La relance en question : les potions du bon docteur Keynes


 

Keynes supposait la possibilité de crises de surproduction. Les dépenses publiques pouvaient être utilisées pour augmenter la consommation des ménages, donc permettre l'écoulement de la production et le plein-emploi.

 

Cependant des effets pervers viennent perturber les politiques keynésiennes. Les dépenses publiques créent de l'inflation donc les prix augmentant, le pouvoir d'achat des ménages baisse. C'est l'illusion monétaire.

L'État créée de la monnaie à un rythme accéléré, la consommation augmente mais on suppose la myopie des consommateurs dont le pouvoir d'achat stagne.

Une crise économique est amorcée  par l'expansion du crédit causée par une création étatique de monnaie, ou  encore par un  choc exogène (c'est-à-dire dont les causes ne sont pas économiques) qui produit le même résultat. Par exemple, l'augmentation du numéraire par la découverte  de nouveaux  gisements  de métal  précieux. L'expansion originale de la masse monétaire sera d'ailleurs répercutée et exagérée par le système de réserves  fractionnaires des banques, rendu possible par le  fait que  l'État garantit  la solvabilité  des banques. Quelle qu'en soit la cause,  l'expansion du crédit  entraîne une réduction du taux  d'intérêt.   Des investissements   auparavant  non  profitables devenant artificiellement rentables sont entrepris. La demande accrue des entreprises  cause une  inflation  des prix  des biens  de capital (machines, équipements,  immeubles) en  premier lieu  et, ensuite, des salaires. L'accroissement  de  la  demande qui  s'ensuit provoque une inflation  des  prix  des  biens  de  consommation.  Pour  répondre  à l'accroissement de la demande, les entreprises surenchérissent sur les taux d'intérêt,  ce  qui,  avec l'augmentation  des  coûts  des autres facteurs, les inciterait normalement à retourner à leur niveau initial de production et d'investissement.

le gouffre budgétaire de Keynes

À la phase d'expansion du cycle économique succède une récession. Tous les prix et les  taux d'intérêt ayant  été pareillement multipliés, le système reviendrait  à son  point de  départ. Cette  autocorrection ne fonctionnera pas  si,  et seulement  si,  des injections  continues de crédit par l'État maintiennent les  taux d'intérêt et l'inflation. Les taux  d'intérêt  étant  artificiellement   bas,  les  ressources  sont détournées vers la  production des  biens de  capital et  des biens de consommation  plus   intensifs  en   capital.  Comme   tous  les  prix n'augmentent pas également ni au  même rythme, l'inflation entraîne de mauvais investissements,  une  mauvaise répartition  de  l'épargne. Le mécanisme si  crucial de  production et  de transmission d'information par les prix  a été  faussé. Les  entrepreneurs investissent davantage que ce que les  consommateurs sont prêts à  épargner et la répartition de ces investissements dans les divers secteurs ne correspond pas à la combinaison des biens demandés  par le marché.  Même si l'expansion du crédit continue,  ce boom  artificiel doit  cesser un  jour ou l'autre puisqu'il n'est qu'un phénomène  de papier qui  ne correspond à aucune augmentation  réelle  de  la   demande,  et  que  les  investissements injustifiés doivent  être  liquidés. Vient  alors  la récession  ou la dépression qui sera  d'autant plus forte  que l'expansion artificielle aura été longue.

Pierre LEMIEUX

 


... les gouvernants, les «experts» et l'opinion ont trouvé commode de faire de la consommation la variable magique des conjoncturistes et l'instrument de prédilection des politiques économiques. L'explication de cette dérive intellectuelle est elle aussi simple à comprendre : en prétendant que l'augmentation de la consommation était capable de «tirer» la croissance, on légitimait les revendications salariales sous le prétexte que les salariés consommaient relativement plus que les autres. Des gouvernements démocratiques soucieux de l'appui du plus grand nombre possible d'électeurs ne pouvaient qu'être sensibles à cet argument démagogique. Pourtant comment la consommation pourrait-elle jouer ce rôle moteur et autonome, alors qu'on ne peut consommer que ce que l'on a gagné et qu'on ne peut gagner qu'en fonction de ce que l'on a produit ?


Privilégier ainsi la consommation c'est aussi faire une autre  erreur intellectuelle : c'est supposer que les ressources non consommées, c'est-à-dire celles qui sont épargnées, disparaissent du  circuit économique. C'est pourtant bien le contraire qui est vrai : les ressources consommées sont détruites par la consommation, alors que les  ressources épargnées sont réintroduites dans le circuit économique pour permettre de  produire des ressources supplémentaires. C'est l'effort d'épargne qui permet la croissance, car il signifie renoncer à une consommation présente pour obtenir plus de richesses dans le futur.

Si nos gouvernants, faute de faire l'effort de raisonnement minimal pour comprendre les causes de la croissance, s'en remettaient au moins à l'expérience, ils constateraient qu'il existe une relation positive incontestable entre la croissance et l'épargne, entre la croissance et la liberté économique.


Au lieu de raisonner en termes globaux et mécaniques, il faut s'interroger sur le système d'incitations qui conduit les individus à produire davantage, à travailler davantage, à innover davantage, à épargner et à investir davantage. Or, les structures institutionnelles de la France sont maintenant telles, après des années de socialisme de gauche et de droite, que tout est fait pour punir les efforts de travail (les 35 heures, les retraites anticipées), de production ou d'épargne (la fiscalité, les réglementations). Dans ces conditions il est vain d'attendre que «la croissance soit au rendez-vous».
Il est lassant d'avoir à le répéter indéfiniment : contrairement à ce que vient encore d'affirmer récemment le président de la République ce n'est pas la baisse des impôts qui est conditionnée par la croissance, c'est la croissance qui est conditionnée par la baisse des impôts. Ce ne sont pas les dépenses publiques en faveur de l'emploi, le «traitement social du chômage» ou les réglementations contre les licenciements qui feront reculer le chômage, mais le retour à la liberté contractuelle et le reflux de l'Etat. Si l'on n'a pas compris cela, c'est en vain que l'on attendra le retour de la croissance d'une quelconque relance mondiale, d'un retour à la paix ou d'une augmentation spontanée de la consommation. Les sources de la croissance existent potentiellement, elles existent dans la France d'aujourd'hui, dans les cerveaux et le courage de ces millions d'entrepreneurs, de salariés, d'épargnants qui seraient prêts à créer des richesses si l'Etat ne les spoliait pas par ses impôts et ne les paralysait pas par ses réglementations. Les sources de la croissance ne sont pas extérieures à notre pays, elles sont intérieures, elles ne relèvent pas d'une mécanique globale, mais des efforts innombrables des individus, elles ne sont pas d'ordre matériel, mais intellectuel, c'est-à-dire qu'elles dépendent de l'imagination et du goût du travail de millions d'individus.
Mais pour que leurs qualités et leurs aptitudes s'épanouissent, il faut tout simplement leur en laisser la liberté. Faute de l'avoir compris, l'actuel gouvernement échouera, il a même déjà échoué, comme le premier ministre est d'ailleurs forcé de l'admettre. Un autre gouvernement lui succédera et échouera également, à moins que... le miracle se produise, la compréhension de la réalité humaine.

 

Pascal SALIN, publié le 07 avril 2003

 

Questions

 

1. Quels sont les effets attendus d'une augmentation des dépenses publiques sur la conjoncture économique ?

2. Qu'est ce que l'illusion monétaire ? Que se passerait-il si les ménages n'y étaient pas sujets ?

3. Schématisez les enchaînements des deux derniers paragraphes.

4. Comment l'État empêche-t-il le retour à l'équilibre économique ?

5. La politique de relance consiste-t-elle à relancer la consommation ou l'épargne ?

6. La relance agit-elle sur les sources de la croissance ? Expliquez.