Infrastructures à vendre


Réseau routier

En l'absence d'État, les routes nationales et les autoroutes, qui ne correspondent pas à la définition technique des biens publics (non-rivalité et non-excluabilité), seraient privées et financées par des péages. Plusieurs méthodes de perception sont concevables, de la guérite usuelle à un abonnement périodique en passant par des émetteurs télémétriques fournis aux abonnés et qui enregistrent automatiquement leurs passages pour facturation périodique.

Rues

Des sociétés privées propriétaires des rues auraient intérêt à en garantir la bonne tenue. Si toutes les voies publiques des grandes villes étaient privatisées, la sécurité serait mieux assurée.

Les rues privées de Sea Gate

Pierre Lemieux in L'anarcho-capitalisme : "Les rues et les places publiques se prêtent à des formules diverses de production privée sur le marché. Le constructeur d'un développement immobilier pourrait construire des rues et les vendre en copropriété avec les propriétés riveraines. L'acheteur d'une maison paierait un loyer périodique pour l'usage de la rue qui serait prévu au contrat d'achat exactement comme les parties à une copropriété financent actuellement les services communs. Les copropriétaires de la rue l'administreraient selon la formule et les conditions prévues au contrat. Certaines rues pourraient aussi appartenir à un propriétaire non-résident qui en louerait l'usage aux riverains (ou à tout autre locataire intéressé et acceptable). Mieux la rue serait entretenue, mieux elle répondrait aux désirs de sa clientèle, plus grande serait la valeur des loyers qu'en retirerait le propriétaire. Si celui-ci n'administrait pas sa rue de manière à maximiser la valeur des propriétés qu'elle dessert, il serait alors dans l'intérêt des riverains de l'acheter à un prix supérieur à son rendement actuel afin de l'administrer eux-mêmes ou de la revendre avec un profit.

Supposons par exemple que vous possédez un commerce et que des prostituées vous demandent de leur vendre le droit de faire le pied de grue devant chez vous. Vous acceptez ou refusez suivant que le montant qu'elles vous offrent est ou non supérieur aux pertes commerciales causées par la réduction de quelques clients et à la réduction conséquente de la valeur de votre propriété (vos sentiments moraux et coûts psychologiques étant pris en considération). Si les filles de joie, en fonction de leur classe et de la nature de votre clientèle, attiraient au contraire de nouveaux clients, c'est vous qui seriez prêt à les payer pour qu'elles raccolent devant chez vous. Et si votre voisin n'est pas d'accord avec votre décision, c'était à lui de choisir une propriété sertie d'un droit de regard sur l'usage de la rue ou grevée de règlements interdisant les activités non désirées ; ou bien il peut surenchérir pour vous persuader de lui céder votre droit d'acceuillir ce genre d'activités. Chacun utilisant la route des autres pas de droit de passage mais des réglementations."

Les fonctions régaliennes seraient assurées par des compagnies d'assurance dont les fonctions sont décrites dans ce qui suit :

Police

Murray Rothbard : "Ces fonctions régaliennes ne sont pas des notions abstraites, mais se décomposent en une série de services précis que l'État rend plus ou moins bien. Les différents aspects d'un service de police pourraient fort bien être confiés à des entreprises privées qui auraient intérêt à satisfaire et respecter les clients. Dans une société libertarienne, les services de police seraient très probablement rendus par les compagnies d'assurances ; celles-ci auraient avantage à limiter le crime et le vol, plus que n'en a la police actuelle, et elles inclueraient le coût de ce service dans la prime d'assurance. La concurrence entre sociétés d'assurances et de police contribuerait à l'amélioration générale de la sécurité. Les conflits sont possibles entre polices privées, mais ils ne seront pas aussi violents que les conflits entre États."

Morris & Linda Tannehill : "Les compagnies d'assurances, qui ont des intérêts tangibles dans la lutte contre le crime, se lanceraient à l'assaut du marché de la sécurité. Elles commercialiseraient des polices d'assurance agression, ce qui les inciterait à poursuivre les coupables pour les forcer à rembourser les dommages assurés. Les services de sécurité se présenteraient généralement sous forme d'assurance, c'est à dire d'une garantie de service pour une prime périodique décidée à l'avance. Dans les lieux publics comme les rues ou les immeubles commerciaux , l'individu sera sous la protection de l'agence embauchée par le propriétaire privé du lieu en question, qui a tout intérêt, s'il veut conserver sa clientèle, à la bien protéger. Bref, chez lui, un individu est couvert par ses propres arrangements de protection ; ailleurs il est protégé par son hôte. Dans certaines situations d'urgence, l'agence de police capable d'intervenir ne sera pas celle à qui revient la responsabilité contractuelle de la sécurité de l'agressé: un agent de police Z au service du propriétaire de la rue qui borde votre propriété, est témoin de l'effraction de votre demeure. Le propriétaire de la rue veut donner un bon service à ses clients riverains, sinon la valeur des propriétés baissera et la rue se louera au rabais. Peut-être même votre contrat d'usage de la rue prévoira-t-il ce genre d'assistance d'urgence. Si l'individu (ou sa propriété) victimes d'agression n'est abonné à aucune agence de protection ou que son agence soit inconnue à l'agent témoin du crime, celui-ci trouvera quand même généralement dans son intérêt d'intervenir. Il peut vouloir préserver la paix dans le quartier parce que c'est pour cela que ses services sont retenus. Ou bien, il fera comme les médecins et les hôpitaux en cas d'urgence ! Il prendra le risque de s'occuper de vous et vous enverra une facture par la suite. Si la plupart des pauvres réussissent aujourd'hui à s'offrir des automobiles et des téléviseurs, pourquoi ne pourraient ils pas se payer de meilleurs services de police avec les impôts qui leurs sont présentement soutirés pour financer la police publique ? La concurrence entre les agences de police entraînerait une amélioration de la sécurité publique. D'une part, les guerres interétatiques actuelles sont bien plus menaçantes et dévastatrices que de possibles escarmouches entre agences privées. D'autre part comme il n'est pas dans l'intérêt des agences privées de protection de livrer bataille pour un oui ou pour un non, elles essaieraient généralement de s'entendre, de faire établir leur droit soit par les tribunaux civils soit par les cours pénales."

police privée

Henri Lepage : "Lorsqu'un incendie ruine une demeure, il existe des assurances contre ce genre d'accident. Pourquoi n'existerait-il pas des assurances pour frais d'intervention des pompiers ? À partir du moment où quelqu'un serait contraint de payer les services des pompiers, et non plus le contribuable anonyme, réapparaît une sanction du marché : les compagnies d'assurance auront un intérêt personnel à veiller à ce que les firmes de lutte contre les incendies fonctionnent le plus efficacement possible. Pour arriver à ce résultat, elles n'hésiteront pas à faire jouer la concurrence, en imposant par exemple des sur-primes aux localités où les entreprises de pompiers seraient les moins efficaces; ce qui devrait inciter les citoyens de ces localités à changer de "fournisseur". Et si l'on considère que de telles assurances sont trop onéreuses pour les économiquement faibles, les municipalités ont toujours la possibilit‚ d'offrir à ceux-ci une couverture gratuite."

Justice

Murray Rothbard : "La société libertarienne serait un peu désordonnée, mais moins dangereuse que le monde actuel, régulé par les gouvernements. De plus, dans une société libertarienne, les compagnies privées auraient intérêt à limiter les conflits - mauvais pour les affaires - , alors que les États ont intérêt à prolonger les guerres, qui renforcent leur pouvoir et leur prestige. D'ailleurs le développement spontané de l'arbitrage privé démontre que les forces du marché ont commencé à réduire le champ de la justice d'Etat. Si la violation des droits n'est pas aisément évaluable en argent, j'ai été battu ou tué, moi et mes ayants droits obtiendront une réparation et un châtiment proportionnel‚ (oeil pour oeil, peine de mort), mais le criminel pourra racheter sa peine si la victime y consent, avec un montant d'argent ou un certain nombre d'années au service de la victime comme esclave."

Pierre Lemieux : "Tout individu possède le droit non seulement de se défendre mais d'imposer à l'agresseur réparation et le punir. Tout individu a le droit de se faire justice (voire de faire justice à autrui) ou de retenir les services d'un tiers pour ce faire, mais l'exercice de ce droit comporte des risques. On est mauvais juge dans sa propre cause et la victime d'un crime ou son agence de protection a intérêt à s'en remettre au jugement d'un tribunal indépendant et impartial. Si notre verdict se révélait erroné ou que la peine imposée ait été disproportionnée, le justicier serait lui-même accusé d'agression criminelle. Une demande de tribunaux judiciaires se manifesterait donc sur le marché, à laquelle répondrait des agences privées, exactement comme dans le domaine de l'arbitrage civil et de la protection policière. Comme toute entreprise privée, les agents judiciaires seraient en théorie financés par leurs clients (ou par des mécènes); mais on obligerait les suspects reconnus reconnus coupables à défrayer les coûts des procédures judiciaires contre eux. Certains tribunaux privés offriraient leurs services à des abonnés réguliers, parmi lesquels figureraient des agences de police préférant référer automatiquement à un tribunal tout conflit impliquant un de leurs clients. Si la victime est décédée ou incapable d'agir, ses ayants droits ou ses agents la remplaceront. L'accusé est avisé des poursuites engagées contre lui et invité à se présenter à son procès pour se défendre. Mais il n'est pas forcé‚ de comparaître. A l'issue du premier procès, ou l'accusé est acquitté, comme l'accusateur n'a pu obtenir de condamnation devant le tribunal qu'il avait lui-même choisi, justice est faite et l'accusé est libre. Ou bien il est coupable et condamné à subir une peine qui comprend à la fois la réparation du tort causé et un châtiment pour avoir violé les droits d'autrui. Si le condamné accepte le jugement et la peine, aucun problème, sinon il portera appel devant le tribunal de son choix. Selon le contrat de protection souscrit par l'accusé, il se peut que ce soit son agence de police qui s'occupe de loger l'appel. Une autre possibilité est que la compagnie d'assurance responsable (ou d'assurance vie) de l'accusé doive payer une partie de la note et porte le jugement en appel. D'une manière ou d'une autre le fait de choisir un juge implique que l'on accepte à l'avance son jugement. Ici encore, au stade du procès en deuxième instance, de deux choses l'une. Ou bien l'accusé est une seconde fois condamné, cette fois-ci par un tribunal directement ou indirectement choisi par lui, et plus rien alors ne s'oppose à l'exécution du jugement. Ou bien cette cour d'appel choisie par l'accusé, renverse le premier jugement, d'où désaccord entre les deux tribunaux. A défaut de réglement entre le plaignant et l'accusé, on peut donc prévoir que les deux tribunaux en désaccord s'entendront pour porter l'affaire devant une cour d'appel, qui deviendra, aux fins du conflit en cause, le tribunal de dernière instance. Il est même probable que les agences judiciaires stipuleraient à l'avance un tel recours dans leurs contrats de service. "

Même si la plupart des gens respectent le droit naturel, certains passeront outre. Il existe présentement aux USA des milliers d'arbitres privés auxquels les parties à un contrat peuvent librement recourir pour régler un litige, et pareil recours est souvent prévu à l'avance dans les contrats. Comment exécuter les sentences d'arbitres privés sans la force publique ? Dans le droit des marchands du Moyen-Age (comme dans celui des anciens Irlandais), il semble que la crainte des sanctions sociales, non coercitives mais très contraignantes, de l'ostracisme et du boycottage commercial suffisait à assurer le respect des jugements. Un marchand qui ne se pliait pas à la décision de l'arbitre agrée était mis au ban de la communauté des marchands.

Approfondissement : l'arbitrage

L'arbitrage dans le monde des affaires relève d'une « justice privée » établie par ceux qui ont la volonté de résoudre les litiges qui ne manquent pas de naître dans le commerce international : « Faisant appel à des personnes privées, il repose sur des notions de confidentialité, de qualité et de neutralité. Les parties se sentent mieux écoutées par les arbitres que par la justice publique et peuvent choisir les règles applicables à leur litige » [1].
En matière de relations internationales, en particulier dans le domaine des affaires, il est très difficile de mettre à exécution un jugement étatique dans un autre pays. Par contre, la convention de New York de 1958 garantit la reconnaissance et l'exécution des décisions arbitrales. Ainsi, ce mode de résolution des litiges est reconnu par les 140 pays qui ont signé la convention. Les relations économiques étant de plus en plus transnationales, alors que les missions de l'Etat n'ont de prise qu'à l'intérieur de son territoire national, les acteurs du commerce international ont dû développer des pratiques de justice plus adaptées à l'espace de leur rayonnement. Par ailleurs, les décisions de l'arbitrage sont généralement ressenties comme un compromis - un accord résultant d'une négociation - alors que celles de la justice publique sont souvent vécues comme une sanction. Or la pratique des affaires, même si elle ne manque pas de faire apparaitre des litiges, repose avant tout sur l'art de la négociation plutôt que sur le conflit permanent, peu propice à la confiance et à l'épanouissement des activités économiques.

[1] Le Nouvel Economiste n°1470, cahier n°2 du 2 au 8 avril 2009, page 35.

Jean-Louis CACCOMO, le 2 juin 2009

Défense

Murray Rothbard : " Une société libertarienne ne menace personne, ce qui réduit les risques de conflit. Si un conflit éclatait malgré tout, il appartiendrait aux consommateurs de financer leur protection. Là encore, la concurrence entre systèmes de défense privés améliorera la qualité. Et en cas d'invasion, une nation de propriétaires livrerait à l'ennemi une guérilla sans merci. Les affrontements entre polices privées seraient rares à cause de leur intérêt matériel à régler pacifiquement les conflits. Et les affrontements armés seraient nécessairement plus localisés et moins destructifs que les guerres interétatiques. Contrairement à l'Etat, une agence de sécurité privée ne jouirait d'aucun droit reconnu d'entraîner ses clients ou d'autres tiers innocents dans un conflit qui l'oppose à une autre agence. Pour conserver sa clientèle et s'assurer la collaboration des témoins dans ses enquêtes et procès, une agence privée devrait maintenir une réputation au-dessus de tout soupçon. Personne ne reconnaîtrait les arrêts d'un juge réputé corrompu, ce qui lui enlèverait toute utilité pour ses clients. Enfin, dans une société anarcho-capitaliste, une bande de hors la loi ne pourrait prendre le pouvoir comme on le fait maintenant en s'emparant de l'appareil d'Etat : la décentralisation du pouvoir policier et judiciaire offrirait un vrai système de contrôles et de contrepoids (checks & balances). Supposons qu'une agence de sécurit‚ hors la loi finisse par obtenir un monopole de facto de la force, qu'elle devienne l'Etat. C'est la pire chose qui puisse arriver : un retour à l'Etat, à la situation actuelle. Nous avons donc tout à gagner et rien à perdre à tenter l'expérience de l'anarcho-capitalisme."

Pierre Lemieux : " La défense nationale se télescope dans la protection policière: l'agence dont vous avez retenu les services devra normalement nous protéger contre toute agression d'où qu'elle vienne, y compris de la part de bandits internationaux organisés en Etats. Une armée privée ne fera d'efforts pour défendre la propriété d'un non-client que dans la mesure où cela sert à tenir l'ennemi à distance. Sauf si elle représente un intérêt stratégique particulier, rien ne garantit qu'elle sera protégée d'une manière qui serve les intérêts du propriétaire : une fois le combat engagé entre l'envahisseur et l'agence de protection du voisin, le passager clandestin pourrait bien constater que sa propriété n'est défendue que comme champ de bataille pour repousser l'ennemi. Chaque individu devra donc peser les risques de n'être pas ou d'être mal protégé contre le coût d'adhésion (peut être par l'intermédiaire de son agence de police) à une association de défense nationale. Un conquérant hypothétique reculerait devant la tâche de maîtriser une société qui ne gratifierait son occupant d'aucune structure établie de gouvernement et où s'opposeraient à lui, dans une insoutenable guérilla, un grand nombre d'agences de police et d'individus armés jusqu'aux dents et habitués à se défendre."

 

Questions

1. Peut-on considérer que les routes sont des biens collectifs ?
Non car il est possible d'en faire payer l'accès et car le réseau routier saturé représente une gêne pour ses utilisateurs.

2. Quels sont les avantages et les inconvénients des rues privées.
L'inconvénient souvent évoqué est relatif au coût de transactions des péages, mais ceux-ci ne sont pas nécessaires - car chacun emprunte les rues des autres, par contre l'accès à des rues privées implique le respect de réglementations.

3. Comment le criminel ou le voleur peuvent-ils se racheter, pensez-vous que cela est plus dissuasif que la justice actuelle ?
Note : c'est un peu ce qui se passe quand une personne doit rembourser une somme par saisie-arrêt sur salaire.

4. La satisfation des victimes est-elle mieux assurée dans la société étatique ou dans la société libertarienne, expliquez.

5. Qui assurerait les services de police si ce n'était pas l'État ? Y aurait-il un intérêt à retrouver les délinquants ?