L'organisation du commerce international


I. Le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade)

D'abord est mis en place le GATT, il fut créé dans le cadre de l'ONU à Genève en 1947, il ne comptait au début que 23 pays. Il s’appuie sur le principe selon lequel le libre-échange et l’essor du Commerce International permettent d’assurer le développement économique.  

    A. L'organisation des échanges suivant le GATT

        1. Les missions du GATT

Le GATT possède trois  missions :

- une mission d'organisation :  il va définir un ensemble de règles communes applicables au commerce international ;

- une mission de négociation : en son sein auront lieu des négociations pour une plus grande libéralisation des échanges ;

- une mission de juridiction : les gouvernements pourront régler leurs différents commerciaux avec les autres membres du GATT.

        2. Les principes du GATT

Les principes essentiels sont :  

- le multilatéralisme ou encore principe de non-discrimination qui comprend la clause de la nation la plus favorisée (tout avantage accordé à l’un des membres doit être accordé aux autres : on parle aussi de multilatéralisme) et le principe de réciprocité (toute concession douanière accordée à un pays implique que ledit pays accorde en retour une concession de nature similaire) ;

- la baisse progressive des droits de douane ;

- l'interdiction des restrictions quantitatives aux flux commerciaux, c'est-à-dire les quotas à l'import ou à l'export ;

- l'interdiction du dumping (pratique de prix inférieurs au marché national ou au prix de revient) et des subventions à l'exportation qui reviennent à faire subventionner des ventes à prix inférieurs aux coûts de revient sur les marchés étrangers.  

    B. Les obstacles aux accords de libre-échange  

Les États, sont la pression de ceux qui veulent se protéger des effets compétitifs de la concurrence (risque de chômage, de baisse des marges, de réorganisation de la production) et dans leur désir de ne pas adapter leur système réglementaire (impôts et charges sociales fortes notamment) vont limiter la mondialisation par des accords restreignant les échanges tout en respectant les accords sur les contingentements et les droits de douanes. 

Outre l'autorisation des zones de libre échange et des unions douanières, l'accord général de GATT entérine d'autres exceptions à la libéralisation des échanges.

D'abord des restrictions quantitatives aux importations (quotas) sont autorisées en cas de déficit grave de la balance des paiements, en cas d'excédents agricoles importants, en cas également d'un supposé préjudice important causé par les importations pouvant mener, par exemple, à des disparitions d'industries locales non compétitives (il s'agit là de forcer les consommateurs locaux à consommer des produits nationaux faute d'accès à d'autres productions compétitives).

Des augmentations de droits de douane sont possibles afin de protéger une industrie locale (comme nous l'avons vu au-dessus), de répondre à des mesures de dumping, des subventions aux exportations versées à des producteurs étrangers.

Le GATT entérine également une rupture de la clause de la nation la plus favorisée en acceptant le système général des préférences (SGP). Ce SGP consiste à accorder aux pays en voie de développement des avantages commerciaux sans réciprocité. Ces pays peuvent donc exporter en protégeant leur marché intérieur (le protectionnisme pourtant ne les favorise pas), cette clause a été mise en place sous la pression de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement). La clause de sauvegarde peut aussi être invoquée par les PVD, elle leur permet de relever les droits de douane pour protéger les industries naissantes.

Enfin l'accord multifibres (AMF), conclu entre les pays développés et les pays en voie de développement, fixe des quotas d'exportation par pays et par produits dans les domaines du textile et de l'habillement. Cet accord vise à protéger les industries du textile des pays développés de la concurrence des pays à bas salaires. Cela limite aussi les possibilités pour les PVD de se développer à partir de leur atout principal.

II. Du GATT à l'OMC

       A. Les cycles de négociations commerciales multilatérales du GATT

Les huit cycles de négociations, appelés Rounds, ont rythmé les échanges commerciaux internationaux de 1947 à 1993 et sont venus compléter les dispositions de l'accord général.

Les premiers cycles de négociations du GATT privilégiaient la négociation produit par produit dans un cadre bilatéral. Les principaux pays fabriquant un même produit s'entendaient sur un tarif douanier qui s'appliquait dès lors aux autres parties contractantes, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée. Compte tenu du nombre de produits existant, cette méthode ne pouvait qu'être longue et fastidieuse. A partir du Kennedy round (1964-1967), les négociations deviennent multilatérales et portent sur une réduction linéaire des tarifs douaniers, puis sur leur harmonisation.

De 1947 à 1979, la diminution des droits de douane fut la préoccupation majeure des cycles de négociations. Ce n'est qu'après le premier choc pétrolier que le problème des barrières non tarifaires (quotas, normes techniques et sanitaires, ...) fut soulevé.

        B. L'Uruguay Round (1986-1993)

Les résultats de l'Uruguay Round concernent 112 Etats et introduisent de profondes réformes :

                    1. La réforme de la Politique Agricole Commune européenne

Les États de l'Union Européenne ne pourront plus subventionner la production et l'exportation de produits agricoles. Effectivement, la PAC prévoyait des prix de vente au-dessous de ce que touchait réellement les agriculteurs puisqu'ils bénéficiaient de subventions des contribuables de leurs pays pour compenser ces prix faibles (les contribuables du pays subventionnaient en fait la consommation des acheteurs étrangers). Désormais les prix des produits agricoles exportés sont revus à la hausse pour laisser une marge. Mais à ces prix la demande étrangère est plus faible, donc les agriculteurs réduisent leur production et les Etats compensent cette réduction obligatoire par un soutien au revenu agricole.

                    2. La création du General Agreement on Trade in Services

Le GATT a observé l'hétérogénéité des réglementations nationales en matière de services, notamment en cas de monopoles incontestables dits de "service public", la France pose également un problème en matière d'audiovisuel avec "l'exception culturelle" qui revient notamment à protéger et subventionner les artistes et la production  française. Avec le GATS, le GATT met au point des négociations sectorielles pour ouvrir à la concurrence les services de l'information, des télécommunications, les services financiers. Ces accords sont repris par l'OMC. 

                    3. Relations Nord-Sud

Les Pays en Voie de Développement bénéficient du démantèlement progressif de l'Accord Multifibre contre l'engagement de respecter la propriété intellectuelle (beaucoup de contrefaçons dans les PVD en particulier dans le textile). La clause sociale concernant le respect de normes établies par l'Organisation internationale du travail est refusée par les PVD qui la conçoivent comme une mesure protectionniste projetée par les pays riches contre le développement de leurs échanges.

                    4. La création de l'OMC

L'acte final du cycle de l'Uruguay Round est adopté le 15 décembre 1993 à Genève et signé à Marrakech le 15 avril 1994. Cet accord de Marrakech prévoit le remplacement du GATT par l'OMC.

    C. Le rôle de l'Organisation Mondiale du Commerce

Les fonctions de l'OMC sont :

- gérer les accords commerciaux multilatéraux ;
- servir d'enceinte pour de nouvelles négociations ;

- régler les différends entre les membres ;

- examiner les politiques commerciales nationales (les législations nationales devront être conforme aux principes de l’O.M.C - harmonisation des réglementations dans les domaines de la propriété intellectuelle, des investissements directs, de l'agriculture -) ;

- coopérer avec les autres organismes internationaux (FMI, BIRD et ses filiales spécialisées) afin d'élaborer des politiques économiques au niveau mondial.

Mais la plus grande innovation est le pouvoir accru de l'OMC par rapport au GATT en ce qui concerne le règlement des différends commerciaux. 

Auparavant, les différends étaient arbitrés par un groupe d'experts appelé panel. Pour devenir opérationnels, ces arbitrages (appelés recommandations) devaient être acceptés par l'ensemble des parties contractantes (règle du consensus). Dorénavant, les rapports des panels (3 experts non ressortissants des parties en présence) sont examinés par l'Organe de Règlement des Différends (ORD) regroupant les représentants de tous les pays membres et s'appliqueront automatiquement, sauf recours unanime de l'ORD. De plus des mesures de rétorsion pourront être prises à l'égard du pays récalcitrant. Toutefois, un examen en appel est possible auprès de l'organe d'appel composé de sept membres, dont trois siègent pour une affaire donnée. Le rapport d'appel est alors adopté par l'ORD et accepté sans conditions par les parties concernées, sauf refus unanime de l'ORD dans un délai de 30 jours.

L'OMC mise en accusation par les antimondialisations

III. Bilatéralisme, régionalisme : le protectionnisme toujours vivant

La mondialisation de l'économie a eu pour principal effet de renforcer la concurrence au niveau international. L'OMC va dans ce sens mais on pourrait dire aussi qu'elle pose un cadre progressif au libre-échange, donc les Etats veulent l'encadrer la mondialisation avec l'OMC et les blocs régionaux.

    A. Les accords bilatéraux

            1. Accords d'Etat à Etat

Les États peuvent contourner les règles de l'OMC en convenant d'arrangements restrictifs à l'exportation, ils conviennent alors avec leur partenaire commercial d'une limitation volontaire de leurs exportations.

            2. La zone grise

On appelle zone grise un ensemble d'accords bilatéraux passés en dehors des Etats. Il suffit que des entreprises s'entendent entre elles pour limiter leurs exportations, alors leur accord échappe au contrôle de l'OMC. Effectivement, en principe, les restrictions quantitatives imposées par les gouvernements sont interdits, mais puisque des entreprises privées signent entre elles des accords de limitation, elles n'engagent pas leurs gouvernements respectifs.

Ceci n'est pas si grave car dans les faits de nouvelles entreprises vont pouvoir apparaître pour satisfaire un besoin d'importation non assouvis et ne pas respecter les accords prévus par leurs concurrents.

    B. L'expansion du régionalisme  

        1. Les formes d'intégration régionale 

Selon la typologie élaborée par Bela Belassa, on retient, en ordre croissant, cinq degrés d'intégration économique territoriale.  

la zone de libre-échange : zone au sein de laquelle les marchandises circulent librement ; les barrières tarifaires et non tarifaires sont supprimées mais les pays membres conservent leur propre système douanier vis-à-vis des pays tiers.

l'union douanière : c'est une zone de libre échange mais avec un tarif douanier commun ou tarif extérieur commun à l'égard des pays tiers.

le marché commun : c'est une union douanière avec la libre circulation des personnes, des services et des capitaux.

l'union économique : c'est un marché commun avec une harmonisation des politiques économiques débouchant sur l'union monétaire, voire la monnaie unique.

l'intégration économique : l'unification des politiques économiques et sociales est réalisée.

L'intégration régionale aboutit à :

- un effet de création d'échanges, puisqu'à l'intérieur de la zone les producteurs les moins performants sont éliminés, une meilleure allocation des ressources en résulte au profit des plus compétitifs ;
- un effet de détournement de trafic puisque les producteurs extérieurs sont évincés au profit de productions moins performantes mais appartenant à la zone.

 

        2. Les principales zones d'intégration économique régionales

En dehors de l'Union européenne, qui représente la forme la plus élaborée d'intégration, les principales zones d'intégration économiques régionales sont :  

NomDate de créationPays membresObjectifs et réalisations
ALENA (accord de libre-échange nord américain)18 décembre 1992Etats-Unis, Canada, MexiqueSuppression progressive des barrières douanières et non tarifaires dans un délai de 15 ans, libre-échange des services et élimination des obstacles à l'investissement.
MERCOSUR (marché commun du cône sud-américain)26 mars 1991Argentine, Brésil, Uruguay, ParaguayCréation d'un marché commun
CCG (conseil de coopération des Etats arabes du Golfe)1981Arabie Saoudite, Bahreïn, Qatar, Oman, Emirats Arabes Unis, KoweïtLibre circulation des personnes et des capitaux. Création d'une union douanière.
ASEAN (association des nations d'Asie du sud-est)1967Brunei, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Birmanie, Laos, CambodgeRéalisation d'une zone de libre-échange en 2010, création d'une monnaie unique en 2025.

3. Régionalisme contre mondialisation des échanges ?

Ainsi le développement de la régionalisation des échanges permet certes une plus grande intégration régionale, donc un développement des échanges internationaux, mais permet aussi de substituer à un protectionnisme national un protectionnisme régional.

Le régionalisme se retrouve donc accusé de résulter en un effet de détournement de commerce contraire au principe de la clause de la nation la plus favorisée. Il en résulte donc une spécialisation internationale sous-optimale par rapport à celle qui réulterait d'une libre spécialisation mondiale selon les critères de l'avantages comparatifs. On pourrait donc assimiler le régionalisme très fort actuellement (puisque la plus grande part des échanges internationaux ont pour cadre une zone régionale) à un protectionnisme dans lequel on trouve que des perdants.

L'exemple parfait de ce protectionnisme se trouve dans la Politique Agricole Commune européenne :

Non seulement la PAC tient les exportateurs du monde à l'écart de son marché avec force "droits" de douane et quotas, et des milliards de dollars pour les propriétaires fonciers agricoles de l'UE, mais en vendant le surplus subventionné, sur les marchés internationaux, l'Union Européenne les écrase dans le tiers monde aussi. Les calculs les plus récents montrent qu'aux consommateurs et contribuables des 29 membres de l'OCDE les barrières douanières et subventions à l'agriculture (et l'horticulture) infligent une charge de 360 milliards de dollars par an. Une telle masse d'argent est difficile à appréhender, alors disons qu'elle est assez énorme pour payer un voyage autour du monde en première classe à chacune des 56 millions de vaches de ces pays, et chacune pourrait encore avoir 2 800 dollars d'argent de poche pour ses escales aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. Et elles pourraient faire ce genre de voyage chaque jour. Et tout cela, nous le dépensons pour détruire la liberté des échanges, et la possibilité pour les pays pauvres de développer leurs propres économies.

Johan NORBERG, Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste

 

[...] De son côté, Mr. Thompson Ayodele, coordinateur de l'Institut d'Analyse des Politiques Publiques (IPPA) a disséqué le fonctionnement du système de subvention agricoles et en a déduit que ce dont les Africains ont besoin c'est d'un accès aux marches des pays développés et que le concept de mondialisation et de liberté du commerce n'aurait aucun sens tant que les pays membres de l'OMC n'adhéraient pas sincèrement aux principes qu'ils ont conclu.

Il a expliqué que les Africains ont d'abord pensé que le développement passait par l'aide étrangère, jusqu'à ce que la plupart des pays Africains s'embourbent jusqu'au cou dans la dette. L'échec d'un tel type de développement est d'autant plus évident que les NPI se sont développés sans l'assistance publique internationale. Ce qui a mené certains leaders Africains à comprendre que l'augmentation des flux commerciaux est le seul moyen de rejoindre les pays développés et de sortir de la dette.

Ayodele a souligné que le Round de Doha en 2001 fut la principale initiative menée par l'OMC pour éliminer certains obstacles économiques et commerciaux entre les PI et les PED. Plus spécifiquement les ministres en présence se sont mis d'accord sur l'amélioration des accès aux marchés par l'élimination de " toutes les formes de subventions à l'exportation et la réduction des subventions domestiques ". Quoiqu'il en soit, ajouta Thomson Ayodele, depuis la réunion de Doha les politiques commerciales dénoncées continuent d'exister alors que le respect des engagements pris aurait résulté en une mondialisation agricole de nature à améliorer la situation des Africains.

L'Afrique possède un avantage comparative en matière d'agriculture puisque les exportations dominantes Africaines sont les produits agricoles et que les revenues issus de ces exportaions permettent de satisfaire les besoins des exportateurs.

Ayodele a insisté sur le fait que :

- plus de 60 % de la population Africaine tire ses revenus de l'agriculture ;

- les subventions à l'exportation que les gouvernements en Europe, aux Etats-Unis et au Japon accordent à leurs paysans privent les Africains de conditions de vie décentes tout en faisant peser sur les contribuables des PI le paiement desdites subventions et l'incapacité à se fournir en produits moins chers.

Il suppose que la fin des subventions et des protections dans les pays riches pourrait attirer de nouveaux investissements et permettre une hausse annuel de revenus dans les PED pouvant aller de 150 milliards à 400 milliards de dollars. Cependant l'hypocrisie de l'Union Européenne, des Etats-Unis et du Japon est manifeste : ils enseignent aux pays Africains les vertus de la baisse des protections douanières, mais eux-mêmes pratiquent le contraire de ce qu'ils prêchent. Il a ajouté que le total des subventions aux agriculteurs des pays riches est cinq fois plus important que l'aide publique aux PED, ce n'est pourtant pas d'aide publique que les Africains ont besoin mais d'une libéralisation mondiale de l'agriculture afin de réduire la pauvreté et de permettre le développement économique. Il en a conclu que les pays Africains voulaient commercer et être perçus comme des partenaires égaux dans la mondialisation. [...]

Idowu SOWUNMI, les pistes de développements économiques au Nigéria

 

1. Quelle position l'IPPA adopte-t-elle au sujet de la mondialisation, de la PAC ?

2. En quoi Ayodele sous-entend-il un effet de détournement de commerce ? Qui en sont les perdants ?
Théorie des échanges comparatifs impliquerait que l'Europe importe davantage de produits agricoles qu'elle n'en exporte.

3. Peut-on dire que la mondialisation est imposée par les pays riches aux pays pauvres ?

4. En terme de développement, quelle alternative à la mondialisation est évoquée, quels en sont les résultats ?

La Politique Agricole Commune a dû être révisée afin de mettre fin à la surproduction et selon les prescriptions de l'OMC. Elle est remplacée par un revenu garanti pour les agriculteurs plaçant une partie de leurs terres en jachères, la production a donc pu baisser pour mieux s'adapter à la demande, les revenus de cette activité sont cependant restés stables, y gelant des facteurs de production.