Nous avons tous en mémoire la méprisable décision de la Cour Suprême dans l'arrêt Kelo contre la ville de New London, Connecticut. Cette décision a établi qu'il n'était pas contraire à la Constitution que la propriété d'un Américain puisse être saisie et transmise à un autre Américain dans la mesure où elle pouvait être utilisée pour servir à des fins publiques. Le cinquième amendement de la Constitution énonce que "nulle propriété privée ne saurait être réquisitionnée pour un usage public sans qu'une juste compensation ne soit versée ". Le mot clé ici est " usage public " et non pas " fins publiques ". Ce qui signifie que les pouvoirs de domaine éminent ne peuvent être utilisés que pour la réalisation de projets publics tels que la construction de routes ou d'écoles par exemple. Le conseil municipal de la ville de New London a fait usage de la loi du domaine éminent pour saisir la propriété de 15 copropriétaires et la transférer à des promoteurs privés aux fins de construire un hôtel de luxe, des immeubles de rapport et des bureaux. La ville a justifié sa décision en avançant que priver les légitimes propriétaires de leurs biens afin de construire hôtel, immeubles et bureaux permettait de créer des emplois et de générer des ressources fiscales. Exposant de façon cinglante son désaccord, la juge Sandra Day O'Connor rétorqua : " Le spectre de la réquisition plane sur toute propriété. Rien ne peut alors empêcher l'Etat de remplacer un vieil hôtel par un Ritz-Carlton, une maison par un centre commercial ou une ferme par une usine. " |
En d'autres termes, les représentants de l'Etat peuvent se saisir de ce qui vous appartient et le transférer à des bénéficiaires privés du moment que cela puisse servir à créer des emplois et générer de la matière supplémentaire à taxer. C'est ce genre de tyrannie exercée par l'Etat qui doit être condamnée par tout homme attaché à la justice. Et c'est bien ainsi que l'a entendu une grande banque du Sud Est des Etats-Unis, la Branch Banking and Trust Company (BB&T) dont le siège social se situe à Winston-Salem en Caroline du Nord. La BB&T a ainsi fait savoir qu'elle n'accorderait pas de prêts à des entreprises commerciales s'étant fait remettre des propriétés privées saisies sous le principe du domaine éminent. Au nom de son conseil d'administration, le PDG John Allison a expliqué ainsi cette décision : " L'idée que la propriété d'un citoyen puisse lui être dérobée par l'Etat au profit d'un usage privé est tout simplement mauvaise. " Monsieur Allison a ajouté : " L'un des droits les plus fondamentaux du citoyen est celui de pouvoir conserver ce qui lui appartient. En tant qu'institution dont l'objet est d'aider nos clients à réaliser leurs projets économiques et à s'assurer une sécurité financière, nous n'aiderons aucune entité qui détruirait une telle mission et qui menacerait la capacité de tout citoyen à conserver son droit de propriété, résultat d'une vie de labeur. "
Nous devrions applaudir les dirigeants de la BB&T pour leur courage. Alors que le devoir d'un conseil d'administration est de maximiser la valeur boursière de l'entreprise, BB&T démontre qu'un tel objectif n'est pas que monétaire, mais qu'il comporte aussi un aspect moral. C'est ainsi que cette banque a choisi de ne pas s'associer à la méprisable décision de la Cour Suprême. Les dirigeants de la Banch Branking and Trust Company montrent l'exemple à suivre pour les autres institutions financières. Et si cet exemple n'est pas suivi, il appartient aux actionnaires de se manifester lors des prochaines assemblées générales pour faire savoir que s'en prendre à la propriété privée à travers la loi du domaine éminent ne saurait devenir une pratique approuvée par les entreprises. Le Congrès a répondu à l'arrêt Kelo de la Cour Suprême par la loi de 2005 concernant la protection des droits de propriété privée, laquelle "interdit à tout Etat et à toute collectivité territoriale l'usage du pouvoir de domaine éminent aux fins de développement économique si lesdits Etats et collectivités ont bénéficié d'aides au développement économique lors de l'année fiscale en cours. " Cette mesure montre bien l'absence de courage du pouvoir législatif, pourquoi ne pas tout simplement lancer une procédure de destitution à l'encontre des juges qui ont, de façon flagrante, violé leur serment de défendre les principes constitutionnels ?
Walter WILLIAMS, Corporate Courage in "Capitalism Magazine", le 1er décembre 2006
Questions
1. Que recouvre la notion
de domaine éminent, quels pouvoirs donne-t-il ?
2.
Rechercher la notion d'ordre public dans le droit français, que permet-elle
?
L’ordre public
peut se définir en droit comme l’ensemble des règles impératives qui
régissent l’organisation politique, économique et sociale d’un État et
les droits fondamentaux des citoyens. Son contenu a varié avec l'augmentation
des prérogatives de l'État et désormais on peut y adjoindre
les règles qui composent l’ordre public économique (lois impératives qui donnent
aux pouvoirs publics les moyens d’agir sur l’économie) et l'ordre public social
(protection des droits sociaux et syndicaux). On distingue ordinairement l’ordre
public de direction qui permet d’assurer la protection des « intérêts généraux
» de la nation, il s’exprime surtout par le biais du droit économique : réglementation
des prix, encadrement du crédit, législation de la concurrence… Il a
plutôt pour effet d’imposer certaines choses. L’ordre public de protection prend
en compte la situation de certaines catégories de particuliers qu'il considère
comme parties faibles en matière contractuelle, ainsi les consommateurs,
les salariés, les locataires dans leurs rapports avec les industriels, les employeurs,
les propriétaires … Il a plutôt pour effet d’interdire.
3. En quoi le pouvoir de réquisition
de l'Etat introduit une contradiction dans les fonctions de l'Etat ?
L'État
est censé garantir les droits individuels dont le droit de propriété
et l'autonomie de la volonté, mais nous avons vu que la notion d'ordre
public ou de domaine éminent ne fixe plus de limites aux pouvoirs de
l'État (atteintes graves à la propriété, non-respect
de la liberté contractuelle au nom de l'intérêt général),
il enfreind les principes pour lesquels des pouvoirs lui ont été
confiés.
4. Quel est l'objet de la Constitution ?
5. En quoi la décision de BB&T est-elle courageuse et en quoi celle du Congrès est-elle couarde ?