Quelle est la valeur d'une action ?


 

Pour un investisseur, l'achat d'actions correspond au désir de recevoir une part des bénéfices que l'entreprise affecte aux dividendes.  Et le prix qu'il est prêt à payer pour en acquérir une action, est proportionnel au profit qu'il espère la voir engranger : pour 5 € de dividendes par action, il acceptera de payer 100 €, mais pour 2 €, il ne mettra que 40 € (exemple fictif).

Or le dividende peut évoluer très vite d'une année à l'autre et de façon plus heurtée que le chiffre d'affaires. Il suffirait effectivement que le chiffre d'affaires baisse de 5 % pour que l'entreprise qui n'est pas capable de limiter ses coûts, se retrouve avec des bénéfices après impôts divisés par 2 voire davantage. Du bénéfice qui reste, il suffit aussi que les administrateurs décident de le mettre en réserve (afin d'autofinancer de nouveaux investissements), pour que les actionnaires se retrouvent sans dividendes du tout.

On imagine bien que dans une telle situation les actionnaires pourront vouloir changer la direction de l'entreprise, ou voter avec leurs pieds (partir !) en vendant leurs actions et en faisait baisser le cours en bourse.

 

1. Supposons donc qu'une entreprise au capital social de 10 millions d'euros réalise un bénéfice annuel de 1 500 000 € ; qu'elle compte 10 000 actionnaires possédant chacun 10 actions et 20 actionnaires possédant chacun 2,5 % du capital social ; que l'assemblée générale accepte que 30 % des bénéfices soient mis en réserve.

À combien de dividendes ouvre droit chaque action ?

D'abord il faut estimer le nombre total d'actions émises : les 20 actionnaires représentant chacun 2,5 % du capital représentent 50 % du capital, donc les 10 000 actionnaires possédant 10 actions représentent 100 % - 50 % = 50 % du capital, par conséquent 100 000 actions représentent 50 % du capital social donc le nombre d'actions total est de 200 000.

Il faut ensuite estimer le montant total des dividendes à distribuer : il s'agit là de la partie non mise en réserve des bénéfices, soit 1 500 000 x (1 - 0,3) = 1 050 000 €.

Chaque action donne donc droit à 1 050 000/200 000 = 5,25 €.

 

2. Quelle est la valeur nominale de chaque action ?

Le capital social est de 10 millions d'euros et le nombre d'actions est de 200 000 donc la valeur nominale de chaque action est de 50 €.

 

3. À votre avis comment va alors évoluer la valeur de l'action par rapport à sa valeur nominale ?

Elle va augmenter car chaque action rapporte plus de 5 € alors que sa valeur nominale n'est que de 50 €.

 

4. Supposons maintenant que la même entreprise réalise un bénéfice de  750 000 € l'année suivante sans que le chiffre d'affaires ne varie, et que face à d'importants investissements à réaliser, elle consacre la moitié des bénéfices à la réserve.

À quel dividende ouvre droit chaque action ?

Le montant total des dividendes baisse puisque les profits ont été diminués par 2 et la moitié des profits restant sont consacrés à la réserve.

Le montant des dividendes à distribuer est donc de 0,5 x 750 000 = 375 000 €.

Chaque action donne donc droit à 375 000/200 000 = 1,875 €.

 

5. À votre avis comment va alors évoluer la valeur de l'action ?

La valeur de l'action va baisser puisqu'elle ne rapporte plus que 1,875 €  alors qu'elle en rapportait 5,25 € pour un valeur nominale de 50 €, elle descendra même sous sa valeur nominale.

 

Une histoire de Price Earning Ratio

Il existe un rapport entre les bénéfices et la valeur boursière (et non pas nominale) de la somme de toutes les actions (la  boursière), ce ratio s'appelle le Price Earning Ratio (PER). Ainsi pour une société anonyme dont les bénéfices sont de 2 millions d'€ et la capitalisation boursière de 40 millions d'€, le PER sera de 20.

 

6. En supposant que dans le secteur d'activité de l'entreprise que nous étudions le PER soit de 20. A partir de la situation de la question 1. à quel prix se négociera l'action ?

 

Ici ce qui compte n'est pas tant le bénéfice que le bénéfice distribué. Celui-ci est de 1 050 000, donc la capitalisation boursière sera d'environ 1 050 000 x 20 = 21 000 000. Or comme le nombre d'actions est de 200 000, leur valeur boursière sera aux environs de 21 000 000/200 000 = 105.

Ce qui revient à multiplier le dividende par actions par le PER, soit 5,25 x 20 = 105.

 

7. Reprenons la situation de la question 4 pour déterminer à quel prix se négociera l'action.

 

Le bénéfice distribué passe à 375 000, la capitalisation boursière sera donc approximativement de 375 000 x 20 = 7 500 000. Donc la  valeur boursière va chuter jusqu'au voisinage de 7 500 000/200 000 = 37,50.

Ce qui revient à multiplier le dividende par actions par le PER, soit 1,875 x 20 = 37,5.

 

La SA peut-elle impunément baisser la part des bénéfices distribués aux actionnaires, au risque de voir la valeur de ses actions chuter ?

Mais oui, qu'est-ce que cela change pour une société de voir le cours de ses actions divisé par deux ? A priori pour elle rien, mais si elle souhaite augmenter son capital social par l'émission de nouvelles actions alors il y aura un problème.

Effectivement si le cours de l'action est élevé les capitaux supplémentaires seront obtenus sans trop augmenter le nombre d'actions, sinon il faudra augmenter de façon importante le nombre d'actions à émettre pour la même augmentation de capital.

Or plus les actions sont nombreuses, plus les bénéfices distribués devront être découpés en de nombreuses parts, et plus les parts sont nombreuses moins les dividendes par action sont importants.

Les actionnaires n'apprécient donc guère une augmentation du capital et l'acceptent à condition qu'elle n'entraîne qu'une émission limitée d'actions et une forte rentabilité des capitaux apportés.

 

Jugeons en par l'exemple :

8. A partir de la situation de la question 1 l'entreprise souhaite augmenter son capital social de 10 %, combien d'actions devra-t-elle émettre ?

Une augmentation du capital de 10 % représente 10 x 0,1 = 1 million d'euros à obtenir. Sachant que le cours de l'action est de 105 €, il faudra émettre 1 000 000/105 = 9 523,8, soit 9 524 actions supplémentaires.

 

9. L'augmentation de capital a permis de maintenir la rentabilité des investissements réalisés, le bénéfice après impôts est passé cette année à 1 600 000 € et il n'a pas été nécessaire de recourir à l'autofinancement donc pas de bénéfices mis en réserve, à combien se monte le dividende par action, à quelle valeur théorique vont se négocier les actions ?

Le bénéfice distribuable est donc de 1,6 millions d'euros et le nombre total d'actions est de 200 000 + 9 524 = 209 524. Le dividende par action est donc de 1 600 000/209 524 = 7,64 €. La valeur théorique des actions passe donc à 7,64 x 20 = 152,8 €. L'augmentation du capital social a donc été profitable et permet ici d'augmenter les dividendes puisque le million d'euro récupéré permet de financer les nouveaux investissements sans recours à l'autofinancement.

 

10. La même entreprise se trouve dans la situation de la question 4, combien d'actions devra-t-elle émettre cette fois pour augmenter son capital de 10 % ?

Dans ce cas le cours de l'action est de 37,5 euros, lever 1 million d'euros nécessite l'émission de 1 000 000/37,5 = 26 666,67, soit 26 667 actions supplémentaires.

 

11. L'augmentation de capital permet de réaliser le même chiffre d'affaires que dans le cas 1, mais les charges et notamment la masse salariale reste très forte et limite les bénéfices de l'entreprise. Ainsi le bénéfice après impôts augmente légèrement à 760 000 €, le million d'euros n'a pas été suffisant pour financer tous les investissements nécessaires mais afin de ne pas décourager les actionnaires aucun bénéfice n'a été mis en réserve, à combien se monte le dividende par action, à quelle valeur théorique vont se négocier les actions ?

Le bénéfice distribuable est ici de 760 000 € et le nombre total d'actions est de 200 000 + 26 667 = 226 667. Le dividende par action est donc de 760 000 /226 667 = 3,35 €. La valeur théorique des actions passe donc à 3,35 x 20 = 67  €.

L'augmentation du capital social a donc été ici aussi profitable et permet d'augmenter les dividendes mais au prix d'un problème de financement de la restructuration de l'entreprise.

 

12. Nous voyons bien que la restructuration n'a pas pu être mise en place, donc toujours à partir de la question 4, notre entreprise souhaite augmenter fortement l'intensité capitalistique de la production et nécessite donc d'investir 4 millions d'euros, ce qui permettrait de prévoir une augmentation régulière des bénéfices à partir du million d'euro annuel, à quelle valeur théorique se négociera donc l'action après restructuration ?

Pour obtenir 4 millions d'euros supplémentaires, l'entreprise va devoir émettre 4 000 000/37,5 =  106 666,67 donc 106 667 actions. Ce qui au total porterait le nombre d'actions à 200 000 + 106 667 = 306 667. Pour un bénéfice intégralement distribué de 1 000 000 €, le dividende par action serait de 1 000 000/306 667 = 3,26 €. La valeur théorique de l'action passe donc à 3,26 x 20 = 65,22 €.

 

Donc faut-il augmenter le capital social ?

On vérifie bien là que l'augmentation du capital social permettra à l'entreprise d'améliorer sa capitalisation boursière à la condition que cette augmentation permette ensuite une hausse plus que proportionnelle des bénéfices distribués. Les actionnaires seront alors satisfaits; mais ils le seront d'autant plus que le nombre d'actions à émettre sera limité.

 

Mais que se passe-t-il si, après l'augmentation du capital social,  la rentabilité des nouveaux investissements n'est pas à la hauteur des attentes ?

 

13. À partir de la question 12 envisageons que l'augmentation prévue des bénéfices ne se réalise pas. Au contraire, face aux restructurations les syndicats ont lancé des mouvements de grèves contre le plan de réduction des effectifs et pour des augmentations de salaire. La production a été ralentie et le chiffre d'affaires réalisé a baissé de 20 %, les bénéfices ont été réduits à 200 000 €. À combien passera la valeur théorique de l'action ?

Le dividende par action devient 200 000/306 667 = 0,65 €, donc la valeur théorique de l'action devient 0,65 x 20 = 13 €.

 

14. Comparer la capitalisation boursière de l'entreprise entre la question 1 et la question 13.

200 000 actions dont la valeur boursière unitaire est de 105 € soit 21 millions d'euros, c'est ce que coûtera le rachat de toutes les actions.

306 667 actions dont la valeur boursière unitaire est de 13 € soit 3 986 671 €, ici racheter toutes les actions coûtera plus de cinq fois moins cher.

 

Et si on faisait une OPA !

Une OPA consiste à lancer une offre publique d'achat sur toutes les actions d'une entreprise afin de la racheter. La même entreprise est passée d'une capitalisation boursière de 21 millions d'euros à moins de 4 millions d'euros, à ce tarif le rachat vaut la peine.

Moralité, une entreprise qui souhaite ne pas se faire racheter a tout intérêt à satisfaire ses actionnaires en leur garantissant des dividendes raisonnables, ceci ne lui interdit pas d'augmenter son capital mais à condition que la valeur boursière de ses actions soit de préférence au-dessus de leur valeur nominale et que les prévisions d'une augmentation des bénéfices puisse se concrétiser.