Les fondements de l'intervention de l'État
I. Le principe de subsidiarité
On pourra comprendre le principe de subsiduarité à travers un devoir sur table.
A. Les bases de la répartition des rôles entre la société civile et la société politique
La subsidiarité part des droits naturels de l’individu dont l’autonomie de la volonté et donc « l’aptitude de chacun à gouverner sa propre vie, la souveraineté de sa personne ». L’échelon supérieur n’intervient qu’en cas de défaillance, mais temporairement afin de permettre à l’échelon inférieur d’acquérir les moyens de sa compétence. Le principe de subsidiarité détermine donc des échelons de compétence : « l’Etat, c'est -à-dire la société politique, ne doit faire que ce que les particuliers et les associations secondaire, c'est-à-dire la société civile, ne peuvent faire. Si l’on sort de ce principe, on entre dans le socialisme d’Etat. » selon Jean-Yves Naudet dans "société et subsidiarité".
Effectivement le socialisme n’est pas favorable au principe de subsidiarité puisqu'il postule les limites de l’individu supposé indécis et fuyant ses responsabilité ou encore conditionné par la société et non libre de ses choix : pour les socialistes l’Etat doit donc intervenir pour protéger l'individu contre lui-même.
Par contre le libéralisme, en tant qu'humanisme fait confiance en l'individu. la main invisible énonce que la société est tout à fait capable de se conduire toute seule au bien commun. Donc l’échelon de base, la société civile, est compétente pour satisfaire ses besoins, le principe de subsidiarité ne justifie pas l’existence d’un échelon supérieur, la société politique.
La société civile, un mode d'organisation concurrent de l'Etat
B. L'État minimum
1. L'État gendarme
Raymond Bourgine résume les principes libéraux fondant les prérogatives de l'individu et ceux de l'État. "Chaque personne possède certains droits. Il s'agit là de droits naturels dont la raison fournit la liste. La vie, la liberté, la poursuite du bonheur figurent parmi les droits irrécusables que les hommes,égaux du point de vue juridique, ont reçu en partage. C'est par une institution de la nature que les hommes recherchent, d'abord, et de préférence à toute autre finalité, leur propre intérêt. L'homme jouit d'une capacité innée de prendre des décisions rationnelles et réfléchies dans les domaines majeurs de l'existence. Il a, en conséquence, un droit inaliénable à mener une existence indépendante, où il décide seul et en dernier ressort pour lui-même. Il n'est donc d'autorité légitime que celle qui émane du consentement des gouvernés. A côté de la liberté individuelle et de la rationnalité, le contrat est l'institution clef de la pensée libérale. ll n'y a pas, en effet, pour des individus libres, rationnels et susceptibles de s'informer, d'autres moyens de traiter les uns avec les autres que le contrat. Parmi toutes les formes de gouvernement, celle-là sera libérale qui permettra le contrôle et la participation des gouvernés au gouvernement."
" L'unique objectif pour lequel le gouvernement a été établi est la préservation des droits naturels. Il a pour seule activité légitime la conservation de ces droits." C'est bien dans ce sens que s'exprimair Lord Melbourne, Premier ministre de la Reine Victoria, qui disait : « Le premier devoir du gouvernement est d’empêcher le crime et d’assurer l'exécution des contrats. »
Ainsi,
il faudrait effectivement faire intervenir l'institution détenant le
monopole de la violence "légitime" selon la définition
de Max Weber, pour qu'une violence légitime s'exerce à l'encontre
de ceux qui portent atteinte aux droits naturels d'autrui. L'État
se trouve alors justifié dans ses fonctions régaliennes :
armée, pour défendre le territoire contre des envahisseurs éventuels
;
police, pour le maintien de l'ordre, la protection vis-à-vis de ceux
qui attentent aux droits naturels ;
justice pour régler les conflits, sanctionner les atteintes à la vie, à la propriété, au respect des contrats.
Le financement de l'État gendarme - celui qui assure les fonctions régaliennes - justifie également la perception d'impôts afin de financer ces tâches.
2. La question des biens collectifs
L'impôt est aussi nécessaire pour Adam Smith afin
de permettre la construction d'infrastructures telles que les routes, les ponts,
... dans la mesure où nul entrepreneur privé n'auraît intérêt
à les prendre en charge. Ainsi les infrastructures auraient de commun
avec les fonctions régaliennes de l'État de constituer des biens
collectifs dont les caractéristiques définies par Paul Samuelson
sont :
non-excluabilité dans le sens où l'on ne peut en exclure du bénéfice ceux qui n'en paient pas le prix, la défense est aussi un bien collectif car elle est produite " globalement " pour tous les habitants d'un pays, on ne peut la réserver à quelques-uns d'entre eux seulement ;
non-rivalité dans le sens où la consommation des uns ne diminue pas la consommation des autres. Ainsi, l'éclairage public peut être apprécié par un nombre très élevé (sinon infini) de personnes sans qu'aucune d'entre elles en souffre.
Ces caractéristiques rendent le bien et service public non marchand. Car, les informations indispensables au fonctionnement d'un marché n'existent pas, ou seraient trop onéreuses. En particulier, on ne peut pas identifier les consommateurs de biens publics, donc on ne peut pas les faire payer. A l'inverse, on ne voit pas pourquoi un consommateur paierait pour un bien public dont il peut disposer sans bourse délier. C'est l'argument du " passager clandestin ". Dans ces conditions, aucun entrepreneur marchand ne tenterait la production d'un tel bien qui ne serait payé par personne et qu'il devrait fournir à tous.
Leçon sur les biens collectifs de Philippe Simonnot
C. La société sans l'État
1. L'utopie de l'État minimum
Un État limité aux fonctions régaliennes n'existe plus actuellement, il a pû correspondre à l'État américain du début du dix-huitième siècle, mais cet État n'est pas resté arbitre bien longtemps. Les analyses du Public Choice nous montrent que ce que nous appelons État est un ensemble d'hommes poursuivant leurs intérêts propres et recherchant des moyens d'augmenter leurs prérogatives. Une vision très différente de celle des partisans de l'État limité qui défendent l'idéal d'un État au-dessus de la mêlée qui ne prendrait pas parti ni ne ferait étalage de sa puissance, mais qui trancherait avec impartialité entre les différentes factions de la société.
En réalité quelle raison les hommes de l'État auraient-ils de se comporter ainsi ? Etant donné leur pouvoir sans contrepoids, ils agiront de manière à maximiser leur pouvoir et leur richesse et par conséquent, dépasseront inévitablement leurs prétendues "limites". Ce qui est important, c'est que l'utopie de l'État limité ne fournit aucun mécanisme institutionnel pour contenir l'État à l'intérieur de ces limites. À partir du moment où vous admettez que l’État, en tant que monopoleur territorial doté d’un pouvoir de taxation et apte à prendre les décisions ultimes, est quelque chose de nécessaire, vous n’avez aucun moyen de limiter son pouvoir pour qu’il reste un État minimal. En présumant simplement que les dirigeants ont tendance à promouvoir leurs propres intérêts, on constate que tout État minimal a tendance à devenir un État maximal, nonobstant les dispositions constitutionnelles qui s’y opposent. Après tout, comme l'expose Hans-Hermann Hoppe : "la constitution doit être interprétée, et elle l’est par que ce soit par Cour suprême ou un conseil constitutionnel, c’est-à-dire par une branche du même gouvernement dont c’est dans l’intérêt d’élargir le pouvoir de l’État, et par le fait même son propre pouvoir."
2. L'État zéro
Les Libertariens remettent donc en cause l'État-gendarme en considérant que la société politique empiétera nécesairement sur les fonctions de la société civile en refusant d'honorer le principe de subsidiarité. A ce principe adopté par les Sociaux-démocrates dans le Programme de Bad Godesberg : "autant de marché que possible, autant d'État que nécessaire," les Libertariens répondent que l'État zéro est possible car la société civile est capable d'assurer toutes les fonctions nécessaires à la vie sociale, y compris les fonctions régaliennes.
Ceci implique donc qu'au monopole de la violence légitime se substituent des agences de sécurité privées en concurrence. Pierre Lemieux va dans ce sens en montrant que les services publics régaliens sont injustes et inefficaces. "Le divorce entre les paiements soutirés et les services rendus donne aux services étatiques l'apparence de la gratuité : celui qui obtient des patrouilles policières plus régulières dans sa rue ne voit pas ses impôts augmenter d'autant. On a ainsi intérêt à exagérer ses besoins de services publics, dont les coûts sont répartis sur l'ensemble des contribuables. Il s'ensuit une pénurie chronique des services étatiques de sécurité, l'offre ne satisfait pas à la demande avec la conséquence usuelle que l'État doit imposer un rationnement arbitraire. Certaines personnes sont bien protégées, d'autres mal, et peu d'individus reçoivent la sécurité que chacun serait prêt à payer librement. La sécurité est un bien excluable : la police payée par moi ne serait pas obligée de protéger mon passager clandestin. Il est vrai que la présence de la police exerce un effet dissuasif qui participe de la notion de bien public. Mais la même dissuasion est produite si des individus s'arment pour défendre leur maison ou se baladent armés dans la rue."
D'ailleurs la question de la légitimité des biens collectifs se pose, la notion de bien collectif fut prétexte au financement et au monopole de prestation desdits biens par l'État. Mais d'une part le financement de ces biens par l'État ne justifie pas que les seules entreprises à les proposer soient publiques, d'autre part l'évolution des technologies ne permet pas de considérer que les catégories de biens rentrant dans la définition de biens collectifs soient immuables. Le peer to peer transforme films et musiques en biens collectifs puisqu'ils devient impossible d'en exclure ceux qui en profitent sans les payer, est-il pour autant question transformer les artistes en fonctionnaires ?
Murray Rothbard, de façon convaincante, va même expliquer que la définition des biens collectifs ne correspond en réalité à aucun bien existant. "Même un feu d'artifice n'est plus un bien public dès lors que les spectateurs se marchent sur les pieds. En fait, nous pouvons affirmer qu'aucun bien ne satisfait la catégorie samuelsonienne des "biens de consommation collective". Les choix concrets révèlent ou démentent les préférences d'une personne. Ainsi, on ne peut affirmer scientifiquement que tel individu désirerait consommer ou financer tel bien collectif alors que son comportement démontre le contraire. Donc, rien ne nous permet d'affirmer l'existence de biens collectifs dont les consommateurs obtiendraient une quantité suboptimale. Les préférences‚ tant subjectives et exclusivement révélées par les choix concrets de l'individu, rien ne nous permet d'affirmer qu'un consommateur est prêt à payer pour un bien qu'il ne finance pas effectivement. Le déséquilibre créateur du marché et de la civilisation engendrent toutes sortes d'externalités dont l'internalisation, quand elle est possible, ne peut être efficacement réalisée que par les individus sur le marché et par les entrepreneurs qui parient sur des demandes insatisfaites. Les biens publics sont soit impossibles soit anodins."
II. Au nom de l'intérêt général
Considérer qu'il existe un intérêt général qui ne serait pas la somme des intérêts particuliers nous éloigne du concept de subsidiarité.
A la recherche de l'intérêt général
L'État est conçu par les interventionnistes comme seul capable de réaliser cet intérêt général, ce qui lui confère des fonctions quasiment mythique que la base ne saurait remettre en cause. Ces fonctions, au nombre de trois ont été définies par le keynésien Richard Musgrave :
A. La fonction d'allocation
1. Au-delà de l'État régalien, de nouveaux champs d'intervention
Les interventionnistes keynésiens se distinguent des libéraux de part leur volonté de repousser les limites du champ de compétence de l'État au-delà des fonctions régaliennes. Musgrave va d'ailleurs considérer que la fonction d'allocation recouvre les missions de justice, police et défense mais aussi la prise en charge des infrastructures de réseau tels que les chemins de fer, les réseaux électriques, téléphoniques pour lesquels les coûts marginaux décroissants conduiraient nécessairement au monopole, ce que pourtant la réalité ne nous montre pas avec l'ouverture à la concurrence de la téléfonie en France. Enfin, nous en revenons à la question des biens collectifs et plus largement à celle des externalités qui impliquerait notamment la mise sous tutelle de la santé et de l'éducation.
2. Les biens tutélaires
Comme nous l'avons vu un bien collectif est aussi non excluable et Musgrave suppose ici l'existence du passager clandestin, celui qui profite et refuse de payer en sous-évaluant le prix qu'il serait prêt à payer pour que la collectivité propose le bien. L'État doit donc financer par l'impôt ce bien pour qu'il existe, il ne sait pas si ce bien est vraiment désiré car il suppose effectivement que tous vont en sous-estimer le besoin que ce bien satisferait, donc l'État va lui même décider de ce qu'est ce besoin pour la collectivité.
À partir de la caractéristique de non-rivalité des biens collectifs, on montre que des biens peuvent avoir des effets positifs sur ceux qui n'en ont pas payé le prix, ces tiers qui profitent d'un contrat qu'ils n'ont pas signé, profitent donc d'effets externes (au contrat) positifs. Par extension, une externalité (ou effet externe) ce sont les conséquences d'une activité d'un agent sur d'autres agents, conséquences qui peuvent être importantes alors que celles-ci n'étaient pas voulues et n'ont donc pas fait l'objet d'une transaction. Mais les externalités peuvent aussi être négatives : la fumée de cigarette dont "profitent" ceux qui ne l'ont pas payé, mais surtout l'exemple le plus connu en est la pollution. Ainsi que l'expose Arthur Pigou, dans le cas d'effets externes négatif, le coût social de l'activité est supérieur au coût privé (et vice versa dans le cas d'effets externes positifs), l'État pourrait donc intervenir en faisant que le coût social et le coût privé s'égalisent (taxer les activités donnant lieu à des externalités négatives, subventionner celles donnant lieu à des externalités positives). Ce qui suppose aussi une bonne connaissance du coût social par l'État et son contrôle, outre le cas de la pollution, sur des biens tutélaires.
Tout est-il externalité positive ?
Avec les externalités l'État se substitue à l'expression individuelle du besoin, considérant que les conséquence des consommations individuelles sont mal appréhendées. Ainsi en citant deux biens tutélaires aux externalités opposées : le tabac et l'éducation, l'Etat devrait en contrôler l'usage par des taxes, des normes ou des mesures telles que scolarité gratuite et obligatoire. Cette notion de biens tutélaires autorise toute forme de subventions et de contrôles, comme nous y avons fait référence le piratage sur Internet fait que le coût privé d'obtention d'un CD baisse, alors que le coût public se traduit par des ventes en baisse, des emplois perdus, la non excluabilité doit-elle mener à l'étatisation de toute la production artistique et son financement par l'impôt ? L'État ne risque-t-il pas alors d'imposer ses préférences artistiques tout comme il subventionne l'Opéra, spectacle à externalité positive pour la société car vecteur de culture.
L'État entend déterminer ce qui nous est utile + dissertation sur ce même sujet
Guy Sorman : "L'État est devenu insupportable non seulement parce qu'il est coûteux mais aussi parce qu'il impose des consommations obligatoires financées par l'impôt. Si la protection sociale en est l'aspect le plus courant, les exemples abondent, en apparence si modestes qu'ils réussissent à échapper à toute critique. Ainsi, dans la vie locale, chacun d'entre nous connaît de ces équipements vaguement socioculturels, dont la charge financière est imposée à tous y compris aux plus pauvres, alors qu'une minorité infinitésimale les fréquente. Nous sommes là dans un cas de figure plus général qu'on ne le croît, où la liberté de choix n'est pas respectée." |
3. La mission de service public
Le marché ne satisfait qu'une demande solvable dans l'objectif de réalisation d'un profit. Ceci suppose que des services essentiels non rentables ne soient pas pris en charge par le marché. Il ne s'agirait pas là seulement de fourniture de biens collectifs mais de services sociaux auquel les usagers peuvent avoir recours de façon gratuite ou quasi-gratuite (en réglant moins de 50 % de leur coût de revient) aux frais des contribuables. Le service public rejoint là le principe de justice sociale et fait primer la notion d'intérêt général y compris sur les libertés individuelles.
L'ordre public contre les libertés fondamentales
B. La fonction de redistribution
La redistribution marque une échelon supplémentaire dans la volonté d'intervention de l'État. L'État-gendarme devient alors État-Providence puisqu'il s'agit désormais de décider des revenus de chacun, de créer des droits sociaux dont vont logiquement découler la création de systèmes de protection sociale et de nouvelles institutions.
1. L'assurance sociale
Traditionnellement les fonctions d'assistance sociale ont été réservées à des organisations charitables, à des fondations ou encore au clergé. Elles se limitaient à la prise en charge des nécessiteux de façon temporaire ou permanente suivant l'ampleur de leur détresse et leur capacité de s'en sortir. Le développement du salariat va coïncider avec de nouvelles formes d'assurance sociale basées sur le volontariat, qu'il s'agisse d'assurance une prévoyance individuelle avec la constitution d'épargne de précaution ou de mettre en place une protection collective avec mutualisation des risques avec par exemple la constitution de tontines ouvrières ou la prise en charge des risques par des institutions patronales.
Mais à la fin du XIXème siècle, il est question d'abord dans l'Allemagne de Bismarck de rendre obligatoire et monopoliste un système d'assurance sociale piloté par les pouvoirs publics, réservé aux salariés et financé par leurs cotisation. La capacité de percevoir des revenus de transfert va ici dépendre des cotisations déjà versées.
Le terme Welfare State, traduit par État-Providence va apparaître
au Royaume-Uni en 1942 sous la plume de William Beveridge dans son rapport «
Social Insurance and Allied Services ». Il y généralise un système
d'assurances sociales financé par l'impôt et s'adressant non seulement
aux salariés et aux pauvres, mais à l'ensemble de la population.
La protection sociale est étatisée et passe là véritablement
dans les mains d'une grande machinerie sociale, Beveridge la veut :
généralisée
: chacun des nationaux se voit doté de la garantie d'attendre du reste
de la communauté la satisfaction de ses besoins minimaux ;
unifiée
: une seule cotisation est nécessaire pour accéder aux différentes prestations
;
uniforme
: les prestations sociales sont les mêmes pour tous ;
centralisé
: le système est géré par un organisme public unique ;
global : le système regroupe l'ensemble des aides et des assurances.
Le système français de Sécurité sociale initié par le juriste Pierre Laroque en 1945 va s'inspirer simultanément des conceptions bismarkienne et beveridgienne. Il emprunte au modèle allemand la logique d'assurance pour le régime d'assurance-chômage et au modèle britannique sa logique universelle tout en tendant de plus en plus vers ce dernier modèle avec notamment la création de la CMU qui relève de l'assistance, et la fiscalisation toujours plus poussée de la protection sociale devant l'incapacité des cotisations d'en financer le fardeau. Quant au régime de répartition concernant l'assurance-vieillesse il ne s'agit là ni d'une logique d'assurance (comme le serait le régime de capitalisation), ni d'une logique d'assistance puisque la répartition repose sur la "solidarité" des générations futures vis-à-vis des générations actuelles. En effet, les actifs ne cotisent pas pour se payer leur propre retraite, mais pour payer les retraites en cours en espérant que les générations suivantes pourront payer les retraites des futurs retraités. Plus généralement l'objectif de la Sécurité sociale française est d'assurer une redistribution des revenus au profit des familles nombreuses, des demandeurs d’emplois, des retraités, des malades payée par les cotisations des salariés et des employeurs.
2. Des prestations universelles
L'évolution d'une logique d'assurance à une logique universelle va dans le sens d'une volonté de prise en charge publique de la précarité mais également vers la détermination de besoins dont la satisfaction est considérée comme un droit : droit à l'éducation, droit au travail, droit au logement.
On peut aussi classer dans cette catégorie les allocations familiales, assurées à tous à partir de deux enfants et sans considération des ressources familiales, il s'agit en réalité d'une mesure nataliste voulue par l'Etat, celui ci voulant encourager les familles nombreuses en prenant à sa charge une partie du coût d'entretien des enfants. Ces prestations universelles sont considérées comme des droits, ici notamment droit des familles nombreuses payé par les célibataire, couple sans enfant et monopare.
À propos de tels droits à prestation Murray Rothbard dira : "Des droits individuels qui inclueraient les revendications de certains individus contre d'autres individus ne pourraient être égaux : par exemple, le droit au travail de certains impose à d'autres l'obligation de leur fournir du travail. Le droit naturel n'impose qu'une obligation négative, celle de ne pas interférer coercitivement avec la jouissance de la liberté égale des autres. De cela s'ensuit qu'il ne saurait exister d'obligation légale d'assistance à autrui. Pareille obligation viole les droits de celui qui est forcé d'utiliser sa personne ou sa propriété au service de quelqu'un d'autre. C'est une forme de conscription, c'est à dire d'esclavage." Ces droits sont aussi ce que Philippe Simonnot appelle les faux-droits
3. Réduire les écarts de revenus
Les revenus primaires, rémunérations du travail et du capital vont subir l'influence des réglementations avec l'instauration de minima sociaux et d'une législation du travail entre les mains des partenaires sociaux (en clair des syndicats). Les prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales)et les allocations vont ensuite déterminer les revenus disponibles de la population déconnectant l'activité du revenu et plus généralement la situation la situation patrimoniale de l'utilité sociale.
L’impôt redistributif par excellence est l’IRPP que seul un ménage français sur deux paie. Cet impôt permet une redistribution horizontale par le système du quotient familial qui pèse plus lourdement sur les ménages sans enfants que les ménages avec enfants. Il permet également une redistribution verticale par le système du découpage du revenu en tranches : plus le ménage gagne d’argent plus son taux d’imposition augmente (au contraire d’une flat tax qui n’a pas d’effet redistributif). Mais attention, toutes les prestations n'atténuent pas les inégalités notamment les allocations retraites qui profitent à ceux dont les salaires étaient les plus élevés et qui ont la plus longue espérance de vie.
C. La fonction de stabilisation
L'économie est conçue comme un avion dont les hommes de l'État seraient au poste de pilotage. Il faut alors supposer que les mécanismes de marché sont déficients pour que de vertueux hommes de l'État prennent les mesures capables d'assurer le plein emploi et, à titre annexe, la stabilisation des prix. En effet, John Maynard Keynes repousse la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say d'après laquelle toute offre créé nécessairement sa demande, il croit au contraire que les crises de surproduction sont possibles et vont échauder les entreprises menant à une crise déflationniste au cours de laquelle les entreprises réduiront drastiquement leurs investissements et licencieront réduisant d'autant plus leur débouchés dans la mesure où la hausse du chômage déprime la consommation et alimente l'épargne de précaution.
Face à ce cercle vicieux de la déflation, Keynes va faire du budget et des taux d'intérêt des outils de l'intervention de l'Etat dans la vie économique et sociale. Les keynésiens soutiennent des politiques basées sur les dépenses de l'État pour soutenir la demande donc stimuler la croissance. Cet interventionnisme se fonde moralement sur la justice sociale tout en postulant l'efficacité de politiques qui stimuleraient les anticipations de la demande par les entreprises. Il passe par la mise en place de politiques économiques, lesquelles se définissent comme un ensemble de décisions publiques visant à la réalisation d'objectifs économiques à travers des instruments dont disposent les pouvoirs publics, c'est là le fameux pilotage de l'économie qui doit conduire à l'élargissement du carré magique.
Piotr Kropotkine, De la loi et de l'autorité : "Dans tous les États de ce monde, une nouvelle loi est perçue comme le seul remède à tous les maux. Au lieu d'infléchir ce qui est mauvais, le peuple commence par exiger de nouvelles lois. Si une route entre deux villages devient impraticable, alors les paysans disent :"il devrait y avoir une loi sur les routes". En cas de récession dans l'agriculture ou le commerce, le père de famille, l'éleveur ou l'agriculteur fulminent : "c'est des lois de protection de notre marché que nous voulons". Du plus grand commerçant au tailleur le plus modeste, il n'y en a pas un qui n'exige la protection de son commerce. Si un employeur baisse les salaires ou augmente la durée du travail, le politicien dira "nous devons créer des lois pour régler ces injustices". En fait des lois partout et pour toute chose ! Une loi sur ce qu'il convient de porter, une loi sur les chiens fous, une loi sur la vertu, une autre pour mettre fin à tous les vices qui résultent de l'indolence et de la lâcheté humaine." 1. Quels sont les moyens de l'intervention
de l'Etat ? Les lois, le monopole de la violence légitime au
service du dispositif réglementaire. |
III. L'État-entrepreneur
A Un modèle d'économie mixte
1. Les nationalisations de 1945 à 1981
Dans le contexte de l'après-guerre, la société politique française a mis la main sur des pans entiers de l'industrie, des services financiers et non-financiers afin d'orienter la production et de réaliser les objectifs du tout nouveau plan. Les communistes ont pesé de tout le poids qu'ils possédaient à l'époque pour procéder à des nationalisations dans les secteurs de l'automobile, de la sidérurgie, de la chimie, de l'électronique, de l'énergie, des transports, des télécommunications, des assurances, des banques. La propriété privée de l'outil de production n'était plus entièrement assurée et en conséquence la France n'était plus une économie capitaliste mais une économie mixte.
Réflexion : Qu'est ce que la propriété publique ? La propriété publique est un retour au tribalisme. Elle est censée appartenir à tous, mais ce qui appartient à tous n'appartient en réalité qu'à ceux qui sont chargés de la gérer, exemple des pays communistes. Ce qui appartient à tous a, en réalité été extorqué à chacun, exemple en est des nationalisations : peut-on dire que la SNCF appartienne à tous, pouvait-on dire la même chose de France Télécom et si c'était le vrai pourquoi la privatisation n'a-t-elle pas consisté à faire de chacun un actionnaire de cette compagnie, contrairement à la privatisation polonaise. Dans ce dernier cas chacun pouvait recevoir une action et la vendre, la propriété de tous implique le droit d'usus, abusus et fructus et donc à terme la propriété de quelques uns. Ce mythe de la propriété collective ne sert que les intérêts des gestionnaires publics. |
2. La planification indicative
La gestion publique d'entreprises va être intégrée dans une logique d'ensemble : les entreprises publiques devenaient un outil d'orientation de l'économie. Une planification indicative (c'est-à-dire non obligatoire contrairement aux pays communistes) sera mise en place dans le cadre de la reconstruction de la deuxième moitié des années 40, il s'agira de donner à l'État un rôle dans le développement d'un pôle automobile, énergétique et sidérurgique français.
Puis au long des 12 plans édictés depuis le plan Pons de 1945, il s'agira moins de donner des directives sectorielles sur un horizon de cinq années (plan quinquennal) que de déterminer des objectifs macroéconomiques en matière notamment de croissance et de répartition des revenus de la valeur ajoutée (politique des revenus). Ne pouvant imposer des obligations de réalisation des objectifs qu'au secteur public, l'État incitera le privé à aller dans le "bon sens" au moyen d'aides, de subventions, de contrats publics. L'influence publique sur les décisions privées deviendra cependant écrasante avec la nationalisation de tout le secteur bancaire en 1981-1982, l'État pouvant alors priver de financements vitaux les entreprises récalcitrantes.
Depuis les années 80 l'ambition planificatrice est revue à la baisse : plus de plans centralisés sur 5 ans mais des plans d'orientation sur le moyen terme, une réflexion sur des problèmes concrets, des proposition de réformes. On verra ainsi se succéder un plan gouvernemental pour les banlieues, un plan contre la violence scolaire, un plan de soutien à la filière bovine, un plan de cohésion sociale, un plan de promotion du tourisme hivernal en France, etc ...La baisse des ambitions planificatrices n'empêche pourtant pas le secteur public français de compter pour plus de 20 % des effectifs salariés et de réaliser le tiers des investissements globaux.
Réflexion : Deux logiques entre l'entreprise publique et entreprise privée Chez EDF les négociations
de 1999 ont abouti à la semaine des 32
heures avec maintien du pouvoir d’achat. Dans la logique de la réduction
du temps de travail, il a fallu qu'en compensation EDF dépense
plus de 100 millionss d''euros afin d'embaucher. Mais alors la réduction
du temps de travail cela marche vraiment pour créer des emplois
? Ah, oui, cela marche dans le public, tout est question de dirigisme et il n’y a rien de mécanique dans tout cela puisqu’il s’agit d’autorité de passer de 4 000 à 5 000 salariés en 3 ans, soit de payer 25 000 euros par salarié supplémentaire. Dans le privé cela pourrait marcher aussi, je créé une usine de tee-shirt, je décide de les vendre deux fois plus cher que la concurrence, je paie mes salariés 2 5000 euros/mois, les habille gratis et les fais travailler 1/3 de temps en moins. Mes acheteurs vont me donner 25 000 euros en plus pour chaque nouvel employé afin que je maintienne ma production. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Quoi, ça ne marchera pas ?
Bah alors il suffit de me faire nationaliser et de m’accorder un monopole
de service public. Après tout si ça ne marchait pas je serais obligé de
mettre tout le monde au chômage et le droit de se vêtir en souffrirait. Face à la concurrence une
EDF qui ne pourrait pas plonger la main dans le portefeuille du contribuable
serait perdue. D’autant que le président
d’EDF a reconnu dans les Échos que " le surcoût instantané, sur la
base du coût horaire, journalier ou mensuel d’un salarié d’EDF par rapport
à un salarié de la Lyonnaise des Eaux est peut-être de 5, 10 ou 15 % ".
|
B. Le modèle soviétique
1. Mettre fin à l'exploitation du prolétariat
Pour Marx le capitalisme est basé sur la propriété privée des moyens de production, c'est-à-dire du capital et l'exploitation des salariés par les proprétaires du capital, appelés capitalistes ou bourgeois. L'État dans la société capitaliste permettrait le maintien de cette exploitation par la garantie de la propriété privée et de l'ordre empêchant les salariés exploités, appelé le prolétariat d'exproprier les bourgeois et de créer une société sans classe à la suite d'une révolution. Avant la prise du pouvoir par les communistes, les interventions de l'État ne sont donc pas favorables à l'achèvement de la lutte des classes, au contraire puisque l'État maintient les inégalités au sein de la société et n'est rien d'autre qu'un groupement d'individus au service de la classe dominante. Sur ce dernier point d'ailleurs on peut reconnaître à Marx le mérite d'avoir démythifié la véritable nature de l'État, mais ce qui ne laisse pas d'inquiéter c'est le rôle que les Marxistes veulent donner à l'État au nom du bien-être collectif de la société.
Friedrich Hölderlin : "Ce qui fait de l'État un enfer, c'est que l'homme essaie d'en faire un paradis." 1. Qui est Hölderlin ? |
2. Le règne de l'État maximum
La réalisation du projet communiste passe théoriquement par une phase de dictature menée par un État omnipotent prenant le contrôle intégral de la société et faisant disparaître la société civile, on parle là du socialisme.
Ce que les Marxistes appelent les libertés formelles (libertés individuelles, droit de propriété) sont abolies, c'est la dictature du prolétariat. Ainsi l'interventionnisme se fonde désormais sur la conclusion de la lutte des classes par l'élimination de la bourgeoisie. L'État se fixe pour objectif l'égalité de fait entre les citoyens, la suppression du système de prix basé sur le marché donc du profit. Toutes les entreprises sont désormais entre les mains des gouvernants au nom de la propriété collective des moyens de production.
Les entreprises ne sont donc plus dirigées par la recherche du profit mais par les directives d'une planification obligatoire et centralisée conçue par la direction politique. Le plan remplace le marché et donc indique les objectifs de production à atteindre par chaque entreprise, il précisera les normes de production, les matières premières à utiliser et les entreprises chez qui elles doivent s'approvisionner ainsi que celles qui écouleront sa production. Le directeur de l'entreprise sera nommé par le parti communiste et sera responsable du respect du plan, il encourt des sanctions graves qui le pousseront à exagérer la production réalisée.
Faute d'un système de prix et de recherche du profit, le mode de production socialiste va vite s'avérer inefficace et sombrer dans les gabegies et pénuries. Lech Walesa : "le socialisme c'est quand l'État fait sembler de nous payer et que nous faisons semblant de travailler." Les marchés continueront d'y exister même de façon illégale jusqu'à reprendre leur place afin de réguler des économies désorientées.
Conclusion : Quels sont réellement les fondements de l'intervention de l'État ?
Les Marxistes prétendent que la propriété individuelle mène à l'exploitation et à la lutte des classes, qu'en conséquence l'État devrait être le seul possesseur des moyens de production. Ils disent aussi que le marché c'est l'anarchie et les gaspillages de ressources, qu'il vaut mieux que les entreprises deviennent de gigantesques administrations monopolistes.
En réalité les Marxistes en donnant vie à leur modèle de société soviétique ont fait la démonstration que l'Etat entrepreneur ne pouvait répondre aux attentes de la population, que le marché est nécessaire à l'ajustement de l'offre et de la demande et à la satisfaction des besoins de la population. Dans les pays d'économie mixte les entreprises nationalisées ont dû être privatisées afin que leur gestion devienne efficace et rentable.
L'État-entrepreneur a donc échoué. Les Keynésiens considèrent alors que les fonctions de l'État doivent être limitée, mais que le marché n'est pas capable de permettre une croissance de plein emploi. Les fondements de l'intervention de l'État seraient donc d'orienter le marché par des politiques économiques, d'assurer une plus grande égalité des situations entre les membres de la société et de prendre en charge la production de certains biens dits collectifs. Pourtant comme nous le verrons par la suite, la mondialisation et les comportements individuels vont démentir les résultats attendus des politiques économiques, les inégalités ne se sont pas réduites et des freins à l'activité ont conduit à appauvrir au lieu d'enrichir. Quant à la notion de bien collectif et d'externalités, elle n'explique pas que l'État puisse les gérer de façon efficace.
L'État-Providence a donc échoué. Les Libéraux avancent que la prise en charge des domaines régaliens implique qu'une institution puisse s'arroger le monopole de la violence légitime, mais des cas concrets de plus en plus nombreux nous montrent l'efficacité d'une justice et d'une police privée.
Si il est difficile de trouver des fondements à l'intervention de l'État, la question se pose de déterminer pourquoi l'opinion publique pense encore que l'État a un rôle indispensable à jouer dans toute société. Le Libertarien Murray Rothbard a voulu répondre à une telle question :
"De tous temps, l'État a entretenu des courtisans dont la fonction est de le légitimer. Ces idéologues sont chargés d'expliquer qu'un crime individuel est condamnable, mais que, commis en masse par l'Etat, il est juste. Sans idéologie, il n'y a pas d'État ! Les hommes politiques le savent depuis les temps les plus anciens. Le contenu des idéologies a pu varier, mais leur but est toujours identique : convaincre l'opinion que l'existence et les méfaits de l'État sont nécessaires et doivent être absous. Aucun État, ni monarchie, ni démocratie, ni dictature, ne peut survivre longtemps si l'opinion ne le soutient pas ; ce soutien n'a pas besoin d'être actif : la résignation suffit. D'où l'importance pour l'État d'enrôler les fabricants d'idéologie que sont les intellectuels. Pendant longtemps, ces idéologues furent les prêtres. À l'époque moderne, ils ont été remplacés par le discours d'apparence plus scientifique des économistes, savants et autres universitaires. Ce n'est pas un hasard si ces propagandistes sont tous plus ou moins employés par l'État, et si l'État contrôle plus ou moins directement tous les moyens d'expression et de communication. Les intellectuels marchent parce qu'au fond d'eux-mtêmes, ils partagent l'idéal platonicien du philosophe-roi. De plus, sur le marché de la consommation, les services fournis par les intellectuels ne sont pas tellement demandés ; l'État leur garantit un minimum de débouchés."
Pour aller plus loin : l'approche objectiviste de la valeur
Bibliographie
:
Capitalisme,
Ayn Rand
Wikilibéral, l'État
minimal
L'anti-manuel d'économie, Jean-Louis Caccomo