La planification de la production en question


 

L'expression des besoins des gens est profondément liée au fonctionnement des marchés.

Comment détecte-t-on un besoin si on supprime les marchés ou si on les empêche de fonctionner, c'est-à-dire au fond si les individus ne sont pas libres d'exprimer leurs besoins ? Effectivement les besoins s'expriment par une demande si un marché et sans l'existence d'un marché alors c'est l'État qui décide de ce qu'il convient de produire à travers le plan.

Ainsi, la planification centralisée de la production suppose la planification des besoins. Dans un tel contexte, il n'était pas vraiment conseillé de dire tout haut que l'on n'était pas satisfait des objectifs du plan. Cela eut été un crime contre l'État. Ainsi, loin d'évaluer les besoins réels des gens, le plan central les étouffe ou impose des "besoins officiels" en adéquation avec les possibilités de l'État central.

Mais quelle est la valeur réelle de besoins imposés aux gens alors que l'expression des besoins renvoie aussi à des préférences subjectives (donc difficiles à la fois à planifier et à justifier) ?

 

Si l'on ne tient pas compte des goûts et des préférences des individus, on n'a aucune chance de produire ce qui fait réellement l'objet d'une demande. Sur le papier, il est toujours possible d'obtenir des grands équilibres comptables : on planifie l'offre et on impose à la demande de s'y adapter. C'est ce que l'on appelle le rationnement. Mais ces équilibres comptables n'ont aucune signification économique si on ne produit pas ce que les gens demandent. Ils n'ont pas de valeur économique. Il faut bien se rappeler que l'utilité fonde la valeur.

Par contre, les gens seront forcés de consommer ce que le plan a décidé de produire.

 

Ce n'est pas tant la planification qui pose problème mais sa substitution au marché.

Certes, les entreprises ont besoin de planifier leur production comme les ménages ont besoin de planifier leur plan de consommation. C'est tout simplement de la bonne gestion. Comme ce processus de planification est décentralisé et local, il se fait au niveau de chaque entreprise et de chaque ménage. Et ménages et entreprises ne sont pas sous les ordres d'un commandant suprême.

Dans une économie prospère, chaque entreprise reste donc une entité autonome, en compétition et en collaboration avec les autres entreprises de sorte que ce processus de planification à l'échelle de l'entreprise ne supprime pas la concurrence et la diversité à grande échelle. Il en est de même des ménages de sorte que les consommateurs restent libres de choisir tel ou tel produit.

La planification locale ne s'inscrit pas dans une planification globale. Elle évolue, tout au contraire, dans une concurrence globale qui permet l'expression des choix.

Cette liberté de choix permet à son tour de révéler les besoins réels des gens et non pas la volonté du planificateur. On peut sans doute trouver puéril ou futile de disposer de différentes marques de lessive ou de différentes qualités de papier toilette, alors on a toute liberté de ne pas en acheter.

 

La concurrence permet de révéler l'utilité sociale

Il faut bien comprendre qu'aucune entreprise ne se prétend infaillible. C'est pourquoi il en existe plusieurs et qu'elles sont en concurrence entre elles. C'est pourquoi la faillite est à tout moment possible si l'entreprise perd de vue son objectif, à savoir la satisfaction de ses clients. D'ailleurs, si la perfection était de ce monde, on n'aurait justement pas besoin de la concurrence.

 

Le monopole incontestable empêche l'expression des besoins

Mais c'est l'État qui se prétend infaillible en se donnant le rôle de corriger le marché. Ce faisant, il détruit la concurrence elle-même. Et en supprimant la concurrence, le monopole public s'interdit la possibilité d'évaluer véritablement les besoins et les attentes des gens. Il s'affranchit du même coup de la nécessité d'évaluer sa propre efficacité à répondre à des besoins qu'il ne se donne même pas la peine de détecter.

Une entreprise qui perd des clients doit se poser des questions pour réagir ou bien disparaître. Car, en dernière instance, ce sont les clients qui paient et donc ce sont les clients qui décident. Ces derniers sont les seuls vrais patrons, le dirigeant de l'entreprise ayant la lourde charge de transmettre à ses salariés ces injonctions du marché.

Qui paie les fonctionnaires ? Ce n'est pas tel ou tel ministre, mais bien les contribuables. Mais, l'État considère qu'il ne peut pas perdre ses contribuables. En effet, sauf à partir, le contribuable n'a pas le choix. Il n'est pas le roi et peut même rapidement devenir un esclave. Quand un planificateur gère les besoins de ses esclaves, croyez-vous qu'il s'interroge vraiment sur leurs besoins réels ? Par construction, il ne serait donc jamais venu à l'idée d'un planificateur gérant une économie centralisée de produire non seulement du papier toilette, mais aussi plusieurs marques de ce même produit.

 

La planification centralisée créé la pénurie en ignorant les besoins.

Dans une économie totalement planifiée, les gens sont donc réduits à la condition d'esclave au service du plan. Du point de vue du plan central, l'existence de marques ou de différentes gammes serait même considérée comme un gaspillage.

La production, l'innovation et le phénomène des marques sont des processus inhérents à la compétition, elle-même étant le résultat de la liberté d'entreprendre. Si elles peuvent faire l'objet d'une planification au niveau de chaque entreprise considérée comme une entité autonome en compétition avec d'autres entreprises, elles peuvent difficilement être enfermées dans une planification globale, autoritaire et centralisée. Une telle planification est précisément ce qui détruit les incitations à investir et à produire de la même manière que la planification technologique détruit les incitations à innover.

C'est pourquoi l'économie de l'URSS était caractérisée par une pénurie permanente des produits de consommation courante. Pourtant, les rapports officiels, toujours élogieux autant que flatteurs, indiquaient dans leur langage pompeux que tous les objectifs du plan quinquennal avaient été atteint.

Mais les dirigeants du parti, qui étaient censés administrer toute l'économie pour le bien du peuple, n'avaient aucune idée de l'état réel de l'économie.

Plus aucune information n'est fiable lorsque l'État prétend contrôler et réguler l'économie. Car pour contrôler et réguler l'économie, les autorités publiques vont contrôler et réguler l'information qui, du même coup, va devenir de la propagande.

 

D'après Jean-Louis CACCOMO, La Troisième Voie, 2006

 

 
1. Définissez le terme de planification.
2. À quelle échelle est-il possible d'établir une planification, pourquoi ?
3. Peut-on planifier les besoins de la population ? Pour quelle raison ?

4. En quoi consiste la création de valeur, et peut-on créer de la valeur dans une économie planifiée ?
5. Pourquoi la planification mène-t-elle à la pénurie dans une société ?