Moyens et actions de l'État


 

I. Prélèvements obligatoires et dépenses publiques

 

L'intervention de l'État s'est beaucoup accrue tout au long du XXème siècle, à l'État-Gendarme s'est progressivement substitué un État-Providence dont la vocation affichée est de soutenir la croissance et de réduire les inégalités. Avec l'extension sans limites du rôle de l'État, ses dépenses ont dû également s'accroître pour qu'aujoud'hui plus de la moitié du PIB soit ponctionné pour financer ses fonctions et payer les intérêts de la dette publique.

 

L'État ment dans toutes les langues du bien et du mal, dans tout ce qu'il dit, il ment, et tout ce qu'il a, il l'a volé.

 

Friedrich NIETZSCHE

 

1. Les prélèvements obligatoires représentent une des manifestations de l'État les plus contestées, quels sont les fondements de cette contestation ?

Contestation du principe même de l'impôt, de l'affectation des ressources aux dépenses publiques.

2. En quoi l'État ment selon Nietzsche ? Car il prétend agir pour l'intérêt commun.

3. En quoi est-il un voleur ? L'État est désincarné, c'est une institution qui vit de par les prélèvements, lesquels sont versés sous la contrainte pour des usages que le contribuable ne contrôle pas, voir article 2 de la constitution.

 

A. L'ensemble des prélèvements obligatoires

1. Les prélèvements fiscaux

Les prélèvements fiscaux sont opérés par l’État pour financer le budget, mais on appelle aussi prélèvements fiscaux des impôts et taxes tels que la taxe foncière, la taxe d'habitation, ... collectées par les collectivités locales. Il ne faut pas confondre les impôts et les taxes qui sont des prélèvements fiscaux au bénéfice de l'État central, avec les prélèvements sociaux que nous voyons dans le point qui suit.

2. Les cotisations sociales

Les cotisations sociales sont obligatoires, elles sont prélevées pour financer non pas l'État mais des organismes de sécurité sociale jouissant en France d'un monopole incontestable en matière de couverture sociale (logique d'assurance). L'aspect institutionnel de ces organismes octroyé par le monopole ne doit pas pour autant nous les faire confondre avec l'État, c'est pourquoi ce serait commettre une grosse faute que de confondre prélèvements fiscaux et cotisations sociales.

L’assiette des cotisation est les revenus du travail salarié et non salarié. Ces cotisations apparaissent sur les fiches de paie sous la dénomination de cotisations salariales et de cotisations patronales. L’employeur collecte ces cotisations et les verse à l’URSSAF (union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) et aux ASSEDIC (associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce). Des organismes collecteurs différents existent pour les non salariés.

Le coût du travail n’intègre donc pas seulement les salaires nets, mais aussi les charges sociales qui sont particulièrement lourdes. Le système de cotisation sociale exclut donc du marché du travail les salariés dont la productivité marginale est la plus faible, ceux-ci le paient donc par le chômage. 

3.   Les nouveaux prélèvements

La faillite de la sécurité sociale aurait impliqué une poursuite de la hausse des cotisations sociales sur le travail déjà écrasante. En conséquence la sécurité sociale va faire appel à l’impôt (dont la logique est différente de celle des cotisations et est déconnectée du principe de l’assurance). La CSG (cotisation sociale généralisée) est un impôt sur les revenus d’activité, du patrimoine et de transfert (sauf sur les minima sociaux) institué par la loi du 29 décembre 1990. Puis la crise de la sécurité sociale n’étant pas résolue un nouvel impôt est créé le 1er février 1996 sur la même base que la CSG : la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale).

B. Le budget

1. Le budget est une loi

Le budget est l'acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes (en fonction du rendement des impôts donc de la croissance anticipée) et les dépenses de l'État (en fonction des besoins exprimés par les ministres). Le budget est présenté par le gouvernement et voté par le parlement à la session d'automne de l'année civile précédant son application. Il est voté sous la forme d'une loi appelée loi de finances.

La loi de finances détermine la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elle détermine. La loi de finances peut être modifiée au cours de l'année par des collectifs budgétaires : il s'agit alors le plus souvent de prévoir des dépenses supplémentaires.

2. Le budget obéit à des principes :

        l'annualité : la loi de finances est valable pour une année et doit être votée chaque année ;

          l'unité : les recettes et les dépenses de l'Etat figurent sur un seul document afin de donner une vision globale au budget de l'Etat ;

          l'universalité : aucune liaison n'est établie entre telle recette et telle dépense ; ce principe s'oppose donc à la couverture de certaines dépenses par une recette particulière.

C. Les ressources et les dépenses du budget

            1. Les ressources du budget

Les recettes fiscales représentent 90 % des recettes définitives de l'État ; elles regroupent l'ensemble des impôts, c'est-à-dire les sommes collectées à titre impératif auprès des personnes physiques et morales résidentes.  Les recettes non fiscales sont issues des taxes versées par les établissements publics.

On distingue les impôts directs, supportés par l'agent qui les verse au trésor (impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu des personnes physiques, impôt de solidarité sur la fortune), des impôts indirects, collectés auprès des contribuables par des intermédiaires qui les reversent ensuite à l'Etat (TVA, TIPP). Ainsi dans le cas de la TVA, elle est payée par les consommateurs mais collectée par les commerçants qui la reversent à l'État.

 

Les recettes fiscales sont partagées en 3 groupes d'impôts :

les impôts sur les revenus (IS, IRPP) ;

les impôts sur la dépense (TVA, TIPP) ;

le impôts sur le patrimoine (ISF, droits de mutation, droits de succession).

 

RECETTES FISCALES NETTES DE L'ÉTAT - 2001 & 2003

(en milliards d'euros)

2001
2003
Impôt sur le revenu
52.82
53.06
Impôt sur les sociétés
40.52
34.56
TVA nette
105.16
109.80
Taxe Importation Produits Pétroliers
23.41
24.67
Autres recettes nettes
22.93
19.20
Recettes fiscales nettes totales
244.85
241.27
Sources : Assemblée nationale, loi de finances 2001 Sénat, loi de finances 2003

 

Une ressource contestée : la redevance télévisuelle

2. Les dépenses du budget

Les dépenses du budget peuvent se décliner :

        par ministère, chaque année les différents ministères se voient octroyés une enveloppe budgétaire en fonction des besoins exprimés;

        par nature, certains ministères ont des fonctions qui se rapprochent (interventions économiques pour le ministère du travail, du logement, de l'agriculture, des transports, ...) ;

        par objet : on distingue les dépenses courantes de fonctionnement permettant à l'État et à ses administrations de fonctionner - ils s'agit en très grande partie des traitements et des pensions des fonctionnaires -, elles sont reconduites chaque année ; pour le reste on compte les dépenses d'investissement ont pour objet le financement des équipements.

.

Au cours du temps les fonctions régaliennes représentent une part plus restreinte des dépenses dans le budget avec une croissance corrélative des dépenses liées aux fonctions sociales. Ainsi, l'enseignement, le secteur social et l'emploi pèsent à hauteur de 40 % des dépenses globales.

 

 

Commentez et comparez ces deux phrases :

"Tout ce que l'État prélève aux Français, il le leur rend", Lionel Jospin

"L'État est cette grande fiction à travers laquelle chacun croît pouvoir vivre aux dépens de son voisin", Frédéric Bastiat, les Harmonies économiques

 

Lionel Jospin est un homme politique, il défend une vision positive de l'État à travers une tentative de réhabilitation de l'impôt. Il rappelle que les prélèvements obligatoires ne disparaissent pas dans les méandres de la bureaucratie mais font l'objet de redistribution et de services publics, profitant les uns comme les autres aux Français. Frédéric Bastiat est un économiste et analyse de façon réaliste les prélèvements obligatoires. Opposer ces deux visions est possible dans le sens où l'un est socialiste donc favorable à l'intervention de l'État, et l'autre est libéral. Mais chacun partage ce même constat : les administrations publiques prennent aux Français pour redistribuer aux Français, il s'agit d'un jeu à somme nulle mais certains paient plus qu'ils ne reçoivent et vice versa.

Quand Jospin pense que recettes et dépenses répondent à une notion de justice sociale, Bastiat considère au contraire que certains hommes du gouvernement, qui se font appeler État, se voient légitimés et soutenus dans leur rôle en laissant croire aux Français qu'ils touchent plus qu'ils ne paient. Et si le poids de leurs prélèvements leur paraît trop élevé, les Français demanderont alors une part plus importante de la redistribution au lieu de réclamer des prélèvements plus raisonnables. Bastiat dénonce donc l'illusion entretenue par les hommes de l'État d'un État de chair et d'os, un magicien qui permettrait à tous les Français de participer à une jeu à somme positive dans lequel ils se réjouiraient d'avantages payés par leurs voisins, d'où une pression continue pour obtenir plus de subventions, d'aides, d'allocations, de services collectifs, etc ....

 

Pour synthétiser Jospin annonce une vérité logique : l'État opère un jeu à somme nul au niveau agrégé.

Au niveau individuel ce jeu suivant les Français est à somme négative ou positive.

Bastiat énonce que les chaque Français est poussé à croire que ce jeu est à somme positive pour lui, chacun demande donc une intervention plus importante, croyant en être un bénéficiaire net.

 

 

D. L'utilisation volontariste du budget : la politique budgétaire

1. Les principes de la politique économique

L’ensemble des individus par leurs offres et leurs demandes sur la marché aboutissent à des transactions qui se réalisent à un point d’équilibre entre l’offre et la demande.

 

Les hommes politiques en général, sous l'influence des théorie de Keynes, considèrent que le libre jeu de l’offre et de la demande selon les lois économiques du marché n’aboutit pas à des équilibres souhaitables, ils font alors intervenir l’Etat et lui donne un rôle d’orientation de l’économie par ce que l’on appelle une politique économique. La politique économique est un ensemble d’actions menées par l’État en vue d’atteindre un certain nombre d’objectifs à partir de moyens ou instruments.

Les objectifs sont le carré magique :   plein-emploi ;  croissance économique ;   stabilité des prix ;  équilibre extérieur.  

 

Le carré magique de Kaldor

 

La politique économique part du principe que les hommes politiques ont une connaissance supérieure des mécanismes de l ‘économie, ce qui est nécessairement faux car les mécanismes mis en place par le marché ne sont que l’expression de milliards de combinaisons de choix individuels. Pour autant l’État se servira des différents instruments à sa disposition pour atteindre ses objectifs. La difficulté consistera à affecter tel instrument à la réalisation de tel objectif particulier. En effet toute interférence dans cette mécanique extraordinairement compliquée qu’est le marché peut générer des effets pervers en chaîne. Ainsi un relèvement du SMIC pour encourager le retour à l’emploi peut au contraire accroître le chômage par l’augmentation du coût du travail peu qualifié.

 

2. La relance par les dépenses publiques

Les dépenses publiques ont pour objectif de réaliser le plein emploi par un surcroît de croissance économique, la prestation des services publics et la redistribution.

Par le biais de subventions, du traitement des fonctionnaires, de transferts entre agents ou encore d’achats de biens et services, l’État est en mesure de peser sur la conjoncture économique. Ainsi , en cas de conjoncture déprimée,  Keynes a suggéré que l’État devait adopter une politique contracyclique c'est-à-dire un comportement exactement inverse de celui des agents privés : un comportement de relance de la dépense lorsque l’activité est insuffisante, et un comportement de contraction de la dépense dans le cas inverse.

L ’accroissement des dépenses de l’État peut augmenter la demande effective c'est-à-dire favoriser l’investissement et la consommation donc la création d’emploi ; de même en cas de surchauffe, l’État peut freiner ses dépenses pour réduire la demande effective. Cette politique budgétaire contracyclique menée pendant de nombreuses années dans les pays occidentaux repose cependant sur une double nécessité :  l’efficacité de l’instrument budgétaire pour réguler l’activité ;  et le caractère nécessairement passager des déficits éventuels.

 

Les arguments en faveur de la relance reposent sur l'effet multiplicateur : lorsque l’État effectue une dépense, il provoque, par un jeu de vagues de consommation, un accroissement du revenu national plus important que la dépense initiale. Ainsi un  euro de dépenses publiques se transforme en un euro de commandes qui elles-mêmes vont donner des revenus qui seront soit dépensés soit épargnés. Si la propension marginale à consommer est de 0,8, l'euro initialement dépensé va engendrer une deuxième vague de dépenses de 0,8 € qui elle-même va donner 0,8 X 0,8 = 0,69 € dépensés et donc de revenus distribués à la troisième vague etc …  

Le budget apparaît donc comme un instrument privilégié de l’interventionnisme étatique susceptible d’atteindre des objectifs économiques et sociaux. Cet effet multiplicateur doit en effet permettre d'atteindre la croissance potentielle et résorber ensuite le déficit budgétaire qu'il créé par un rendement de l'impôt supérieur (la croissance future finance la crise actuelle). Néanmoins il n’est pas nécessaire que la dépense initiale soit budgétaire pour qu’elle ait un effet multiplicateur.


La relance en question

  

II. Pouvoirs réglementaires et services publics

A. De la réglementation à la bureaucratie

1. L’État réglementateur

Attention on parle souvent à tort d'État régulateur pour décrire des fonctions liées à l'introduction de lois et de réglementations par les pouvoirs publics. Le terme d'État régulateur est cependant impropre puisque le terme de régulation fait référence au mécanisme de marché qui permet l'équilibre de façon naturelle sur un marché. Néanmoins les Keynésiens et les Marxistes n'hésiteront pas à user de l'expression "État régulateur".

 

L’État réglementateur est donc un État qui influence le fonctionnement du marché par l'intermédiaire de réglementations.

De telles réglementations vont avoir pour conséquence une modification des comportements des agents et des équilibres économiques. Par ces réglementations l'État influence les consommateurs, les producteurs, les banques, les importateurs, les exportateurs, les salariés, ... en fonction de ses propres objectifs économiques et sociaux.

 

L'État réglementateur peut ainsi :

encourager la consommation de certains produits ou services (éducation, formation pour lesquelles les entreprises sont taxées afin de les financer ou encore prime à la casse pour inciter à l'achat d'automobiles neuves) ou en décourager celle d'autres (l'alcool, le tabac, les produits importés hors communauté européenne sont taxés) ;

subventionner certaines productions notamment dans les secteurs d'activité en fin de vie ;

mettre en place des normes à respecter pour avoir le droit de produire ou de commercialiser sa production ;

imposer des contraintes en matière de concurrence (interdire des fusions tendant vers la constitution de monopole ou au contraire constituer des monopoles non contestables) ;

contrôler les flux de capitaux ;

encadrer la relation de travail (code du travail avec instauration du salaire minimum, du droit de grève réglementation du recours au CDD, ...) ;

intervenir plus directement par l'obligation d'obtention d'une autorisation administrative (pour l'implantation de grandes surfaces par exemple avec la commission nationale d'urbanisme commerciale).

2. L'État bureaucratique

La réglementation est une façon indirecte de peser sur l'économie, mais l'État intervient aussi directement que ce soit à travers ses fonctions régaliennes ou encore certaines tâches de production qu'il s'est accaparé à travers la création d'entreprises publiques ou la nationalisation d'entreprises privées.

 

L'organisation rationnelle des activités de lÉEtat passe par une organisation du travail de type militaire dans laquelle chacun a une place déterminé et doit obéir aux injonctions de l'échelon hiérarchique immédiatement supérieur, sans le court-circuiter, il s'agit là de mettre en place une bureaucratie. Cette organisation nous rappelle un peu l'OST, mais désormais ce type d'organisation du travail séduit moins d'autant que les incitations sont faibles (évolution à l'ancienneté plutôt qu'au mérite, concours puis emploi à vie) et que la responsabilité des agents pose problème (rouages exécutants). La bureaucratie mène à la bureaucratisation avec un excès de règles (pas d'initiative) et de contraintes qui étouffent le dynamisme et une peur du changement avec des réflexes corporatistes très fort (sauvegarde des statuts en tant qu'intérêts acquis).

 

Ce fonctionnement reste en place dans les admnistrations, mais il est appelé à disparaître de secteurs désormais confrontés à la concurrence et jouissant auaparavanat du stade commode de monopoles de service public (France Télécom, EDF). La fin du monopole fait partie du processus de déréglementation, l'opposition auquel se processus se heurte vient donc de salariés jouissant de statuts protégés et non soumis, comme dans toute bureaucratie, à un impératif de productivité.

B. La déréglementation en question

1. Définir la déréglementation

Sous l'influence de directives européennes, l'État réglementateur mais aussi l'État bureaucratique recule avec la mise en place de mesure de déréglementation.

Celle-ci consiste en la suppression progressive de règles, fixées par les pouvoirs publics, qui encadrent l’activité de secteurs économiques. Parmi les mesures de déréglementation qui sont entrées en vigueur, on peut citer la suppression du contrôle des prix et des changes, la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, l'ouverture à la concurrence des services des télécommunications et de l'énergie (libéralisation), la suppression des restrictions au travail de nuit pour les femmes.

2. L'ouverture à la concurrence

La déréglementation conduit donc à supprimer des entraves aux libertés économiques tout en privatisant les anciens opérateurs historiques exerçant autrefois un monopole incontestable. Cette privatisation est nécessaire pour que les règles du jeu concurrentiel soient équitables, en effet une entreprise publique peut toujours se faire subventionner ses pertes alors qu'une entreprise privée pourra faire faillite. De plus une entreprise publique privatisée pourra obtenir des fonds sur les marchés des capitaux internationaux, admettre de nouveaux actionnaires possédant un réel pouvoir de décision, elle pourra ainsi financer ses efforts de restructuration pour devenir compétitive.

Mais cette déréglementation peut s'accompagner de nouvelles règles comme c'est le cas pour la libéralisation de certains secteurs économiques. Ces nouvelles règles peuvent quelquefois poser problème comme dans l'exemple de la privatisation du rail en Grande-Bretagne.


La privatisation du rail britannique

Un rapport réalisé par l’autorité ferroviaire de Grande-Bretagne, la Strategic Rail Authority (SRA), estime que les chemins de fer ont besoin sur dix ans de quelque 60 milliards de livres, soit un peu plus de 90 milliards d'euros, pour tourner la page de la soi-disant privatisation « ratée » du rail britannique. Au surplus, ce rapport présenté le 13 mars dernier suggère une réforme du cahier des charges de la société Railtrack – cette société privée a la charge des voies, de l’infrastructure et des gares. Si ces deux objectifs sont réalisés, le président de la SRA, Sir Alastair Morton, estime qu’il sera enfin possible de tourner la page des difficultés des chemins de fer britanniques. Sir Alastair Morton, pour qui l’annonce de ce plan est « le jour de sa vie », a pour rêve de « transformer le système ferroviaire britannique en un réseau de classe mondiale ». À ses yeux, « la privatisation a mis en place une structure plus que défectueuse qui n’a pu délivrer ce qui était nécessaire. Dépassée par les événements, Railtrack préside une infrastructure fréquemment erratique ».

En gros, le président de la SRA considère que la privatisation des chemins de fer britannique a été « ratée ». En fait, la privatisation des chemins de fer, commencée au début des années 1990 par le gouvernement conservateur de John Major, puis continuée au milieu de cette même décennie par le gouvernement travailliste de Tony Blair, a sans doute été « ratée », parce que la façon dont les gouvernements successifs, tant de droite (conservateur) que de gauche (travailliste), ont dénationalisé les chemins de fer n’a pas été satisfaisante. En effet, le fait qu’il y ait eu un « ratage » en Grande-Bretagne lors de la dénationalisation ne signifie pas pour autant que la privatisation (en soi) soit coupable des retards, des accidents ou des prix exorbitants. Ces maux ne sont absolument pas spécifiques à un système privatisé puisque la Deutsche Bahn, qui elle est une entreprise d’Etat, connaît des problèmes similaires. Il ne semble pas en effet que les errements actuels du rail britannique constituent une condamnation de la privatisation par rapport à la (re)nationalisation.

Au contraire, cela semble plutôt signifier que les États ne se contentent pas de s’approprier indûment certains pans de l’activité économique relevant à leurs yeux de l’intérêt général et de la mission de service public – par exemple, les chemins de fer, la poste ou encore la sécurité sociale. Car lorsqu’ils doivent les rendre aux citoyens et aux consommateurs – par la dénationalisation ou privatisation – ils le font en dépit du bon sens.

À ce titre l’exemple britannique est significatif. Ainsi, lors de la privatisation des chemins de fer britanniques, les gouvernements conservateurs et travaillistes qui se sont succédés ont mis en place une double tutelle difficile à gérer. En effet, la SRA a comme attributions l’octroi et le contrôle des franchises d’opération, la planification à long terme du réseau et la distribution des subventions de l’État. La SRA doit également se charger de l’intégration du rail dans un système de transport global et du sort des passagers handicapés. Mais la SRA n’est pas la seule instance de contrôle puisque le Rail Regulator a la charge du contrôle de Railtrack, mais également des tarifs payés par les opérateurs pour accéder au réseau, du respect de leurs engagements en matière d’horaires et du prix des billets, ainsi que la coordination de l’action des comités d’usagers. La coexistence de ces deux autorités de contrôle, mises en place par les gouvernements, n’est pas tout le temps une coexistence harmonieuse et les spécialistes de la question considèrent que la fusion de ces deux autorités en une seule entité est nécessaire. Enfin Railtrack paye la décision politique des gouvernements de privatiser le réseau au niveau national en une seule unité au lieu de morceler le système. En fait au lieu d’ouvrir les réseaux à la concurrence de nombreux opérateurs, les gouvernements britanniques ont remplacé un monopole (public) par un autre monopole (cette fois privé). La façon de procéder des gouvernements britanniques ne s’apparente pas réellement à une privatisation.

En outre, comme nous l’expliquons par ailleurs dans un article sur les nouveaux risques, la privatisation a été réussie ailleurs, en particulier dans les chemins de fer japonais. Quant aux accidents, ils sont plus nombreux dans les systèmes nationalisés et s’expliquent en Angleterre par l’absence d’investissements de modernisation du temps des nationalisations. Ce ne sont pas quelques années de privatisation qui ont fait vieillir le réseau, mais c’est l’incurie antérieure.

En définitive, la privatisation n’est pas coupable mais c’est la façon de la pratiquer qui est en cause. La preuve que le « ratage » britannique ne condamne pas la privatisation en tant que telle dès lors que les chemins de fer sont concernés, c’est l’annon

ce par le ministre des transports allemand du probable démantèlement de la Deutsche Bahn (DB). L’idée sous-jacente est d’affranchir la société qui gère le réseau ferroviaire, DB Netz, de la tutelle de sa maison mère, DB. À terme DB Netz pourrait être privatisée et une plus grande concurrence serait encouragée – actuellement les concurrents de la Deutsche Bahn, tant nationaux qu’étrangers, n’ont fait qu’une timide entrée sur le territoire allemand et se plaignent des tarifs discriminatoires pratiqués pour accéder au réseau.

Jacques GARELLO, libres.org

1. La privatisation est-elle à l'origine du mauvais état du rail britannique ? Non c'est l'absence d'investissements réalisés et la complexité du processus avec deux instances.

2. En quoi cette privatisation n'a-t-elle pas été menée correctement ? Elle n'a fait que remplacer un monopole public par un monopole privé.

3. Quelles sont les barrières à l'entrée sur le marché du ferroviaire au Royaume-Uni, en Allemagne, en France ?

4. Peut-on proprement parler de déréglemenation dans le cas de la privatisation du rail britannique ?


3. Les privatisations

Après l'euphorie de la victoire socialiste aux élections de 1981 et des nouvelles nationalisations de 1981-1982 pour des raisons idéologiques, les échecs cuisants de la politique de relance amènent à un retour aux réalités économiques. Il apparaît que l'extension du secteur public au domaine de l'entreprise ne parvient pas à redynamiser efficacement et à des coûts acceptables l'appareil industriel. L'absence de véritables contraintes budgétaires pour l'entreprise avait conduit à des gaspillages de fonds publics sans grand souci de rentabilité : la gestion de grosses entreprises par des hommes du sérail affaiblissait donc la compétitivité tout en coûtant cher aux contribuables.

 

La planification de la production en question

Les privatisations menées en 1986, puis en 1993 et entreprises plus timidement aujourd'hui (privatisations partielles qui laissent une majorité à l'État ou une "golden share" de contrôle) vont permettre de réintroduire des critères de rentabilité et d'efficacité économique dans la gestion des entreprises tout en permettant à l'État de récupérer les produits de la vente de ses entreprises.