entreprises
confrontées à un recul inattendu de leur demande réduisent leur production
et l'emploi au lieu de baisser leurs prix ; elles transmettent ainsi le déséquilibre
du marché des biens vers le déséquilibre du marché du travail. " La baisse
de la demande va bien évidemment ne pas seulement agir sur les prix, mais
aussi sur les quantités produites. Ce qui compte c'est le retour à l'équilibre
offre-demande.
En réalité face à une baisse de la demande les industriels s'orienteront vers
des activités plus porteuses, mais de plus en plus souvent certains obtiendront
de se faire subventionner ou de limiter la concurrence étrangère. Ce qui importe
c'est de ne pas se reconvertir et de maintenir les marges grâce au soutien
public. Sous prétexte de ne pas mettre au chômage ceux qui ne s'adaptent pas
et c'est ainsi que la société va se bloquer.
P88-89 Généreux aborde ensuite
la notion d'externalités, une des marottes socialistes permettant de prétendre
à l'inefficacité du marché dans certaines circonstances. Il évoque ici les
externalités positives trop peu nombreuses : " Rares sont ceux qui ont
vraiment envie d'être les " bonnes poires " qui paient pour les autres. En
outre les " bonnes poires " le seront en pure perte, du point de vue de l'intérêt
général, s'il n'existe aucune institution capable d'imposer la généralisation
des comportements vertueux ".
Réaliser des économies externes n'est pas être une " bonne poire ", plus qu'être
un " producteur responsable " cela permet de capitaliser sur une image positive
qui est aussi un argument de vente quand on sait communiquer. Au niveau individuel
il existe aussi de nombreux comportements créant des externalités positives
comme embellir sa maison ou son jardin, nul besoin d'être rémunéré
pour ne pas vivre dans un taudis, c'est aussi une question d'image de marque.
L'internalisation des effets externes ne passe pas seulement par l'État, mais par l'attribution de droits de propriété sur l'environnement. Au contraire les réglementations vertueuses peuvent avoir des effets détestables : vaccination obligatoire et sclérose en plaque, hormone de croissance et encéphalopathie, amiante et cancers.
Quant aux biens collectifs, les œuvres musicales, cinématographiques devraient en être avec le développement du téléchargement. Ces biens collectifs devenus abusivement publics, n'ont qu'une existence théorique de biens publics, mais cette simple fiction théorique a des conséquences très profondes sur l'étatisation de la société : " en 1956, Kelvin Lancaster et Richard Lipsey ont établi le théorème de l'optimum de second rang : si les conditions nécessaires à l'optimum de Pareto ne sont pas réunies dans un secteur de production, alors ces conditions ne permettent plus d'atteindre l'optimum dans les autres secteurs. Pourquoi cela ? Parce que, dès l'instant où l'intervention de l'État est absolument nécessaire pour certains biens publics, cela entraîne des dépenses publiques, des impôts, qui modifient les décisions de tous les acteurs, par rapport à celles qu'ils auraient prises dans une économie régie seulement par des marchés concurrentiels. Lancaster et Lipsey démontrent que ces distorsions dans les choix privés interdisent aux mécanismes de la concurrence pure et parfaite de garantir une allocation efficace des ressources "..
P90-91 On découvre ensuite une
limite majeure du critère d'efficacité des économistes : " Toute décision
apparemment prise au nom du seul souci d'efficacité pose un problème de justice,
dès l'instant où elle modifie le bien-être d'au moins un individu, et même
si elle ne modifie pas la situation des autres individus. Les autres peuvent
en effet être jaloux, ou considérer qu'ils devaient être prioritaires pour
une amélioration du bien-être. Dans la mesure où toute action est susceptible
d'engendrer pour certains le sentiment d'être gagnant ou d'être perdant, toutes
les situations sont optimales au sens de Pareto : on ne peut jamais rien changer
sans détériorer le bien-être d'au moins un individu. Le critère de Pareto
n'effectue donc aucun tri préalable dans le champ des choix possibles. Tous
les choix privés peuvent soulever de manière plus ou moins aiguë la question
de la juste répartition du bien-être. Les responsables politiques ne peuvent
donc s'en désintéresser, parce que seuls des choix collectifs peuvent trancher
la question de la justice. "
Le marché même en présence de situations optimales créé frustration et jalousies.
Ce qui compte ici n'est pas la situation optimale des utilitaristes mais la
sensation de profiter au maximum. Ceci nous amène aux considérations de Bastiat,
l'État existe de l'illusion qu'il donne à chacun de pouvoir vivre aux dépens
de ses voisins. C'est certainement cela l'optimum de l'auteur, c'est-à-dire
non pas un optimum économique mais un optimum pressenti. On peut donc remettre
en cause les choix privés, mais pas les choix publics, puisqu'il paraît que
ce sont les choix de tous, sans que nul n'ait jamais réussi à l'établir.
En page 96, Généreux évoque
la remise en question de la meilleure efficacité de l'État face aux limites
du marché. Il faudrait effectivement : " 1 . Que l'État doit capable de
déterminer des choix collectifs précis et cohérents qui correspondent au bien-être
collectif ; 2. Que là où le marché ne produit pas une allocation optimale
des ressources, l'État soit nécessairement plus efficace que le marché ; 3.
Que les décideurs publics recherchent toujours et uniquement le bien-être
collectif. "
Et il en concède que des méthodes parfaitement démocratiques ne permettent
pas de déterminer, à partir des préférences individuelles des citoyens, des
préférences collectives dont on pourrait affirmer qu'elles correspondent à
un optimum social. En conséquence, comme le soupçonnait Tinbergen, dès 1952
: " la seule conception du bien-être social que des politiques publiques
peuvent effectivement réaliser est la conception personnelle des décideurs.
Il est dès lors essentiel de s'interroger sur la capacité de ces derniers
à mettre en oeuvre efficacement cette conception, et sur les motivations réelles,
et non idéalisées, de l'action publique. "
En pages 98-99 il rappelle le théorème de Coase : " En présence d'une imperfection quelconque qui écarte un processus de production ou d'échange de l'optimum de Pareto, et les coûts de transaction sont nuls, les individus rationnels négocieront de nouveaux accords de façon à restaurer cet optimum. Si les coûts de transaction rendent cette dernière solution impossible - ou plus coûteuse que les bénéfices qu'elle produirait -, les individus rationnels auront recours à des institutions qui se substitueront aux échanges spontanés des processus organisés et régulés, en sélectionnant la ou les institutions qui présentent le rapport coût/avantage le plus favorable … En bon libéral, Stigler exploite naturellement le théorème en question pour suggérer que l'intervention de l'État n'est pas nécessaire, même en présence d'externalités, parce que des agents rationnels sont capables de rétablir l'optimum par la libre négociation."
Il fallait donc bien terminer par une pique mais franchement on se demande comme le raisonnement de Stigler serait attaquable, à moins que le label libéral soit une accusation qui se suffise à elle-même.
Pages 124-125. Généreux s'en
prend à la " mauvaise concurrence ", fruit du libéralisme bien sûr. Il en
cite comme conséquences la crise de la vache folle ou du sang contaminé. On
sait que c'est en refusant le soja transgénique que les paysans français ont
nourri leur bétail avec des farines animales. Le drame résulte d'un défaut
d'information sur les effets des produits nocifs voire létaux mis en circulation,
rien à voir avec la mauvaise concurrence.
Par contre le sang contaminé a été sciemment distribué par ordres venus d'en
haut, c'est un crime d'État et on se demande encore quelle rapport avec la
mauvaise concurrence nous serions invités à établir.
Dans les pages suivantes il en vient à critiquer l'ouverture à la concurrence des monopoles publics de réseau la privatisation de British Rail. Là visiblement l'auteur ne sait pas de quoi il parle lorsqu'il évoque l'ouverture de l'énergie et des transports. La concurrence n'implique pas du low cost qui mette en danger les hommes puisque les chemins de fer britanniques étaient vétustes. Quant à l'ouverture du marché de l'énergie en Californie elle s'est faite sans déréglementations, d'où des résultats catastrophiques. Maintenant demandez au consommateur français s'il regrette l'ouverture à la concurrence des télécommunications et de l'aérien…
Généreux oppose ensuite le marché forcément inhumain à la société humaine. Pour lui dans une société chacun pense tenir sa place (ses privilèges et droits acquis peut-être), sur un marché l'individu est une marchandise ! Il faut lui rappeler que sur un marché l'individu décide, il évolue, il est le juge des marchandises proposées. Et si une partie de lui est marchandises, il s'agit des marchandises, des efforts qu'il fournit et qui l'incitent à se dépasser. Quelle horreur que le marché et vive la société dirait la cigale artiste qui tient son rang à la fourmi qui travaille.
Pages 130-131. Il pousse à l'absurde
son raisonnement opposant marché à société en mettant sur le dos du marché
les phénomènes de délinquance de masse, Jean-François Revel avait pourtant
déjà tordu le coup à de telles raisonnements. Mais il faut lire ce passage
pour en goûter le grotesque sous la plume d'un professeur d'économie de Sciences
Po (pauvre économie, pauvre France !) : " Mais comment les jeunes qui n'auront
rien connu d'autres que la culture du marché (sic) et de la compétition pourraient
s'imaginer membres d'une communauté humaine, d'une nation, dotés de droits
égaux dont l'exercice dépend de leur respect par les autres, et donc très
exactement des devoirs que chacun se reconnaît envers les autres ? Une société
qui dit à ses enfants que la vie n'est pas une entreprise collective mais
une compétition individuelle permanente récole ce qu'elle a semé : des jeunes
qui se battent les uns contre les autres. La guerre économique nous prépare
à la guerre civile. "
La culture du marché serait donc le vol, la rapine, la menace et l'extorsion,
le communautarisme et l'exclusion du déviant, de celui qui est différent,
qui possède la singularité de vouloir penser par lui-même? Nous sommes là
au contraire dans l'importation de mode de vie tribaux, ceux-là même fondés
sur des aspects culturels qui font l'admiration de certains gauchistes. Ces
jeunes des cités pleins de ressentiments sont aussi les enfants du système
français. Un système éducatif victimaire, empreint de délires bourdieusiens
contre la culture bourgeoise (du marché ?) n'a cessé de leur seriner qu'ils
sont discriminés, leur a inculqué la haine de la réussite individuelle au
nom d'un égalitarisme par le bas qui désigne celui qui s'élève comme faiseur
de pauvres. Comment pourraient-ils aspirer à une réussite sociale honnête
quand l'effort est moqué, l'individualisme réprimé, que les droits positifs,
les faux droits pour lesquels d'autres doivent payer, sont accordés sans contreparties,
que le gauchisme ambiant dicte qu'il suffit d'exiger et de se montrer offensif
pour que les autres paient. La LCR ne s'y trompe d'ailleurs pas en faisant
des cités un vivier pour son organisation anti-libérale, en faisant des arabes
de banlieue ce nouveau prolétariat à qui tout est dû, les Zebda aussi de la
LCR les avaient d'ailleurs mobilisés en motivés quelquefois casseurs à Toulouse.
Pages 140-141. Généreux, chevalier
blanc de l'impôt : " l'impôt n'est pas plus un " prélèvement " opéré sur
les richesses engendrées par la production nationale que ne le sont les prix
payés pour acheter des tomates ou des automobiles. Comme ces derniers, l'impôt
mesure le coût de production d'un bien et le prix à payer pour disposer de
ce bien. L'impôt ne diminue pas plus la richesse nationale que ne le fait
le paiement de votre loyer ou de votre facture d'électricité. "
Le prélèvement entre guillemets laisse songeur. L'impôt est bien un prélèvement
obligatoire et les sommes prélevées ne sont plus disponibles pour que le contribuable
les épargne ou les affecte à telle ou telle consommation de son choix. Généreux
avait pourtant bien cité Tinbergen, alors pourquoi faire preuve ici de mauvaise
foi ? L'État dépensera les impôts perçus en fonction d'objectifs ou de priorités
qui ne sont pas ceux des individus ponctionnés. Les dépenses publiques traduisent
donc une déperdition d'utilité au niveau global car les individus auraient
consacrés leur argent imposé dans des dépenses différentes des dépenses publiques
(et si ce n'était pas vrai alors à quoi servirait l'impôt). Et dans certains
cas des dépenses publiques n'emportent pas l'approbation de ceux qui les financent,
leur objet peut même devenir une source de nuisances.
La socialisation des dépenses
est bien facteur d'aliénation et de gaspillages dans la mesure où elle limite
les choix individuels en matière de consommation et déconnecte l'impôt de
la dépense en donnant l'illusion de la gratuité et donc la consommation sans
freins et sans précautions même à faible utilité induite.
Généreux essaie ensuite de démonter Tinbergen et nous sort la théorie de l'impôt
optimal de Wicksell et Lindhal : " Selon ces derniers, l'impôt juste et
efficace serait celui qui à chaque dépense publique ferait correspondre une
modalité de financement choisie par les électeurs à la quasi-unanimité ou
à une très forte majorité qualifiée. Une procédure parfaitement démocratique
de détermination des dépenses publiques et de leurs modalités de financement
conduirait à une situation où l'impôt que chacun acquitte est exactement égal
au prix qu'il est disposé à payer en contrepartie des biens publics. "
Pourtant l'impôt n'est pas non plus le prix librement consenti des biens publics
par la prestidigitation du vote. On ne connaît de prix librement consentis
que ceux effectivement payés sur un marché. La logique des dépenses publiques
est autre, Tinbergen et le paradoxe de Condorcet sont suffisants pour affranchir
les décideurs de la considération des choix de la majorité silencieuse des
électeurs. Mais l'auteur n'en démord pas, l'impôt n'est pas un prélèvement
obligatoire car tous ne le paient pas et peuvent profiter des dépenses publiques,
il ne semble parler là que de l'impôt sur le revenu, mais il a raison effectivement,
on peut choisir de ne pas travailler ou de ne pas trop évoluer dans l'échelle
sociale pour ne pas payer d'impôt, voilà un choix intéressant.
Pour appuyer sa démonstration
de l'impôt non obligatoire, il ajoute : " Dans une démocratie, personne
n'est contraint de vivre dans son pays. Un individu en désaccord avec le niveau
des dépenses publiques et des impôts est toujours " libre " de s'exiler ou
de se suicider ; l'impôt est donc librement consenti par tous ceux qui " choisissent
" de vivre dans un pays quelconque. "
Voilà, vous ne vous êtes pas suicidés donc vous consentez à l'impôt ! Il n'est
pas douteux que les services fiscaux soient à l'origine d'un certain nombre
de suicides et je pense qu'il serait normal de le déplorer. Quant à ceux qui
s'exilent pour raison fiscale, ils existent aussi, mais ceux qui restent ne
sont pas pour autant des payeurs volontaires.
Rappelons que l'impôt ne sert pas seulement à réaliser des dépenses, il finance
aussi des investissements de toute sorte, il permet d'accroître le périmètre
du domaine public. Chaque citoyen possède donc une quote-part du patrimoine
public, il l'a financé et s'il s'en va, contrairement à l'actionnaire d'une
société qui peut revendre ses actions, il perdra sa part. Cette perte est
dissuasive. Mais elle peut cependant s'avérer plus faible que celle liée la
résidence perpétuelle dans un enfer fiscal.
Généreux s'en prend ensuite
logiquement à la concurrence fiscale. Pourtant le fait même que cette concurrence
fiscale existe prouve bien le caractère non volontaire de l'impôt pour certains
nationaux puisque sans avoir à s'expatrier, ils peuvent faire circuler leurs
capitaux vers des paradis fiscaux. À ceux qui ne se sont pas expatriés et
qui ont renoncé au suicide, Généreux fait la leçon : " La mobilité parfaite
du travail et du capital n'est que le modèle d'une minorité de grandes entreprises
et d'individus qui, parce qu'ils pensent tirer le plus grand profit de l'abolition
des frontières, voudraient imposer ce modèle à la planète ".
Réfléchissons à la fertilité de la pensée de ce professeur de Sciences Po
qui considère qu'il est offensif d'imposer l'absence de coercition !!!.
Quant aux autres, ces citoyens dont on regrette les choix comme dirait Chirac : " Laissons partir ceux qui ne veulent plus être nos concitoyens et accueillons ceux qui choisissent de vivre avec nous : nous gagnerons au change. " En réalité la profession de foi nationaliste de Généreux est un aller sans retour vers la tiers-mondisation de la France : les cerveaux, les entrepreneurs vont partir vers des cieux fiscaux plus fastes, les sans qualifications vont entrer dans la France de la RMI et de la CMU. Ah oui, on va gagner au change bien sûr.
Que répond Généreux à cela : il faut que les gens soient citoyens c'est-à-dire que les entrepreneurs doivent être fiers de payer le plus possible à l'État et que les immigrants ne doivent pas profiter des avantages sociaux. Pour cela : " il reste une voie singulièrement négligée qui nous protégerait aussi de l'exode des talents : l'éducation et la promotion d'une culture de la citoyenneté. (…) Une société qui éduque à la solidarité et qui valorise les choix collectifs au lieu de les dénigrer fabrique des générations de citoyens. " Je ne me permettrais pas de rire mais de déplorer une solution si lamentable qui rappelle celle des propagandistes de l'homme nouveau, on en connaît les déplorables résultats de Berlin Pankow à Vladivostok.
Le dernier chapitre consacré
au démontage de la " théologie néolibérale " est un sommet de mauvaise foi.
Les " néolibéraux " y apparaissent comme une secte partisane de la théorie
de l'équilibre walrasien et pourtant en début d'ouvrage l'auteur avait bien
précisé l'accusation scientiste faite par Hayek aux Néoclassiques Incapable
d'attaquer cette secte Libertarienne dont il pense pis que pendre, Généreux
travesti donc notre pensée, l'utilisation du straw man lui permet aussi de
traiter les Libertariens d'ignares et de faire de faux procès : " Mais
il faut déplorer, hélas, que comme dans tout mouvement religieux, ils traînent
à leur suite une cohorte de manipulateurs et d'esprits plus médiocres, qui
ne tirent leurs profits ou leurs gratifications symboliques que du rabâchage
primaire de la doxa. Les manipulateurs ne sont pas de vrais croyants, seulement
des exploitants habiles des croyances dominantes. Ils seraient keynésiens
ou marxistes si cela assurait mieux leur position, leur carrière et leur patrimoine.
Ils sont à leur propre service et, par la même occasion, à celui des classes
dominantes. " Je vous garantie que je n'ai absolument rien inventé de
cette dernière tirade, eh oui nos grands esprits comme Jean-Louis Caccomo,
Pascal Salin, Bertrand Lemennicier, Jacques de Guénin gèrent des carrières
académiques prestigieuses car ils sont libéraux voire libertariens. Alors
que les Jacques Généreux, André Orléan, Philippe Frémeaux, Bernard Marris
croupissent dans l'univers des économistes infréquentables.
Pourquoi cette injustice ? Mais parce que les libertariens sont au service
des classes dominantes bien sûr, des jurys Salin pour l'agrégation il y en
a chaque année et ils couronnent des libertariens, les quelques rares jurys
d'agrégation keynésiens font l'objet de campagnes haineuses du monde académique
et sont dans l'obligation de promouvoir des libéraux …
Voilà une conclusion à la hauteur de l'ensemble de l'ouvrage.