Délinquance et anomie


I. La substance du phénomène délinquant

A. La délinquance, une déviance particulière

1. La transgression des valeurs

Les normes de la société expriment des valeurs qu'il ne faut pas transgresser, lorsque la transgression impose une codification des peines on parlera de sanctions légales. La délinquance est le viol de la norme juridique, elle constitue donc un cas particulièrement grave de déviance. On ne mettra ainsi pas sur le même rang dans nos sociétés occidentales des interdits comme "tu ne convoitras pas la femme de ton prochain", ou . "tu ne tueras point, tu ne voleras point", ces interdits expriment des normes fondées sur des valeurs sociales que sont le respect de la fidélité conjuguale, de la vie humaine, de la propriété. Mais les deux dernières valeurs seules font l'objet de sanctions légales, les transgresser est donc un acte de délinquance.

2. La remise en cause des valeurs

Pour qu'une société puisse maintenir durablement ses normes, il faut que ses valeurs s'accordent avec la conscience et les croyances des individus qui la composent, il est nécessaire aussi que les lois et leur application soient approuvés. Max Weber montre ainsi que les comportements humains sont rationnels, l'absence d'adhésion à la norme sociale remet en cause la société elle-même. On pourra répartir l'acceptation des normes sociales sur une courbe de Gauss, l'immense majorité y adhère, aux extrémités on trouvera les individus superconformistes mais aussi les déviants. Lorsque le phénomène délinquant s'amplifie et que le refus de la norme sociale dépasse l'extrémité d'une courbe de Gauss alors les normes de la société sont remises en cause.

 

enfer

B. La théorie de l'association différentielle

1. La socialisation criminelle

Les déviants ne vont pas adhérer aux valeurs sociales dominantes mais cela ne signifie pas qu'ils rejettent toute valeur. Pour Edwin Sutherland ils vont intégrer de modes de pensée, de schèmes, de valeurs qui ne sont pas ceux de la majorité de la société ou tout du moins pas ceux des politiquement forts.

On ne peut pas alors véritablement parler d'anomie puisque de nouvelles valeurs sont construites. Le délinquant crée sa propre société, ainsi selon la théorie de l'association différentielle de Sutherland on ne naît pas délinquant, le futur délinquant donc va développer sa personnalité dans un système associationnel de délinquants. Les mêmes processus de base, l’apprentissage de la socialisation, qui caractérisent l’intégration des personnalités dans une culture, président à la formation de la personnalité criminelle (appellation large que Sutherland applique à tous les transgressifs, qu'ils soient seulement déviants ou délinquants). Puis les normes morales en vigueur dans cette culture déterminent l’attitude devant les " infractions ".

2. La désintégration culturelle

Lorsque des comportements déviants découlent de valeurs sociales pour un groupe donné, alors on peut parler d'une sous-culture. L'existance et l'acceptation de nombreuses sous-cultures vont entraîner une application différenciée des sanctions dans la société, affaiblissant ainsi la cohésion normative d'une culture. Par exemple si l'on admet que des personnes en difficulté financière puissent refuser de payer leurs loyers, et qu'effectivement la loi ne permet que difficilement les expulsions alors le respect de la propriété privée s'affaiblira dans la société. Dans des cas extrêmes on assistera à l'émergence de contre-cultures sanctionnant positivement des comportements sanctionnés négativement dans la société, le vol ou le crime peuvent devenir valorisées dans les sociétés délinquantes et devenir des activités normales..

Le développement de la délinquance est donc bien une pathologie sociale révélant l'éclatement de la société et l'apparition de sous-cultures en conflit les unes avec les autres. L'affaiblissement du contrôle social résultant d'une absence de culture homogène conduit à la désintégration culturelle.

 

II. Panorama de la délinquance

A. Réalité de la délinquance en France

1. Mesurer la délinquance

Les statistiques de la délinquance en France sont réalisés à partir de l'État 4001, un fichier réalisé à partir de données enregistrées par les forces de police.

Que répertorie l'État 4001 ? Les délits sans victimes (trafic de stupéfiants, certaines infractions financières -délit d'initié-), les délits signalés avec victimes tels que les atteintes aux biens et aux personnes, les crimes tels que des meurtres, des viols. On ne comptera pas les infractions, actes seulement passibles d'amendes.

Évolution décennale de la criminalité en france

Années Nombre d'infractionsEvolution en % Taux pour 1000 habitants
1989 3.266.442 + 4,27 58
1999 3.567.864+ 0,07 61

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur

 

Les catégories d'infractions

Catégorie 1999 2005 Évolution 2005/1999
Vols 2.252.528 2 623 617 + 16,47%
Infractions économiques et financières 295.734 309 824 + 4,76%
Atteintes aux personnes 233.194 411.811 + 76,6%
Autres infractions (dont dégradations, stupéfiants) 786.408 535 112 - 31,2%
Total 3.567.8643.880.364 + 8,78%

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur (Observatoire National de la Délinquance pour 2005)

 

Évolution des infractions violentes les plus courantes

Infractions 1988 1999 2005 Évolution 2005/1988
Coups et blessures volontaires 42 512 95 235 188 514+ 343 %
Vols avec violence 43 409 87 432 135 145+ 211%

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur (OND en 2005)

Commentez les tableaux, que constatez-vous quant à l'évolution de la délinquance en France, comment l'expliquez-vous ?

2. Le chiffre noir de la délinquance

Les statistiques enregistrées se heurtent à l'écueil de leur mode d'enregistrement, on parle du chiffre noir de la délinquance.

En effet :
d'une part tous les actes de délinquance ne sont pas enregistrés puisqu'ils ne donnent pas nécessairement lieu à des plaintes - les vols de véhicules ou de papiers sont déclarés pour des raisons d'assurance ; par contre les atteintes aux personnes sont sous-estimées de par la mauvaise prise en charge des victimes, leur crainte de représailles - ;
d'autre part ne seront transmis qu'à l'autorité judiciaire les crimes et les délits, les violences impliquant une incapacité de travail de moins de 8 jours ne sont donc pas répertoriées ;
enfin à délinquance constante et à efficacité égale des services de police, une suractivité policière sur un domaine particulier de la délinquance entraînera une augmentation du délit en question dans les statistiques.

Aux statistiques officielles on doit ajouter des enquêtes de victimation, lesquelles consistent à interroger un échantillon représentatif de la population française sur les délits dont elle a été victime. On s'aperçoit alors que des actes de délinquance devenus par euphémismes des incivilités, contribuent à créer un sentiment de peur et un traumatisme chez les victimes.

B. Profilage du délinquant

1. "Natural born killer" ou fou

Cesare Lombroso, un des fondateurs de la criminologie, élabore à la fin du dix-neuvième siècle la théorie du criminel né. Il y considère que certaines personnes sont naturellement enclines au crime et il prétendait pouvoir déterminer ces personnes en fonction de la forme de leur crâne, d'autres criminologues cherchaient aussi la bosse du crime. Il s'agissait là de prédisposition à des comportements criminels déterminées par des facteurs anthropologiques. Cette théorie est aujourd'hui considérée comme largement erronée voire ridicule.

La vision du délinquant en tant qu'être pervers, anormal, méritant d'être soigné fut bien celle du dix-neuvième siècle. Elle existe sous une autre forme et explique les efforts de préventions. Le délinquant est alors considéré comme un individu imparfaitement intégré dans la société. On considérera alors que les instances de socialisation que sont la famille, l'école, les pairs ont failli.

2. L'opportuniste

L'opportuniste, selon la théorie des opportunités, ne fait que profiter d'occasions qui lui sont données par la société. Ainsi ce serait la présence de nombreuses résidences secondaires sur la Côte d'Azur qui expliquerait l'accroissement du nombre de cambriolages, le développement des grandes surfaces qui permet la hausse des vols à l'étalage. Il serait donc aisé de dissuader l'opportuniste de passer à l'acte délinquant, il suffirait d'en rendre plus difficile la concrétisation. Cependant on peut constater que la meilleure protection des biens s'accompagne d'une recrudescence des vols avec violence, ceci ne cadrerait pas avec la théorie des opportunités à moins que l'on considère que l'opportuniste moderne ne considère plus la violence comme un obstacle donc développement des agressions pour vol de portables, des personnes retirant de l'argent aux DAB.

Maurice Cusson rejoint la vision du délinquant opportuniste développée aussi par Gary Becker qui montre que le délinquant réalise un calcul utilitariste coûts-bénéfices de la délinquance. Cusson va étudier le phénomène de bandes délinquantes en expliquant leur développement par le fait que le groupe par la force plus importante qu'il représente et la dissuasion de réponse chez ses victimes créé des opportunités supplémentaires.

3. La délinquance non assumée ou "légitime"

La délinquance n'est pas nécessairement assumée dans le sens où les actes illégaux commis sont minimisés, dans ce cadre les délinquants ne remettent pas en cause l'ordre social et reconnaissent la validité des normes sans pour autant les suivre. Cette minimisation peut, pour David Matza, passer par de multiples circonstances justifiant l'acte délinquant, il parle là de "techniques de neutralisation" :
dans une situation donnée la loi peut-être mise en défaut pour le délinquant puisque des valeurs supérieures sont en jeu (exemple : ne pas dénoncer un ami, voler pour se nourrir, ...) ;
ceux qui sont chargés d'appliquer la loi ne sont pas au-dessus de tous soupçons, sont corrompus, ... Une partie de la population serait donc au-dessus des lois, la justice est remise en cause par l'inégalité devant la loi ;
le délinquant n'est pas responsable de son acte, il a agit selon les circonstances, le délinquant pourra même suppposer que dans les mêmes circonstances tous auraient agi comme lui, y compris la victime ;
la délinquance ne cause pas de dommages (drogue, raccolage, ...) ou n'entraîne pas de pertes pour la victime (assurance).

 

III. La société est-elle porteuse de délinquance ?

A. L'étude de la pathologie sociale

1. La normalité de la délinquance

La délinquance est une pathologie sociale au même titre que le suicide, largement étudié par Durkheim. Mais la délinquance existe dans toute société, Durkheim affirme ainsi que "il n’y a pas de sociétés connues où, sous des formes différentes, ne s’observe une criminalité plus ou moins développée. Il n’est pas de peuple dont la morale ne soit pas quotidiennement violée. Nous devons dire que le crime est nécessaire, qu’il ne peut pas ne pas être, que les conditions fondamentales de l’organisation sociale, telles qu’elles sont connues, l’impliquent logiquement. Par conséquent, le crime est normal." Ici normal ne signifie pas que la délinquance ne soit pas une pathologie, mais que toute société connaît la maladie, la normalité d'un phénomène c'est sa généralité. Il faut comprendre le fonctionnement de la société, sa culture, pour comprendre la criminalité qui y existe et qui découle du fonctionnement de la société. Durkheim expliquera aussi la délinquance par l'affaiblissement des normes sociales et du contrôle social, c'est le concept d'anomie que nous avons déjà exploré .

2. La loi de saturation criminelle

Les premières études sociologiques de la délinquance considèrent que le délinquant est conditionné par son environnement : certaines conditions créeraient la délinquance. En 1893, Ferri considère que les facteurs sociaux déterminants sont les us et coutumes, la densité de la population, l'opinion publique, les moeurs, la religion, la famille, le niveau scolaire, l'alcoolisme, le degré d'industrialisation, les conditions de vie, le fonctionnement des institutions. De là Ferri met au point la "loi de saturation criminelle" selon laquelle chaque type de société déterminera des types particuliers de délinquance : " À chaque phase d’évolution et à chaque état d’une société correspond un rapport assez constant de facteurs physiologiques, biologiques et sociaux de la délinquance."

B. Une société qui frustre et qui punit

John Dollard tente d'expliquer les facteurs incitatifs et désincitatifs à la délinquance. Au niveau de l'incitation Dollard fait de la frustration, de l'envie, le facteur déterminant, au niveau désincitatif il place la réponse de la société à la délinquance à savoir la punition et donc pour le délinquant la crainte de la punition. Il conclue que le niveau de la criminalité dépend des rapports dynamiques de la frustration et de la crainte de la punition. Si les frustrations sont peu nombreuses, la criminalité ne sera pas très forte. Elle ne le sera pas non plus si les frustrations sont nombreuses, mais la crainte de la punition forte. En revanche, si cette crainte est faible et si les frustrations sont nombreuses, la criminalité atteindra certainement un niveau élevé.

Cette théorie évoquée à titre d’exemple suggère un pont éventuel entre la sociologie criminelle, qui étudie les conditionnements externes de la criminalité et considère celle-ci comme faisant partie d’une culture, et les théories purement psychologiques ou psychanalytiques, qui expliquent l’acte criminel à la lumière d’un destin purement personnel.

C. Des facteurs d'anomie dans la société française

1. Individualisme et anomie

De là certains vont considérer que la société de consommation est facteur d'anomie, c'est à dire de perte ou de mauvaise intégration des valeurs sociales, puisqu'elle pourrait créer un phénomène de frustration chez le délinquant, qui va violer la loi pour satisfaite sa soif de biens matériels. La société capitaliste de par les inégalités de fait, ainsi que l'individualisme sont accusés. L'individualisme va être considéré comme porteur d'anomie car sa mauvaise compréhension en ferait un destructeur de valeurs au service des intérêts de l'individualiste.

Bénédicte Charles, journaliste de Marianne commente un article du Monde du 21 mars 2002. Le sujet en est la violence des mineurs et son origine, à savoir la loi du plus fort. On y lit « ( …) des petites bandes de délinquants retournent à leur avantage le principe ultralibéral (sic) de la loi de la jungle. (…) Les plus faibles subissent des tests de sélection (bousculades et petites brimades) : s’ils ne réagissent pas, ils deviennent les souffre-douleur des plus forts. »

Dans "L'école du civisme" (Le Point) Jean-François Revel s'indigne de ce type de commentaires de plus en plus répandu dans les media et dans l'opinion, il y critique un commentaire d'un sociologue qui attribue la violence scolaire à … l'individualisme.

La loi du plus fort est collectiviste dans le sens où elle est du groupe, du grégaire, le meneur est le plus brutal et s’impose comme l’exemple. Le bouc-émissaire est souvent le plus faible, au sens où on ne lui donne pas les moyens de répondre, où on le menace lui et sa famille, où personne ne viendra le défendre et surtout pas la police. Il suffit alors qu’il se singularise, s’individualise, qu’il soit différent de la norme du groupe ou en rejette les valeurs pour que son calvaire commence.

Alors où est l'individualisme dans le "posse", la loi de la bande qui met à l'écart celui qui ne se conforme pas à un mode vestimentaire, qui n'adopte pas cette "novlangue" à la Orwell ? Oui, cette langue faite pour réduire au strict minimum les concepts, le fameux séfran admiré par des ersatz d'intellos, construit sur des expressions sexistes et violentes et limitant le champ sémantique, rendant impossible la communication de notions abstraites et élaborées. Abrutis par les clips de gansta rap, baignés dans "le grégarisme de la violence primate" comme le dit Revel, ces pseudo produits de l'individualisme sont en fait des victimes d'un collectivisme de repli qu'ils ont intégré parfaitement.

Jean-François REVEL

Laminage par le bas

2. Une intégration plus difficiles pour les jeunes issus de l'immigration

Laurent Mucchielli, affirme que « la part prise par des jeunes issus de l'immigration dans certains types de délinquance est d'abord la conséquence de leur position sociale. Ces jeunes sont avant tout des enfants des quartiers ouvriers, des fils de familles nombreuses, les moins armés scolairement et les plus précaires économiquement ». Le constat est indéniable mais il ne découle pas d'une fatalité.

Pourtant les enfants d’immigrés africains et nord-africains des cités, dans leur majorité ont des esprits formatés de concepts victimaires. Ainsi l’intégration ne passe pas par l’adoption de valeurs positives d’efforts et de mérite individuel, cette voie est au contraire celle de l’exclusion. Pour Albert Cohen cela ne signifie pas que les jeunes des milieux défavorisés ignorent les valeurs de la classe moyenne, celles-ci leur sont en effet accessibles par les media, l'école, les progammes gouvernementaux, mais ils n'y auraient accès que difficilement ce qui créerait un stress dont il résulterait pour 90 % d'entre eux un abandon du modèle social de la classe moyenne, alors que 5 % sortiraient de leur milieu pour l'adopter et que 5 % renverseraient ces valeurs et donc valoriseraient ce qui est considéré comme négatif (oisiveté et vol plutôt que travail). La délinquance ne résulterait donc pas d'un manque de socialisation mais serait une adaptation à la socialisation.

3. La victimisation de la délinquance

Les outils du tribalisme raciste et ultraviolent ont bien été offerts, le formatage victimaire des esprits n’est pas tant le résultat de l’échec scolaire que de politiques aberrantes que nous avons financées et contre lesquelles nous n’avons pas réagi.

Ce premier outil c’est l’Etat providence à travers les « droits acquis » ressentis comme des dettes des blancs colonialistes et racistes vis-à-vis de leurs parents. C’est le chômage ensuite qui a été présenté comme une injustice sociale à coup de panneaux dans les lycées où l’on pouvait lire « noir, maghrébin donc refusé par les patrons », c’est la chiraquienne haute autorité contre les discriminations qui donne des droits supplémentaires aux supposées victimes de racisme qui pourront obtenir postes et logements par la force des agents publics. L’Etat Providence a éreinté ceux qui pratiquent l’effort et rompent avec la loi de la tribu, elle légitime le parasitisme des racailles tout en pleurant sur une misère fantasmée pour laquelle certains rmistes visitent leur assistante sociale en BM. Il faut donc payer pour les cités et faire en sorte que la police tolère les trafics et n’intervienne pas face aux vols et aux rackets, économie parallèle largement tolérée comme soupape de sécurité.

Le deuxième outil lié au premier c’est la discrimation positive et elle existe depuis longtemps avec les ZEP, les associations douteuses d’insertion et de citoyenneté et les plans été jeunes qui nous font financer des stages de parapente, de ski pour acheter la paix sociale.

Le troisième outil est la désignation du bouc-émissaire : les feujs et les céfrans. Des juifs sont agressés, des synagogues sont vandalisées, quant aux filles de céfrancs elles pourront être amenées dans les caves et le bourgeois pourra se faire racketter. C’est facile car la blanche est une pute et le céfran est un lâche que l’on peut humilier en bande. C’est dit dans les écoles, l’Islam a été humilié par le colonialisme et le Christianisme c’était les croisés tuant les pères de vos pères, c’est dit aussi Sharon et Bush sont des nazis et le capitalisme exploite ceux qui travaillent, c’est dit encore « de l’argent il y en a et on nous donne pas les moyens d’améliorer vos perspectives d’avenir ». C’est dit et c’est encore redit, les pyromanes enseignent au cœur des cités et pour se faire accepter ils brossent dans le sens du poil, intellectualisent la haine et font croire au « jeune » qu’il pense par lui-même.

La délinquance est forte chez les enfants d'immigrés et il est certain que les institutions d'intégration familiale, scolaire, professionnelle y posent problèmes. La société est donc accusée de ne pas promouvoir l'intégration et de ne pas avoir payé sa dette coloniale. Mais alors comment sanctionner la délinquance si le délinquant n'est plus responsable de ses actes ?

Et surtout quelles sont les conséquences sociales de cette victimisation de la délinquance ?

Dans le court article "Sociologie et Démocratie", Pierre Bourdieu prétend que le rôle de la sociologie serait de dénoncer la violence invisible " qui s'exerce au jour le jour, pêle-mêle, dans les familles, les usines, les ateliers, les commissariats, les prisons, ou même les hôpitaux ou les écoles, et qui est le produit de la "violence inerte" des structures économiques et sociales et des mécanismes impitoyables qui contribuent à les reproduire ".

Pour lui, au nom d'une loi de conservation de la violence, la violence invisible se traduit par une violence visible dont se rendent responsables ses victimes. Violence visible qui prend la forme de "crimes, vols, viols, voire attentats". Bourdieu donne donc des causes sociales à la délinquance, il lui donne une certaine légitimité et fait des agresseurs des victimes d'un système de reproduction des inégalités.

En effet, les agresseurs sont en général pauvres, peu instruits et incapables d'exprimer une opinion cohérente. Ce qui relève effectivement du constat.

C'est un problème fondamental de la démocratie selon Bourdieu et particulièrement de celle de la démocratie des sondages, laquelle ne ferait que révéler des aspirations momentanées, une demande sociale conditionnée par un marketing politique. Pour Bourdieu le peuple ne serait pas capable d'une " opinion éclairée ", car selon ses propos " l'illusion sur la démocratie consiste à oublier qu'il y a des conditions d'accès à l'opinion politique constituée ".

Ainsi les riches et les instruits seraient plus capables d'avoir une opinion que les pauvres et les incultes. Les premiers imposeraient donc leur opinion en les rendant attrayantes aux autres, sans que celles-ci ne convergent vers l'intérêt général, il s'agit là aussi d'une violence cachée justifiant les phénomènes de rejet délinquant. Bourdieu revient alors sur le rôle de sociologue qui serait de se substituer aux leaders d'opinion en " démocratisant les conditions économiques et culturelles de l'accès à l'opinion publique " afin de permettre " l'exercice véritable des droits du citoyen " ceci passerait par une éducation des jeunes mais aussi des adultes sous forme de " l'éducation permanente ".

 

Mais parler comme le fait Bourdieu de lois de production des opinions individuelles en considérant qu'il s'agit là de lois sociales qui " peuvent être contrecarrées par une action armée de la connaissance de cette loi " c'est rejeter le libre-arbitre de chacun.

L'éducation selon Bourdieu revient donc à une normalisation très forte de l'ordre d'un bourrage de crâne destiné à modeler une opinion acceptable à ceux qui sont chargés de définir ce qu'il convient d'enseigner. Par ses responsabilité au sein de commissions de programmes de l'éducation nationale Bourdieu a donc participé en tant que sociologique anticapitaliste à la création d'une " pensée citoyenne " rejetant la responsabilité au nom du déterminisme, faisant du désir de sécurité, de la possession ou de l'ambition des pulsions bourgeoises négatives à extirper au nom de l'antiracisme et de l'égalitarisme.

4. Frustrations sans punitions

La société française est porteuse d'anomie par l'absence de volonté des élites de défendre les valeurs d'une société de consommation capitaliste, par l'exemple donné de la société politique qui se moque des libertés fondamentales, par la tolérance vis-à-vis d'une délinquance contre les biens pour des motifs sociaux "légitimes" (actions de réquisition du DAL, impossibilité de fait de procéder à des expulsions) et donc par son refus d'appliquer des sanctions, ce qui crée un sentiment d'impunité. Gary Becker montre que là aussi les coûts des délits sont faibles alors que les gains sont élevés.

La faiblesse des taux d'élucidation rend attractif les actes de délinquances et décourage les plaintes des victimes. 
Le taux moyen d'élucidation s'est établi à 27,63 % en 1999. Il convient d'observer que ce taux est en baisse constante ces dernières années puisque qu'il était de 30,20 % en 1996, 29,47 % en 1997 et 28,63 % en 1998. Ce taux moyen cache de profondes disparités entre les infractions. Si 80,06 % des homicides sont élucidés, seuls le sont 9,02 % des cambriolages et 3,4 % des vols à la tire si bien que le taux d'élucidation de l'ensemble de la délinquance de voie publique s'élève à 9,32 %.De plus, une fois élucidées les actes de délinquances ont une chance sur trois d'être classées sans suite par les parquets.

Source

Site de SOS Action Santé
"Sociologie et Démocratie", Pierre Bourdieu