Tous ne veulent pas être sauvés de la mondialisation 


En évoquant la mondialisation, Michel Camdessus savait probablement que son dernier discours en tant que secrétaire général du FMI n’allait pas nécessairement faire consensus. Mais il ne s’attendait certainement pas à ce qu’un activiste américain de l’antimondialisation le suive jusqu’à Bangkok pour l’entarter.

L’activiste en question représentait l’un de ces groupes organisés désireux de transformer la réunion FMI-Banque Mondiale d’avril prochain à Washington en un second Seattle.

L’opération entartage de ce dimanche relevait bien sûr du coup publicitaire. Mais le symbolisme de cette action : un Américain se rendant jusqu’en Asie pour sauver les Asiatiques de la mondialisation, qu’ils veuillent en être sauvés ou non -  est trop beau pour que l’on passe à côté.

Admettons qu’il y ait bien eu des manifestants Thaïlandais à l’entrée de la salle de conférence. Admettons également que le FMI soit une meilleure cible encore que l’OMC. Le FMI ne représente pourtant pas davantage un gouvernement mondial que l’OMC ; bien que son pouvoir réside dans celui d’accorder des prêts et en retour d’exiger d’Etats souverains, au moins lors des crises, l’application de certaines politiques économiques.

L’OMC a des fonctions différentes, fondamentalement il s’agit d’une cour de justice en matière de différents commerciaux entre Etats. Sa seule prérogative est de déterminer quel pays se rend coupable de la violation des accords passés en matière d’ouverture des frontières au commerce mondial. Par exemple, les Etats-Unis ont le droit de définir leurs normes en matière de protection de l’environnement, mais en ayant souscrit au principe de non-discrimination, ils ne peuvent pas imposer au gaz importé des normes plus drastiques que celles qui s’appliquent sur leur marché intérieur.

Les activistes antimondialisation de Seattle ou de Washington ne font pas bien la différence entre les pouvoirs du FMI et ceux de l’OMC. Ils sont aussi opposés à la liberté du commerce des biens qu’aux mouvements de capitaux spéculatifs. Ils ne dénoncent pas seulement les crises à court terme, mais aussi nos orientations économiques sur le long terme. Et c’est pourquoi le spectacle d’un militant Américain de l’antimondialisation en Thaïlande, plus que n’importe où ailleurs, est particulièrement frappant. Pour la simple raison que la Thaïlande représente par excellence la success-story d’un pays qui a réussi à se développer grâce à ses exportations, sans conteste la Thaïlande est la meilleure publicité possible pour l’OMC et son programme de libre-échange mondial.

Mais attendez un peu direz-vous. N’est ce pas en Asie du Sud Est qu’une terrible crise financière a récemment eu lieu ? C’est vrai, et cette crise fut mal gérée par le FMI. Mais l’économie thaïlandaise s’en est rapidement remise et la Thaïlande d’aujourd’hui est plus riche qu’elle ne l’a jamais été.

Ceci n’est pas forcément évident pour le touriste occidental. La plus grande partie de la ville de Bangkok est un cauchemar urbain avec bidonvilles et bouchons, la Thaïlande reste un pays pauvre comparé aux nations développées. Mais c’est bien parce que les pays en développement demeurent pauvres que ce que nous considérons comme de l’exploitation est souvent perçu là-bas comme une amélioration de leurs conditions.

Jetons un œil sur la littérature de l’antimondialisation. On s’y appesantit en permanence sur les traits les moins séduisants du monde moderne, en les opposant aux fantasmes d’une Arcadie pré-mondialisation dans laquelle de braves villageois s’ébattent vivant en harmonie avec la nature.

Regardons maintenant la réalité des conditions de vie au Sud avant la mondialisation. Ne nous occupons pas des PIB, voyons plutôt les conditions de nutrition et de santé. Vous découvrirez alors que nos braves villageois menaient une vie courte et cauchemardesque ; par exemple en 1975 dans les campagnes de Thaïlande une personne sur six seulement avait accès à l’eau potable, aujourd’hui c’est le cas pour quatre personnes sur cinq.

On ne s’étonnera donc pas que bien des chefs d’Etat du Tiers-Monde méprisent ceux qui dans les pays riches s’auto-proclament amis des pays pauvres, le président du Mexique, Ernesto Zedillo les appelle d’ailleurs : « Ceux qui sont déterminés à sauver les pays en développement du développement. »

Bien sûr, ces pays en développement ont des sujets de mécontentement à propos du système commercial international. Mais ce mécontentement consiste à exiger plus, et pas moins, de commerce international. Ils sont, avec raison, en colère contre les pays riches qui défendent les vertus du libre échange tout en empêchant les pays pauvres de développer leurs exportations. Ils veulent donc que l’OMC les écoute davantage – particulièrement parce qu’ils craignent, sous la pression des antimondialistes, la mise en place de normes sociales et environnementales qui ne sont pas à leur portée -.

Ce dont ils ne veulent pas c’est que des groupes de pression des pays riches viennent leur parler des horreurs du monde moderne en essayant de les en préserver, alors que leurs pays sont enfin en train de sortir du sous-développement.

Paul KRUGMAN, The New York Times, 17/02/2000

 

1. En quoi peut-on affirmer que le FMI intervient dans les politiques économiques des Etats alors que l’OMC ne le fait pas ?

Le FMI prête sous conditions et si la politiques économiques ne convient impose des mesures d’ajustement structurel afin de s’assurer de la capacité du pays débiteur à rembourser sa dette. Alors que l’OMC n’intervient pas dans les politiques économiques et se contentent de vérifier la bonne application des accords multilatéraux passés. 

 

2. La libéralisation des marchés est-elle imposée par l’OMC ?

Non elle résulte de l’adhésion des Etats à certains principes comme par exemple celui de non-discrimination et de la clause de la nation la plus favorisée… 

En quoi ce qui est perçu comme de l’exploitation ne l’est pas en réalité ?

Libre choix d’améliorer ses conditions de vie dans les pays du Sud.

 

3. Donner un exemple de politique, mise en place par les pays riches et défendue par les antimondialisations, qui suscite la colère dans les pays en développement.

La PAC qui constitue un protectionnisme agricole, alors que les exportations du sud sont encore constituées en grande partie de biens agricoles.

 

4. Que sont les clauses sociales et environnementales, pourquoi les pays en développement n’en veulent ils pas ?

Par exemple un salaire minimum mondial et l’interdiction des usines polluantes, les pays du sud attirent les IDE par l’abondance en main d’œuvre non qualifiée à bas prix, des salaires minimums ne feraient que protéger les salariés peu qualifiés dans les pays riches qui profiteraient de la fin des délocalisations de production à bas coût.