Des conditions de vie différentes dans le temps et l'espace


À plusieurs reprises, dans le passé, l'humanité ne frôla des découvertes essentielles que pour renoncer à les poursuivre. Observons ce qui s'est produit il y a 2500 ans  dans les îles grecques. En Ionie, à la croisée des civilisations perse, phénicienne, grecque, égyptienne, Hippocrate a créé la médecine, Anaximandre a tracé la première carte des constellations, Empédocle a pressenti l'évolution des espèces, Pythagore a fondé l'arithmétique, et Thalès la géométrie, Démocrite eut l'intuition de la structure atomique de la matière. Néanmoins, un siècle plus tard, les forces de l'obscurantisme l'emportèrent et il fallut attendre 2000 ans pour retrouver cette première ébauche de la science moderne.

Nous craignons le changement au moins autant que nous en sommes curieux. On dit que l'Occident est le berceau de la liberté, mais il est aussi tenté en permanence par la fuite loin de la liberté et de la connaissance. Nous sommes dans une de ces périodes où l'humanité hésite. Nous mesurons bien les apports de la science, mais nous sommes tout autant en quête de repères et de mentors qui nous déchargeraient de nos responsabilités.

Tel serait le sens de la résurgence actuelle de tous les intégrismes. Les nouveaux obscurantistes, religieux ou totalitaires, seraient disposés à se rallier à une même devise : "Arrêtez de penser !"

Carl SAGAN

1. Commentez et expliquez le deuxième paragraphe.

2. Le progrès scientifique est-il dangereux ?

3. Quel système économique se base sur la liberté et la responsabilité ?

4. Ce système est-il remis en cause par un moderne obscurantisme ?

 

La vie des Français au XIVème siècle

Les trois fléaux principaux de notre temps sont les famines, les épidémies et les guerres, à cause de celles-ci  nul ne sait si il sera encore vivant le mois suivant. A Givry, dans les environs de Beaune, presque la moitié du village est passée de vie à trépas entre les mois d'août et de novembre 1348. Jacques s'était mis à cracher du sang peu après avoir rendu visite au charron du village qui venait justement de mourir, en trois jours il trépassa, son épouse, ses parents et trois de ses enfants le suivirent dans la dizaine de jours. Tous les matins dans le village passait la charrette de ramassage des morts, les cadavres oubliés ou trop tard incinérés propageaient vermine et peste, le convoyeur de cadavre lui même ne fut pas épargné et personne ne voulut débarrasser les champs des charognes humaines, pas même les lépreux ou les corbeaux qui ne suffisaient pas à la tâche. C'est ainsi qu'en cette année entre le tiers et la moitié de la population européenne fut rayée de la liste des vivants par le fléau de peste noire.

Au début de l'année 1349 les terres étaient retournées à la friche, les vignes abandonnées et la peste frappe encore de temps en temps. On ne savait rien alors de son mode de propagation. Les apothicaires trouvaient quelques herbes et décoction qui ne protégeaient de pas grand chose, les chirurgiens ouvrirent quelques cadavres, incisèrent quelques bubons et propageaient les miasmes de leurs outils souillés. Nous préférions alors attribuer le mal à des sorcières ou aux pêchés des hommes. Beaucoup quittaient foyers et familles dès que la mort approchait et préféraient vivre d'oiseaux, de lapins et de rapines dans les bois. D'autres soupçonnaient des Juifs ou des malfaisants ayant commerce avec le diable d'avoir empoisonné les puits, ils s'en allèrent en ville brûler les logis des suspects.

Puis l'épidémie cessa, des processions de flagellants nous donnèrent bon espoir de ne plus succomber à la peste. Les maris survivants épousèrent en masse les femmes survivantes reprenant une partie des terres, des vignes et des logis laissés à l'abandon. Bien sûr les longues jachères n'ont pas permis de produire de quoi manger du pain et beaucoup de bêtes ont été abandonnées sans soin. D'un côté il est heureux que la malédiction pesteuse nous ait débarrassé de bouches à nourrir et nous ait attiré la pitié du seigneur et du curé qui, pour une fois, ont modéré les impôts.

Après des années de trêve, la guerre reprend entre les Anglais et les Français, notre duc de Bourgogne se tient un peu à l'écart mais les troupes en guerre vivent sur l'habitant. S'abattant comme des sauterelles, ils prennent nos bêtes et nos victuailles, alors que de nouveaux impôts sont levés pour le besoin des troupes. Une nouvelle trêve en 1360 ne nous dispense pas de la famine, les gens d'armes sans guerre à faire et ne sachant rien faire d'autre se font brigands et courent les routes, on les appelle d'ailleurs routiers. Leurs bandes ne sont pas trop nombreuses, mais une trentaine d'entre eux suffit à créer la panique. Quand ils passent dans nos  villages ils ne manquent pas de s'adonner aux pillages et s'amusent à commettre viols et meurtres gratuits. Une bande puis une autre est passée en l'espace d'un seul mois , le seigneur propose de leur payer rançon pour qu'ils aillent ailleurs, mais comment payer alors que l'incertitude et la peur a détourné les hommes de l'entretien de leurs terres et de leurs activités de commerce.

Eh oui diantre, à quoi cela sert de peiner à son métier de charron ou de boulanger, de semer ou d'élever bétail si un seul passage de routier vient voler le fruit d'années d'effort ? Encore heureux quand en sus de la bourse on n'y perd pas la vie. C'est ainsi que dans les campagnes des familles entières vivent comme des bêtes dans les bois, et se terrent à chaque passage d'hommes à cheval, n'hésitant pas à détrousser ceux qui s'aventurent sans équipage. Plus rien à manger, plus même les baies des bois, une femme s'est empoisonnée de fruits rances, un peu plus loin un vieillard creuse la terre pour trouver des racines, on parle même dans certains villages de cas de cannibalisme.

La seule protection se trouve derrière les remparts des villes, mais on n'y échappe là moins qu'ailleurs à la taille ou aux taxes indirectes destinées aux fortifications. La vie y est moins incertaine, mais les famines persistent et reviennent presque tous les cinq ans, ceux qui n'en meurent pas survivent avec un organisme affaibli et sont sujets aux grippes, dysenteries, flux de ventre. Il faut dire aussi qu'en ville le mal se propage plus vite et que les conditions sanitaires régnant en notre siècle  paraîtraient épouvantables à nos ancêtres gallo-romains. Les routes encore pavées aujourd'hui datent d'un millénaire, et on dit même qu'à l'époque le menu peuple pouvait se rendre aux thermes pour s'adonner aux bains publics et aux étuves. Quel luxe, quelle prodigalité ! On ne saurait aujourd'hui aussi bien faire et il faut dire qu'on ne savait pas à l'époque que le bain était mauvais pour la santé, que le savon des Gaulois les affaiblissait alors qu'en nos rudes hivers une bonne couche de crasse nous tient bien chaud et en bonne santé. Mais loué soit l'astuce de nos païens ancêtres, on dit que certains n'avaient pas même à chercher l'eau des puits, qu'elle leur arrivait directement en leur logis, que des aqueducs alimentaient les villes et que purins et excréments étaient évacués sans stagner sous les narines.

Notre vie, il est vrai, est une occupation de tous les instants, nos fêtes nous permettent de vivre en grande communauté et il ne fait pas bon se montrer différent sous peine d'être pris pour porteur de maléfices ou catin. Même dans notre foyer nous ne sommes jamais seuls et désoeuvrés, nous vivons avec une grande famille, oncles, tantes et ancêtres, il est rare d'avoir moins de cinq marmots encore en vie même si beaucoup atteignent difficilement leur trois ans. De la naissance à la mort, notre vie est un combat permanent pour la survie, si nous étions nobles ce serait plus facile mais on n'en serait qu'un peu plus propre et plus instruit. Il faut déjà survivre dans le grand lit familial où parents et enfants couchent tous ensemble, où le nouveau-né manque de se faire écraser. Survivre aussi au froid et aux loups tout en protégeant les bêtes avec lesquelles on vit l'hiver dans notre logis de terre battue et de fumiers parmi les mouches et les puces. Dès que nous sommes en âge de marcher nous ne sommes déjà plus des bouches inutiles. Au gré des saisons et de la lumière du jour nous aidons aux champs, nous attelons le boeuf à la charrette si la famille a les moyens d'avoir l'un ou l'autre, nous allons au puit chercher l'eau, nous gardons les poules ou les porcs, nous prenons le bois en forêt et braconnons au risque de nous faire pendre. Nous nous retrouvons  les jours des Saints fêtés et le dimanche à l'église et il restera un peu de temps à certains d'entre nous pour savoir signer notre nom sur les registres et même apprendre à lire et à écrire avec l'aide d'un lettré ou des parents qui le savent. A 13 ans nous serons hommes et femmes. La femme se mariera bien vite avec un lointain cousin du village et donnera enfants années après années, elle en mourra peut-être cela est si fréquent ; mais son mari en trouvera une autre bien vite. Seuls les fous et les curés sont célibataires de par chez nous ! L'homme prendra fermage ou commerce, il fera souvent ce que fait son père en n'était guère plus pauvre ou plus riche, il se méfiera des hommes d'armes, des nobles et des inconnus et ne pourra laisser que peu de chose à dot ou testament une fois qu'il aura pourvu à sa survie, à celle de sa famille, à la dîme, aux corvées seigneuriales et autres contributions.

1. Les conditions de vie de la majorité des Français telles que décrites ci-dessus sont elles les mêmes à d'autres siècles ? A partir de quand ces conditions évoluent-elles ?

Oui, pas d'amélioration notable sous la Renaissance, elles changent à partir de la Révolution Industrielle.

2. Peut-on dire qu'au cours de l'histoire les conditions de vie s'améliorent nécessairement ? Expliquez.

A partir des éléments donnés par Carl Sagan et de la condition des gallo-romains on peut dire que le Moyen Age n'a pas marqué une amélioration des conditions de vie, l'histoire n'est donc pas une progression contenue vers la croissance et le développement elle peut par moment laisser place à des reculs.

3. Comparer la condition paysanne de la majorité de la population de l'époque à la condition ouvrière du XIXème siècle, laquelle vous paraît la plus enviable, pourquoi ?

Mettre en évidence l'amélioration des conditions de vie, le travail des enfants ainsi que la longueur de la durée hebdomadaire du travail  correspondent déjà à la condition pré-industrielle.

Le dénuement de l'Europe pré-capitaliste

La vie en URSS dans les années 1950

Kira Argounova passait le plus clair de son temps libre à rechercher de la nourriture, elle avait de la chance d'habiter dans la grande capitale du Nord, là elle pouvait trouver du poisson séché et même de l'huile de tournesol.  Habituellement les soviétiques envoyaient les plus âgés faire la queue devant la coopérative, après quelques heures d'attente ils partaient avec des produits qu'ils pourraient éventuellement échanger contre ce qu'ils recherchaient vraiment. Cette fois-ci il fallut trois heures à Kira pour obtenir des pommes de terre un peu gelées, mais il lui arrivait aussi de faire la queue pour rien, les autres avaient obtenu tout ce qui restait de l'arrivage du jour.

Elle pouvait aussi se fournir sur les marchés kholkoziens, des paysans venaient y vendre des produits de leur jardin, mais c'était très cher. Le marché noir existait également mais elle n'avait pas les moyens d'y acheter quoi que ce soit.

En dehors de la nourriture le souci de Kira était de garder une hygiène irréprochable, il fallait faire bouillir l'eau pour éviter le choléra, s'épouiller régulièrement pour combattre la propagation du typhus. Il faisait froid et humide aussi dans les appartements communautaires partagés à 3 familles, le bois de chauffage était de mauvaise qualité comme tout le reste, on disait que c'était du bois soviétique ! Avec ce bois humide qui refusait de brûler les cas de tuberculose étaient nombreux à Léningrad.

Kira était secrétaire à la maison des paysans, elle passait son temps à taper des rapports à partir des statistiques de production de blé. Elle devait montrer que le plan était bien exécuté et que la production obéissant aux injonctions des cadres du Parti. En URSS l'économie était centralement planifiée, cela veut dire que les dirigeants décidaient de quoi produire, en quelle quantité et avec quels moyens en machines et en hommes. Le plan disait aussi où se fournir et vers quels  magasins écouler sa production.

 

En dépit de ce que proclamait la propagande soviétique, le niveau de vie moyen en URSS et dans tous les pays socialistes demeurait loin derrière celui des pays capitalistes, comment expliquer cela ?

Tout simplement par l'incapacité de l'URSS à générer une croissance forte et durable et sans croissance pas d'augmentation du revenu moyen par habitant. Le problème en ce qui concerne la production soviétique était autant quantitatif que qualitatif.

Quantitatif dans le sens où les objectifs du plan ne pouvaient être atteints qu'en augmentant les moyens en hommes, capitaux et en terres. Impossible d'augmenter durablement les rendements des hommes et des machines car il n'y a que peu de motivations à travailler (en Pologne l'Etat fait semblant de nous payer et nous faisons semblant de travailler disait Lech Walesa) puisque toutes les entreprises sont publiques et ne sont pas mises en concurrence. La croissance ne peut donc être intensive, elle n'est qu'extensive : pour produire plus il faut toujours plus de moyens, un refrain que l'on entend aussi souvent dans les administrations de tous les pays.

Qualitatif dans le sens où le plan indique la production en nombre d'unités ou de tonnes à produire, ainsi s'il faut produire des automobiles en nombre de tonnes elles seront produites le plus lourd possible. Les producteurs n'arrivent déjà pas à remplir le plan donc la qualité de leur production n'est pas leur souci d'autant que leurs clients n'auront pas le choix de s'approvisionner ailleurs. L'absence de marché et de concurrence se traduit donc par l'absence de main invisible poussant à rendre le meilleur service au moindre coût. Enfin l'Etat définit, à travers le plan, des priorités comme par exemple l'industrie lourde, le complexe militaro-industriel et spatial, il ne reste plus beaucoup de moyens à affecter à la production de biens de consommation donc les besoins de la population sont mal assurés.

 

 

1. Comment les Soviétiques augmentent ils leur production ?

Par la productivité extensive.

2. La puissance militaire et spatiale de l'URSS prouve-t-elle la supériorité de l'économie soviétique ?

Non, car elle a été obtenue au détriment de la production de biens de consommation, l'essor de ces secteurs clés pour la guerre froide s'est fait au détriment du développement économique dans la mesure où le niveau de vie de la population soviétique n'est pas meilleur en 1960 qu'il l'était avant la révolution bolchévique.

3. Peut-on dire que la planification impérative de l'économie avait réussi à supprimer le marché ?

En grande partie oui, sauf en ce qui concerne le marché kolkhozien et le marché noir qui est illégal. Ce qui démontre que le marché est naturel et ne peut être totalement supprimé.

 

La vie dans un pays du Tiers Monde aujourd'hui.

Haïti est un des pays les plus pauvres de la planète, des enfants des bidonvilles de Port au Prince récupèrent dans des décharges à ciel ouvert des déchets ferreux, des boîtes de conserve afin d'en faire des jouets artisanaux. Ils trouvent à jouer avec avant d'essayer de les vendre aux quelques touristes de passage.  Un certain nombre de ces enfants ont été abandonnés, les autres vivent avec leur famille et leur rapportent les quelques pièces qu'ils ont pu obtenir. Dans les bidonvilles ou les campagnes on vit mal, le sida a fait des désastres, il n'y a ni électricité ni eau courante et pas de moyens pour acheter ce qui est vendu sur les marchés. On essaie donc de faire pousser ce que l'on mangera, l'autoconsommation permet de survivre.

Continuez ce récit en cherchant des données sur Haïti pour en décrire la vie de tous les jours

Survivre en Corée du Nord aujourd'hui

Le village de Douelle dans le Quercy

 
1946
1975
Population totale
534
670
Population active dont :
279
215
  secteur primaire
208
53
  secteur secondaire
39
60
  secteur tertiaire
32
102
Nombre annuel moyen de naissances
21
14
Nombre moyen de décès par bébé de moins d'un an
10 tous les 5 ans
1 tous les 5 ans
Rendement du blé à l'hectare
12
35
Nombre de tracteurs
2
40
Nombre de logements
163
212
Maisons de moins de vingt ans d'âge
3
50
Cuisinières à gaz
3
197
Machines à laver le linge
0
180
Réfrigérateurs
5
210
Téléphones
5
110
WC intérieurs à chasse d'eau
10
150
Automobiles
5
280
Radio
50
250
Téléviseurs
2
200

Jean Fourastié, Les Trentes Glorieuses, Fayard, 1979

À partir des données ci-dessus montrez un changement qualitatif dans la vie et l'organisation du village de Douelle.