Le principe de subsidiarité
Travail préparatoire :
Quelle
est la position libérale vis-à-vis de la subsidiarité, quelle est celle
des socialistes ?
Quelle
est la lecture de la main invisible sur la subsidiarité ? Quel rôle
suppose-t-elle pour l’Etat dans l’économie ?
La
mise en place d’un Etat-Providence est-elle compatible avec le principe
de subsidiarité ?
Quelle
différence peut-on établir entre société politique et société civile ?
En
quoi la déclaration de Jacques Delors (en italique) contient-elle une contradiction
interne ?
Quel
rapport établir entre la construction de l’Europe, la décentralisation et
la subsidiarité ? Cette lecture de la « subsidiarité par le haut »
vous paraît-elle juste ?
Question de synthèse : Quelles sont les implications du principe de subsidiarité dans le rapports entre les individus et l’Etat, vous essayerez notamment d’expliquer en quoi ce principe s’appuie sur la liberté d’entreprise et limite les interventions de l’Etat dans le droit et dans l’économie.
Document 1 L’évolution
du droit recoupe l’histoire étatique. Quand au XIIème siècle,
les marchands reprennent leurs activités à grande échelle, ils forment
un jus gentium, l’ancêtre du droit commercial. Ce jus gentium, ou droit
des gens, permettait de passer outre aux différentes coutumes qui entravaient
l’épanouissement des relations entre les gens. Il est fait pour des gens
qui ne sont pas soumis au même droit coutumier et il comporte des règles
et des procédures différentes de celles des coutumes. Là aussi, à mesure
que l’Etat s’affirme, le droit commun absorbe le droit de marchands. La
« nationalisation » du droit commercial a été initiée par Colbert.
Napoléon l’a achevée par le Code civil. En Angleterre, la Common Law (l’équivalent
de notre droit commun) avait intégré la merchant Law (le droit commercial)
un siècle plus tôt.
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leçons d’économie contemporaine, 1998, Philippe SIMONNOT |
Document 2 Définir
le principe de subsidiarité est difficile car cela comporte de nombreux
risques d’ambiguïté. Il s’agit d’un mot savant qui recouvre une idée simple
et essentielle : nous sommes souvent partisans de la subsidiarité
sans le savoir, c’est le mode naturel d’organisation de sociétés.
Il
s’agit en fait d’un concept fondamental de la philosophie libérale destiné
à marquer les droit de l’individu, l’aptitude de chacun à gouverner sa
propre vie, la souveraineté de la personne. L’histoire
nous aide-t-elle à lever les ambiguïtés ?
…
Il y a cinq erreurs fréquentes dans l’interprétation de la subsidiarité : -
la
subsidiarité comme justification de l’intervention de l’Etat. Puisqu’il
faut laisser libres les personnes et les communautés, sauf si elle en
sont incapables, il y aurait alors une obligation d’intervention de la
part de l’Etat chaque fois qu’une difficulté existe ; l’Etat serait
là pour réguler, remplacer. Ce ne serait plus des circonstances exceptionnelles,
des cas urgents, mais le secours bienveillant de l’Etat ; il est
au centre à l’affût de nos
faiblesses, et sous un emballage libéral, se trouve
le socialisme. Nous sommes tous faillibles, donc l’Etat doit nous
remplacer peu à peu. Toutes les faiblesses humaines justifieraient l’intervention
d’un Etat infaillible. C’est de l’anti-subsidiarité, c’est la grande fiction
qui protégerait en tout temps et en tout lieu.
La
subsidiarité est donc la façon de promouvoir le bien commun, c’est-à-dire
la primauté des personnes qui trouveront la dignité dans la liberté des
choix responsables, et pourront s’épanouir librement au contact des autres. « Subsidiarité et Société », 1999, Jean-Yves NAUDET |
Document 3
LE
PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ DANS LE TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE
Le
préambule du Traité sur l'Union européenne indique que dans " l'union
sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe ",
les décisions sont prises " le plus près possible des citoyens,
conformément au principe de subsidiarité ".
Comme
principe général,
le principe de subsidiarité ne s'applique pas seulement aux rapports entre
les collectivités publiques plus larges et les collectivités publiques
plus restreintes, mais aussi aux rapports entre les autorités publiques,
quelles qu'elles soient, et la société civile. Il demande que l'autorité
publique n'intervienne dans le domaine économique et social que s'il est
nécessaire de compléter les initiatives provenant de la société civile
pour obtenir le Bien commun ; il demande également, de manière générale,
que les collectivités publiques dont le ressort est plus large n'interviennent
que pour compléter, si nécessaire, l'action des collectivités publiques
dont le ressort est plus étroit. Rapport Poniatowski sur la subsidiarité, 1999 |
Document 4
Hayek
vante aussi les mérites de la décentralisation.
Le renforcement des pouvoirs locaux au détriment du gouvernement
central permet aux individus de participer plus réellement et plus efficacement
à la vie publique. Dans les
pays de tradition jacobine comme la France, le citoyen est tellement loin
des décisions politiques, prises par la capitale, qu'il se désintéresse
de la chose publique, laissant libre champ aux lobbies et aux professionnels
de la politique. On se rappelle
qu'une partie des premières succès de Reagan s'explique par sa violente
opposition à tout ce qui se faisait à Washington. Fédéralisme
Enfin
Hayek a été un adversaire résolu du concept de souveraineté, et en particulier
de souveraineté nationale. Il
estimait que cette prétention de n'admettre qu'une source du droit et
du pouvoir (ce qui est la signification de la souveraineté) était le pur
fruit du constructivisme et n'apparaissait qu'aux xvi, et xvil- siècles
pour justifier rationnellement l'absolutisme. La subsidiarité
Bien
qu'il n'utilise pas le terme, et se réfère constamment à l'ordre social
spontané ou étendu, Hayek est un partisan de la subsidiarité, compris
au sens d'Alexis de Tocqueville. |
Mise en situation : Le
principe de subsidiarité est particulièrement
d’actualité : il est évoqué en ce qui concerne la construction de l’Union
Européenne dans le cadre de la répartition des compétences entre les Etats et
l’Union. Le traité de l’Union Européenne,
dans le respect de ce principe établit que « la Communauté n’intervient que
dans la mesure où les objectifs à atteindre ne peuvent être réalisés de manière
suffisante pour les Etats membre ». Dans cette logique le transfert de compétence
vers l’échelon supérieur suppose seulement l’incompétence de l’échelon inférieur.
C’est ainsi que l’on pourrait concevoir le principe de subsidiarité.
Problématique : Mais,
il a d’autres implications et doit présider aux relations entre la société civile,
c’est à dire les individus considérés comme citoyens dans une société, les associations,
les entreprises et la société politique, c’est à dire ceux qui représentent les
citoyens, mais aussi les technocrates, non élus mais qui, de par leurs compétences
supposées, régissent la société civile.
Plan : Nous
tenterons dans une première partie de définir la subsidiarité dans les faits.
Ainsi, à partir des contradictions que
nous noterons, nous en effectuerons deux lectures dans une seconde partie. Enfin,
nous déterminerons, dans une troisième
partie, si ce principe légitimise la limitation du rôle de la société politique
vis-à-vis de la société civile.
Développement
I.
La subsidiarité dans son application
A.
La subsidiarité dans le traité de l’Union Européenne
-
Peut-on transposer effectivement le principe de subsidiarité
tel qu’énoncé dans le traité de l’Union Européenne et d’ailleurs que dit-il ?
Les conflits de compétences ont-ils été effectivement réglés ? Non : querelles
sur la monnaie unique (n’est-elle pas de la compétence des Etats ?), sur
le politiques communes (la PAC), vision souverainiste contre vision fédérale.
-
Jacques Delors tranche : la communauté décidera chaque
fois qu’elle le peut, sinon l’échelon - inférieur : l’Etat puis le citoyen
décideront, la lecture de la subsidiarité est inversée : non pas de l’échelon
inférieur au supérieur mais le contraire.
-
Dans son application la subsidiarité a des limites car ceux
susceptibles de la faire respecter au niveau européen sont des hommes de la société
politique qui protègent avant tout leurs prérogatives.
B.
La subsidiarité dans les lois de décentralisation
-
Exposé de la loi Deferre.
-
La décentralisation correspond à la même logique inversée de
la subsidiarité, elle est néanmoins un pas fait dans le sens de la subsidiarité
car la centralisation ignorait la subsidiarité
Les
réponses sont politiques et opposent deux visions de la subsidiarité
II. Deux visions contradictoires de la subsidiarité
A. La position libérale
-
La subsidiarité par le bas : elle part des
droits naturels de l’individu dont l’autonomie de la volonté et donc «
l’aptitude de chacun à gouverner sa propre vie, la souveraineté de sa personne ».
-
L’échelon supérieur n’intervient qu’en cas de défaillance,
mais temporairement afin de permettre à l’échelon inférieur d’acquérir les moyens
de sa compétence.
B. La
position socialiste
-
« l’Etat ne doit faire que ce que les particuliers et
les associations secondaire ne peuvent faire. Si l’on sort de ce principe, on
entre dans le socialisme d’Etat. » : donc a priori la position socialiste
n’est pas favorable au principe de subsidiarité
-
réappropriation
du principe de subsidiarité de par les limites de l’individu supposé indécis et
fuyant ses responsabilité ou encore conditionné par la société et non libre de
ses choix : l’Etat doit intervenir pour le protéger contre lui-même.
III.
liberté d’entreprise et limitation des
interventions de l’Etat
-
la main
invisible énonce que la société est tout à fait capable de se conduire toute seule
au bien commun : fable des abeilles et principe de Smith sur l’intérêt particulier
et l’intérêt général
-
Donc l’échelon
de base, la société civile, est compétente pour satisfaire ses besoins, le principe
de subsidiarité ne justifie pas l’existence d’un échelon supérieur, la société
politique.
-
L’émergence
du rôle de l’Etat dans le droit : Le droit de marchands a existé avant le
droit commercial fixé par l’Etat mais la « clause compromissoire » reste
concurrente d’un droit commercial « nationalisé ».
-
De l’Etat-gendarme
à l’Etat-Providence : limite de la société civile et infaillibilité de la
société politique, pourquoi les individus ne sont pas libres mais déterminés par
la société ? Quelles sont les limites des marchés libres ?
C. Incompatibilité de l’Etat-Providence avec le principe de subsidiarité
-
« La
personnalité de l’individu et la personnalité de la société qui avaient été toutes
le deux éliminées par le socialisme réel mais aussi par l’Etat-Providence et par
les économies mixtes. C’est avant tout l’idée que chacun est apte à gouverner
sa propre vie, seul et en tissant des liens naturels et volontaires avec d’autres
au sein de communautés librement constituées » : le principe de subsidiarité
en tant que principe moral, l’immoralité de l’Etat-Providence.
-
L’initiative
individuelle, en tant que décision économique à la base, contre le plan, initiative économique au sommet.
D. Déréglementation européenne, la subsidiarité en marche : avec les privatisations et la fin des monopoles publics, l’échelon supérieur reconnaît que les tâches qu’il remplit peuvent être exercées à un échelon inférieur
Conclusion
Synthèse :
Comme l’énonce le rapport Poniatowski : «le principe de subsidiarité peut
donner lieu à plusieurs interprétations et s'intégrer dans plusieurs conceptions
politiques ». Néanmoins certaines conceptions trahissent un principe tout
de même assez simple qui peut se résumer à ce que
la société civile règle ses propres affaires et la société politique n'intervient
qu'à titre subsidiaire. Encore faut-il considérer qu'au sein de la société politique,
c'est l'échelon local qui doit intervenir si la société civile fait appel à lui,
puis l'échelon régional ou national si nécessaire, puis enfin, le niveau transnational
ou mondial.
Ouverture : Le débat prend alors un tour philosophique et nécessite de s’interroger sur la légitimité de la liberté individuelle. Il est possible également de démontrer la supériorité du principe de subsidiarité en démontrant l’efficacité de l’initiative individuelle contre le plan.