Croissance, capital et progrès technique


 

Les investissements consistent à augmenter le stock de capital disponible pour le production, ils alimentent donc un facteur de production déterminant dont l'abondance ou la pénurie font la différence entre les pays les plus riches et les PMA. 

 

Nous verrons ainsi que l'investissement est déterminant dans le rythme de la croissance économique, en hausse il génère une augmentation des capacités de production et permet de dynamiser la croissance, en baisse il peut mener à la récession. Mais au fait quelles sous les formes de l'investissement et qu'est ce qui explique ses variations ?

 

I. Le capital sous ses différentes formes

   

    A. Le capital, un détour de production

Le détour de production

A travers l'exemple que donne Eugen von Böhm-Bawerk, le capital est représenté aussi bien par le seau que  le canal.

Dans le cas où notre paysan construit un seau, la peine qu'il prend à le construire sera compensée par des déplacements moins fréquents vers la rivière, la peine encore plus grande de fabriquer une canalisation le dispensera à l'avenir des allers et retours vers la rivière. Le capital est donc le résultat de ce que Böhm-Bawerk nomme un "détour de production", c’est-à-dire un investissement en temps, en peine ou en argent qui permet de faciliter la production à l'avenir. Dans l'exemple qu'il nous donne, notre campagnard n'a intérêt à construire la canalisation et la pompe que si la somme de travail consacrée à l’élaboration de cette installation est inférieure à celle que constitue le fait d’aller à chaque fois chercher de l’eau. Il doit tenir compte, pour effectuer son calcul, du temps pour lequel il pense pouvoir utiliser cette canalisation. 

On appellera les outils utilisés des biens de production, c'est-à-dire des biens produits dans le dessein de mieux satisfaire ultérieurement nos besoins. Biens de production et capital sont la même chose, ils impliquent un renoncement immédiat à consommer (une épargne) pour un bénéfice plus grand à l'avenir.

               

    B. L'investissement sous toutes ses formes

 

Le capital tel que nous l'avons défini est ce qui est obtenu à partir d'un investissement.

 

                        1. L'investissement selon le sens commun

 

Dans le langage courant le terme investissement s'emploie fréquemment : on s'investit dans son travail (on se passionne et apprend pour enrichir son capital humain, terme que nous définirons ultérieurement), on investit dans la pierre (on acquiert un patrimoine foncier), on investit dans les études (on enrichit là encore son capital humain), on investit en bourse (on achète des valeurs mobilières qui vont rapporter des intérêts ou des dividendes).

 

                    2. L'investissement selon les économistes

 

Dans une approche microéconomique, l'investissement ce sont des dépenses capables d'accroître les capacités de production, elles prennent la forme d'une acquisition de capital technique et se divisent en :

          investissement en capital fixe, ce qui correspond à l'acquisition de la partie du capital dont la durée de vie s’étend sur plusieurs cycles de production (biens d'équipement, bâtiments, terrains). Ces investissements peuvent eux-mêmes être divisés en  investissements productifs réalisés par les entreprises et destinés à augmenter la productivité des facteurs de production - investissements de productivité - ou à développer le volume global de production - investissement de capacité -, l’un conduit à une croissance intensive, l’autre à une croissance extensive ;

         investissements en capital circulant, ce qui correspond à l'acquisition de la partie du capital qui est détruite ou transformée lors du cycle de production (matières premières, énergie, produits semi-finis, mais aussi le coût de la main d’œuvre), mais en réalité on ne peut pas vraiment parler là d'investissements mais d'achats de consommations intermédiaires ;

      investissements en capital immatériel, au rang desquels on compte les dépenses en logiciels, les brevets et licence, les dépenses publicitaires, mais aussi la formation et la recherche-développement. 

 

Mais l'entreprise peut aussi investir une partie de ses fonds en actions, obligations, en prises de participation dans des entreprises existantes, on parlera alors d'un investissement financier.

 

                    3. L'investissement selon le système européen de comptabilité (SEC 95)

 

La comptables n'utilisent pas le terme investissement, ils lui substituent le terme "formation brute de capital fixe" (FBCF), qu'ils définissent ainsi : "la valeur des biens durables acquis par les unités de production pour être utilisés pendant au moins un an dans le processus de production".

 

La FBCF correspond donc à :

     l'investissement en capital fixe selon les économistes, moins l'achat des terrains ;

      certains investissements immatériels comme les logiciels, les droits d'utilisation d'oeuvres, les dépenses de prospections minières notamment ;

     équipements collectifs réalisés par les administrations ;

     achats de logements réalisés par l’épargne investie par les ménages.

Mais elle n'inclut pas les investissements financiers que les comptables appellent placements, ne sont pas non plus comptabilisés les investissements en capital immatériel comme ceux de publicité, de formation ou de recherche-développement, ce qui signifie que ces dépenses ne sont pas assimilées par les comptable à des investissements mais à des consommations intermédiaires. La FBCF sous-estime donc les investissements réalisés actuellement notamment dans le cadre de la nouvelle économie.

 

Le terme "formation brute" indique que les comptable considèrent là toutes les dépenses d'acquisition de biens durables de production (plus d'un an) destinées à augmenter le stock de capital disponible et à remplacer le capital amorti. L'amortissement que les comptables appellent "consommation de capital fixe" correspond à la perte de valeur du stock de capital dû à l'usure ou à l'obsolescence. On parlera donc de "formation nette de capital fixe" et d'investissement net si l'on retire les amortissements des investissements réalisés : FBCF - CCF = FNCF.

 

Exercice : l'entreprise Daurelle possède 5 ordinateurs amortissables linéairement en 5 ans dont la valeur d'acquisition untaire est de 2 000 €, les 4 premiers ordinateurs ont un an d'âge, le cinquième a quatre ans. Quel est le montant total du capital amorti ?

Chaque ordinateur perd annuellement un cinquième de sa valeur, donc les quatre premiers ordinateurs ont chacun perdu 2000/5 = 400 €, alors que le cinquième a perdu les quatre cinquième de sa valeur soit 2000 x 4/5 = 1 600 €.  Le montant total des amortissements est donc de 4 x 400 + 1 600 = 3 200 €.

Si l'entreprise consacre 5 000 € cette année aux investissements en machines et équipements dont 1 000 € de redevances pour l'achat d'un brevet, de combien sera la FBCF, la FNCF ?

Attention le piège est de déduire toutes les sommes amorties de la FBCF de l'année, alors que les sommes amorties avant l'année considérée ont déjà été décomptées de la FBCF des années passées.

Ici la FBCF est de 5 000 - 1 000 = 4 000 €, en effet on ne compte pas les dépenses de brevet. La FNCF est de 4 000 - (5 x 400) = 2 000 €, on retire en effet un cinquième du prix de l'ensemble des équipements présents dans l'entreprise en question.

 

            4. Un investissement particulier : celui en capital humain

Les dépenses permettant d'augmenter les capacités de production ne concernent pas seulement le capital, elles peuvent aussi s'appliquer au facteur travail. Ainsi est née aux Etats-Unis dans les années 60 la notion de capital humain, crée par Gary Becker. Il s’agit notamment de l’éducation ,de la formation ou de la recherche d’informations. Tout comme le capital fixe, le capital humain est le résultat d’investissements passés qui vont générer des revenus futurs.

La FBCF n'en tient pas compte, mais les investissements en capital humain sont incontournables car ils permettent de transformer le travail non qualifié en travail qualifié et augmentent le facteur de production fondamental dans la société post-industrielle : la matière grise. On peut bien aussi parler de capital humain car les dépenses de formation comme celles d'acquisition du capital technique se consacrent à des actifs dont la valeur se déprécie dans le temps.

La bourse est cependant moins borgne que le SEC 95 car si les investissements immatériels ne figurent pas à l'actif mais en tant que simples consommations intermédiaires, les actionnaires valorisent au-delà de leur valeur comptable, le "goodwill" des entreprises. Ce "goodwill" inclut notamment les compétences des salariés, la RD et les autres investissements immatériels négligés par les comptables.

  La théorie du capital humain

    C. Les circuits de financement (révision de première)

Le problème de l'entreprise qui souhaite, pour une raison ou pour une autre, investir c'est de financer cet investissement. Elle a le choix de recourir à l'autofinancement, c'est à dire à ce qui reste des bénéfices après impôts et suite au versement des dividendes. Les entreprises préféreront utiliser l'autofinancement car il n'implique aucune charge d'intérêt et permet aux dirigeants de conserver le plein contrôle de l'entreprise. Mais souvent cet autofinancement ne sera pas suffisant, il faudra donc chercher les financements à l'extérieur.

L'épargne, condition de l'investissement ?

                1. Financement direct ou indirect

L'entreprise peut financer ses investissements de deux manières :

    de façon indirecte par des intermédiaires financiers que sont les banques - on suppose en effet, bien que ce soit souvent fictif, que les banques mettent en relation les agents à capacité de financement avec les agents à besoin de financement - , l'entreprise emprunte alors des fonds, elle s'endettera à moyen et long terme ;

    de façon directe en faisant appel au marché financier sur lequel l'entreprise pourra émettre des valeurs mobilières qu'achèteront les agents à capacité de financement. Ces valeurs mobilières sont des titres de créances, les obligations, ou des titres de propriétés, les actions. En les émettant les entreprises recueillent des fonds de la part de prêteurs ou ouvrent leur capital à de nouveaux actionnaires. En conséquence elles s'endetteront donc ou perdront un peu de leur indépendance de gestion selon qu'elles recourent à l'émission d'obligations ou d'actions.

 

Émettre des actions

 

Dans les deux cas des ressources à court terme trouvent des emplois à long terme. En effet les dépôts à vue permettent aux banques d'accorder des prêts à long terme, bien sûr en réalité la monnaie scripturale est crée par les banques. C'est encore plus évident sur les marchés financiers, puisque ceux qui achètent actions et obligations peuvent les revendre aussi rapidement qu'ils le souhaitent sur les marchés financiers, pourtant les obligations ne seront pas remboursés avant plusieurs années à leurs détenteurs et les actions sont émises pour toute la durée de vie de l'entreprise.

 

                         2. L'évaluation des circuits de financement

Jusqu'à la fin des années 1970 le circuit de financement habituel passait par les banques. Les entreprises s'endettaient auprès des établissements de crédit et ces derniers s'endettaient auprès de la banque centrale, on parlait d'une économie d'endettement. L'Etat pouvait ainsi largement contrôler l'accès au financement des entreprises, par l'intermédiaire d'une banque centrale aux ordres il encadrait les crédits des banques, décidait du taux de base de la banque centrale donc du taux d'intérêt. De plus par le secteur mutualiste et coopératif il pouvait (et peu toujours) faire bénéficier certains de conditions de crédit avantageuses.

Le développement des marchés financiers internationaux met fin à cette possibilité de contrôle à partir du milieu des années 1980. En France, le début des privatisations en 1986 a fait découvrir l'existence de la bourse à un actionnariat devenu populaire. La mondialisation dans son volet financier permet de mettre en relation les offreurs et demandeurs de capitaux du monde entier. Les Etats ne peuvent plus limiter l'accès des entreprises aux financements tant les offreurs de capitaux sont nombreux : Japonais cherchant à placer leur surplus d'épargne, fonds de pension américains gérant l'épargne-retraite. On parle désormais d'une économie de marchés financiers.

II. Les déterminants de l'investissement   

 

     A. Approche microéconomique

L’investissement est un acte risqué qui ne génère pas nécessairement les profits attendus.

 

Pour qu'une entreprise décide d'investir il faut réunir un certain nombre de conditions :

 

                 la demande anticipée doit être à la hausse et les capacités de production doivent être saturées, si tel n'est pas le cas l'entreprise n'aura pas besoin d'investir davantage pour satisfaire une augmentation de la demande ;

                le niveau des taux d’intérêts réels doit être plus faible que celui du taux de rentabilité prévu et l'entreprise doit être en situation de pouvoir s'endetter ;

                l'entreprise comparera aussi la productivité marginale du capital et la productivité marginale du travail afin de décider d'augmenter ou de diminuer l'intensité capitalistique de la production ;

                l'intensité de la pression concurrentielle peut pousser à développer l'investissement de productivité. 

         

                     1. La demande anticipée

 

L'entreprise produit en fonction de la demande qu'elle anticipe. L'objectif de l'entreprise est effectivement de satisfaire des besoins donc de coller à une demande en évitant rupture de stocks ou surproduction. En conséquence, une hausse de la demande devrait conduire à une augmentation des investissements nécessaires à l'augmentation des capacités de production.

Mais la demande anticipée n'est pas seulement nationale, elle vient également des exportations. La compétitivité internationale des entreprises doit aussi leur permettre d'anticiper leur capacité de satisfaire une forte demande étrangère. Or d'un côté les politiques de relance dopent la demande effective nationale, de l'autre leurs implications inflationnistes nuisent à la compétitivité.

 

                            2. Le niveau des taux d'intérêts

 

Les taux d'intérêts vont être dus aux prêteurs lorsque l'entreprise emprunte pour financer ses investissements. Il serait alors préférable, afin que les investissements se maintiennent voire se développent, que le taux d’intérêt réel soit faible (taux d'intérêt nominal dont on retire le taux d'inflation). Mais ce qui compte avant tout pour l'investisseur c'est que le taux de rentabilité soit supérieur au taux d'intérêt réel.

 

Le mécanisme de l'effet de levier

 

La comparaison faite entre la rentabilité économique et la rentabilité financière renvoie à la notion de profitabilité telle que la définit Edmond Malinvaud, c'est-à-dire le coût d'opportunité de l'investissement. Rappelons que le coût d’opportunité est défini comme ce qu’aurait rapporté un autre placement possible, placement auquel on a du renoncer pour réaliser cet investissement. Ici si la rentabilité économique devient inférieure au taux d'intérêt réel (profitabilité négative) alors les placements en titres de la dette d'Etat rapportent plus que les investissements, logiquement les entreprises préféreront placer plutôt qu'investir d'autant que le placement, lui, est sans risque, c'est l'effet d'éviction du déficit budgétaire.

Pour que la profitabilité soit positive il faut donc que le taux de rentabilité économique soit plus fort que le taux d'intérêt réel, en effet si il est le même on préférera placer car on sait combien nous rapportera notre placement mais on ne sait pas si notre investissement sera aussi rentable que prévu.

 

                            3. La capacité d'endettement

 

L'entreprise doit vouloir mais aussi pouvoir s'endetter afin d'investir.

 

Ainsi, même si le taux de rentabilité surpasse de beaucoup les taux d'intérêts réels, il n'est pas évident pour l'entreprise d'obtenir les fonds nécessaires à ses investissements. Les prêteurs potentiels, banques ou détenteurs d'obligations tiendront compte du niveau d'endettement à moyen et long terme de l'entreprise et le compareront à ses capitaux propres, ainsi l'entreprise idéale partagera son passif entre trois tiers égaux : l'endettement à moyen long terme, l'endettement à court terme et les capitaux propres. Si la capacité d'endettement est saturée l'entreprise ne pourra plus emprunter à moins d'augmenter son capital social et de se désendetter auparavant. L'endettement peut d'ailleurs amener l'entreprise à l'insolvabilité puis au dépôt de bilan.

                      4. La productivité marginale des facteurs

L’entrepreneur va comparer les fruits de l’allocation d’euros supplémentaires en investissements ou en emplois. Supposons que 10 000 € supplémentaires en investissements rapportent X € à l’entreprise, puis que 10 000 € supplémentaires  en main d’œuvre rapportent Y  . Si X est supérieur à Y et à 10 000 €, l’entreprise préfèrera accroître ses investissements plutôt que l’emploi et vice versa si Y est supérieur à X et à 10 000 €.

On dira que la décision d’investissement est liée au niveau de la productivité marginale. Le choix de l’intensité capitalistique (Capital/Travail) est fonction de la productivité marginale de chaque facteur de production. L’optimum d’affectation des ressources pour l’entreprise est réalisée lorsque la productivité marginale du capital est égale à la productivité marginale du travail.

De l'efficacité marginale du capital (Simonnot)

                                5. Innover pour être le premier

On peut renvoyer là à la fameuse recherche de rente de monopole de l'entrepreneur passant par des dépenses importantes en R & D. Mais sans aller jusqu'à innover radicalement, l'entrepreneur peut n'être qu'un suiveur, consacrant un budget à la veille technologique et achetant des brevets. Il peut aussi simplement souhaiter s'équiper de nouveaux matériels que ses concurrents possèdent déjà, ce dans le souci de rester compétitif. L'investissement pourra prendre une autre forme immatérielle puisque l'entreprise devra adapter ses salariés aux nouvelles techniques par la formation et cherchera à prendre des parts de marché par des dépenses de publicité.

 

    B. Approche macroéconomique

Une relation de causalité entre l'investissement et la croissance

                     1. Le multiplicateur d'investissement

L'augmentation des investissements est destinée à accroître production, augmentant ainsi le niveau de la croissance donc les revenus.

Ceci s'explique par l'action de l'investissement sur la demande et sur l'offre :

L'investissement agit sur la demande puisque, il faut le rappeler, un investissement consiste la plupart du temps en l'achat de machines, logiciels, brevets ... Les fournisseurs de ces marchandises vont donc augmenter leur production, leur valeur ajoutée et donc les salaires et les profits distribués ainsi que les impôts payés. Ainsi la demande augmente bien. Cela se constate par l'identité :

PIB + Importations = Consommation finale + FBCF  + Dépenses Publiques  + Exportations

L'investissement agit également sur l'offre et c'est là l'effet premier recherché puisqu'il permet une augmentation des capacités de production.

A partir de cette relation, John Maynard Keynes défend la stimulation de l'investissement par l'Etat au moyen d'une politique monétaire de taux d'intérêt faible, mais surtout au moyen de sa fameuse politique budgétaire. Ainsi Keynes suppose que l'Etat doit intervenir dans l'économie lorsque celle-ci est en récession et connaît le chômage. Dans de tels cas, l'Etat pallie le manque d'investissements privés par une politique d'investissements publics comme notamment celle des "grands travaux" du New Deal de Roosevelt ou encore la politique de réarmement d'Hitler, dont le ministre de l'économie était adepte des recettes keynésiennes.

Le secret du multiplicateur réside dans l'effet de diffusion de la dépense d'investissement initiale : les revenus issus de l'investissement vont donner lieu à des dépenses qui elles même donneront lieu à des revenus puis à de nouvelles dépenses, etc ... Les vagues vont ainsi s'enchaîner à l'infini pour que l'investissement initial soit multiplié par le coefficient multiplicateur.

Le multiplicateur d'investissement keynésien

Les théoriciens néo-classiques des anticipations rationnelles montrent que toute dépense publique devra être financée par une recette publique. Ce que l'Etat dépense d'un côté il doit le récupérer de l'autre, les agents anticipent donc une augmentation de la fiscalité et donc les politiques de relance par le déficit budgétaire risquent de n'avoir pas d'effets car les ménages n'augmentent pas leur consommation anticipant l'absence d'augmentation de leur pouvoir d'achat (car les dépenses publiques sont inflationnistes) et la hausse de la pression fiscale. Les entreprises, de leur côté s'attendent à un déficit budgétaire qui devra être financé notamment par l'épargne et va générer une hausse des taux d'intérêt créant un effet d'éviction de l'investissement privé.

L'investissement privé n'a pas besoin d'être remboursé, il possède donc un véritable effet multiplicateur, c'est donc cet investissement là qui ne doit pas être dissuadé par l'éviction du déficit budgétaire.

 

                  2. L'accélérateur d'investissement

 

Si il est entendu qu'une dépense initiale telle qu'un achat de biens de production (investissement) permet une augmentation par vague des revenus. La relation symétrique existe aussi, c'est-à-dire qu'une variation des revenus, puis de la demande va engendrer une variation de l'investissement que l'on considère plus que proportionnelle que l'on appelle coefficient de capital (K/D).

On parlera donc d'accélérateur d'investissement puisqu'une variation faible de la demande provoque une variation forte de la demande de biens de production, effectivement comme nous l'avons vu les entreprises investissent pour répondre à une hausse anticipée de la demande. Si la demande baisse ensuite ou cesse d'augmenter, l'existence de capacités de production excédentaire impliquera donc une baisse plus que proportionnelle de l'investissement, on parlera là de décélération.

 

Vérifions par l'exercice :

 

Demande anticipée

Stock de capital (coefficient de capital = 3)

Investissement

Variation de la demande (en %)

Variation de l’investissement

(en %)

10

30

-

-

-

12

36

6

+ 20 %

-

14

42

6

+ 16,7 %

0 %

19

57

15

+ 35,7 %

150 %

24

72

15

+ 26,3 %

0 %

24

72

0

0%

-100 %

 

 

III. Les implications du progrès technique sur la croissance

Tout au long du XXème siècle, la productivité a accompli des bonds considérables expliquant un rythme inégalé de croissance dont l'origine se situe dans les progrès techniques réalisés. Ces progrès découlent des applications concrètes des  inventions scientifiques et techniques, c'est-à-dire de ce que l'on nomme innovation.

Modifiant les techniques de production, ces innovations vont donner au facteur de production capital, puis à l'intelligence, une place de plus en plus importante dans la combinaison productive vis-à-vis du facteur travail.   

     A. L'innovation à la source des progrès techniques  

                        1. Innover pour échapper à la concurrence

L’augmentation de l’intensité capitalistique de la production amène à des craintes quant à la possibilité de suppressions d’emplois, mais aussi permet l’augmentation du pouvoir d’achat et la réduction du temps de travail. Le facteur travail est lui aussi soumis à un impératif d’augmentation de la productivité avec la nécessité d’une meilleure formation des salariés (voir plus haut : le capital humain).

La préoccupation de la productivité s'impose, elle permet une meilleure compétitivité au niveau des prix. Effectivement l'innovation permet de baisser les coûts, mais elle peut permettre aussi de se distinguer d'une autre façon face à la concurrence. L'entreprise pourra, par exemple, chercher à créer des variantes produits ou se créer une image de marque afin de rendre ses produits dissemblables de ceux des autres, on parle là de concurrence monopolistique. Mais le meilleur moyen de se différencier par le haut est d’innover radicalement de façon à obtenir une véritable situation de monopole sur le marché. Elle pourra ainsi imposer son prix. Mais cette rente de monopole sera seulement provisoire car l’innovateur est objet d’imitations. Les concurrents vont l’obliger à réduire son prix ou à innover encore pour à nouveau se différencier. 

                            2. Les formes de l'innovation

Schumpeter distingue ainsi 5 forme d'innovations :

              les produits nouveaux (automobiles) ;

              les nouvelles techniques de production (mécanisation) ;

              les marchés ou débouchés nouveaux (ouverts par de nouvelles routes commerciales) ;

              les nouvelle sources d'énergie, de matières premières (coton des Amériques) ;

              les nouvelles formes d’organisation des firmes (impartition, fusion de sociétés).

 

(Cf. Caccomo) A partir de là on distinguera les innovations de produit des innovations de procédé ; mais aussi les innovations majeures des innovations mineures.

 

                                                a. Innovations de produit ou de procédé

 

Ainsi l'innovation de produit consiste dans la mise au point d'un nouveau produit et permet à l'innovateur d'en fixer le prix, lequel dépendra du caractère plus ou moins novateur du nouveau produit. C'est ce même niveau de novation qui déterminera le délai qui sépare l'introduction de l'innovation, sa diffusion et son imitation par les concurrents. Pendant ce temps, la firme doit consacrer une part de ses profits à la R&D en vue de mettre sur le marché une nouvelle génération du produit lorsque la banalisation de son produit aura complètement épuisé son pouvoir de marché.

L'innovation de procédé consiste dans la mise au point et l'introduction de nouvelles technologies de production. Ces innovations sont cependant moins visibles. En effet, elles n'impliquent pas nécessairement une innovation dans le produit, mais une amélioration des techniques de production d'un produit existant. Elle permet alors une baisse des coûts de production et dégage donc un profit de l'innovation capable de financer la R&D à même de maintenir l'avantage technologique.

L’innovation confère un avantage de coût (lorsqu’elle porte sur des procédés, des matériaux des équipements) ou un avantage de marché (lorsqu’elle porte sur des produits : possibilité de différenciation ou de lancement de nouveaux produits).  

                                                b. Innovations majeures ou mineures

Les innovations majeures sont à l'origine des cycles Kondratieff.

L'innovation majeure correspond à l'introduction dans l'économie d'une technologie générique. Cette technologie générique est susceptible d'affecter l'organisation du travail et la productivité dans un grand nombre d'activités (exemple d'innovation majeure : la découverte des ondes et la mise au point de l'ordinateur donnera naissance aux NTIC).

Alors que l'innovation mineure constitue un changement progressif découlant de l'innovation majeure et permet d'améliorer et de transformer la technologie générique pour l'adapter aux spécificités des secteurs et des marchés qui vont l'adopter (exemple : micro-ordinateur puis multimédia).

Une fois épuisé le flux d'innovations mineures, l'entreprise se voit contrainte d'exploiter une autre innovation majeure susceptible de relancer le rythme de son activité.

 

                            3. Les NTIC

 

Quelle est l'augmentation de productivité induite par les nouvelles technologies ?

Alan Greespan, directeur de la Fed (1999)

 

Elle n'est pas forcément visible immédiatement et est difficilement quantifiable selon le paradoxe de Solow.

Mais la productivité induite n'est pas la même suivant que l'on se situe aux Etats-Unis ou ailleurs. Comment l'expliquer :

première hypothèse : l'augmentation de la productivité horaire impliquerait une réduction des effectifs salariés devenus redondants (si l'on produit autant avec moins de salariés la productivité augmente) ce qui ne permet pas aux pays connaissant un marché du travail moins flexibles que celui des Etats-Unis d'en profiter ;

seconde hypothèse : les restrictions à la liberté du commerce, les réglementations et les subventions maintiennent des secteurs peu productifs, empêchant les entreprises européennes et japonaises de se tourner vers la recherche de gains de productivité que permettent les technologies de l'information.

 

En quoi la notion de valeur est-elle transformée ?

 

 La quintessence du pouvoir économique de l'Amérique s'est transformée, il ne s'agit plus de gigantesques aciéries, de chaînes d'assemblage d'automobiles, de complexes pétrochimiques et de gratte-ciels. Notre PIB n'est plus dominé par le gigantisme produit par la force et le capital physique mais par les idées devenues les plus grandes créatrices de valeurs.

Aujourd'hui la valeur économique est symbolisée par la complexité extrême et l'extrême miniaturisation des circuits intégrés, et des idées qui sont la véritable substance de ces logiciels sans lesquels aucun circuit ne fonctionnerait.

La plupart de ce que nous percevons comme des richesses désormais sont des biens intellectuels et impalpables.

L'économie américaine connaît actuellement ce que Joseph Schumpeter qualifiait de processus de destruction créatrice, c'est-à-dire un processus par lequel les technologies émergentes remplacent les anciennes. Le niveau de vie augmente lorsque les revenus issus des structures utilisant les anciennes technologies sont déplacés vers le financement des investissements destinés aux nouvelles technologies. La richesse est créé par cette transition, laquelle d'abord lente s'accélère ensuite. Mais ce qui est remarquable avec la révolution des NTIC est le changement profond de la façon dont nous créons de la valeur. Avant pour fabriquer ce qui allait être l'objet d'une demande nous devions rechercher longtemps des informations sur les goûts des consommateurs et sur les matériels les mieux apte à fabriquer ce dont ils avaient besoin. Les prévisions de la production et de la demande donnaient lieu à des erreurs coûteuses, nous commettons encore des erreurs de prévision mais l'accès à une information en temps réel les a réduite.

Les innovations technologiques n'ont pas seulement touché l'industrie et la commercialisation. La biomédecine, par exemple, a révolutionné la médecine et l'agriculture, avec des conséquences bouleversant la qualité de la vie non seulement du peuple américain mais des peuples du monde entier.

L'explosion de variétés de produits de designs et de qualités différentes ont ouvert un potentiel de satisfaction des besoins des consommateurs qui n'existait pas il y a dix ans de cela ...   

 

 

 

La frontière entre l'industrie et les services devient beaucoup plus floue et les innovations s'y diffusent, contrairement à ce qu'avançait Fourastié.

 

Il suffit de considérer l'exploitation des potentialités du e-commerce pour s'en rendre compte et plus particulièrement dans le domaine du B to B. Là où les observateurs s'attendent à une forte croissance. Ainsi un marché électronique qui solliciterait automatiquement les offres de fournisseurs permettrait de réduire les coûts de recherche et de transaction des entreprises et ceux de l'économie dans son ensemble. Cette réduction des coûts signifierait moins de recherches improductives et moins d'heures perdues donc une augmentation de la productivité. Déjà le secteur automobile se lance dans le commerce sur le net, d'autres industries s'y mettent aussi.

    B. Le progrès technique remis en cause

                1. La peur de la destruction-créatrice

La société n'est pas toujours prête à accepter le progrès technique car il remet en cause les équilibres sociaux et engendre le processus de destruction-créatrice.

Nous l'avons vu, la première peur liée au progrès technique est la crainte pour l'emploi, celle-ci est aussi vieille que la Révolution industrielle puisque le mouvement luddiste en 1812 avait entrepris la destruction systématique des métiers à tisser créateurs de chômage. Cette peur repose sur l'obsolescence des compétences qui résulte du passage d'une technologie dépassée à une autre pour laquelle les salariés en place n'ont pas été formés. L'accélération technologique ne permet d'ailleurs plus à la formation initiale de former durablement aux technologies utilisables durant toute une vie.

La volonté de "maintenir des acquis" pousse les syndicats ouvriers à faire pression en faveur d'une politique protectionnisme au fur et à mesure que les technologies dépassées sont l'objet de la concurrence de pays moins avancés technologiquement (exemple du textile chinois). Ces pressions, dans la logique du politique, sont souvent suivies de succès car la communication se fait davantage sur les emplois détruits que sur les emplois créés. Pourtant, à plus long terme cette résistance d'arrière-garde freine les innovations ainsi que la croissance du niveau de vie.

 

Dans l’économie la plus efficiente du monde, l’économie américaine, les syndicats et des nationalistes tels que Pat Buchanan se plaignent de la déindustrialisation. Dans un sens, ils ont raison. Au cours de la seule décennie 1990, 1 million d’emplois américains ont été exportés et les entreprises réduisent constamment leurs effectifs. Il y a 50 ans, 3 Américains sur 10 travaillaient en usine, contre moins de 2 sur 10 aujourd’hui. Or cela représente une réussite et non un échec. Ceci a permis au travail et au capital américains de se consacrer à la création d’emplois nouveaux plus qualifiés dans des secteurs technologiques de pointe. A défaut de ce processus, le pays n’aurait pas ouvert la voie à l’énergie créatrice qui a donné naissance à Silicon Valley ou la croissance massive des industries du loisir et du divertissement pour lesquelles la demande est infinie. Oui, il est vrai que seul 1 Américain sur 10 travaille aujourd’hui en usine. Mais en même temps, un Américain sur dix travaille dans l’éducation, un sur dix travaille pour les industries de loisir et de divertissement, et encore un autre sur dix pour la finance, les relations publiques ou dans les technologies de l’information. Les Etats-Unis ont peut-être perdu 1,3 millions d’emplois dans les années 1990 ; mais au cours de la même période ils ont créé au total 15 millions d’emplois nouveaux. Et ce ne sont pas là 15 millions d’emplois chez McDonald’s. Car ces nouveaux emplois se situent dans les secteurs où l’économie américaine est la plus productive : plus de deux tiers des emplois créés ont un salaire au-dessus du salaire moyen.

Johan NORBERG

 

                        2. A quoi cela sert ?

 

Chaque époque a tendance à croire que tout a déjà été inventé et qu'il nous reste à gérer au mieux ce qui existe déjà. En fait les avancées de la recherche font autant progresser le champ de l'ignorance que le champ des connaissances (en découvrant que l'univers est en expansion, nous réalisons qu'il existe une masse manquante dans l'univers dont nous ne savons rien). Ces nouvelles découvertes sont de nature à déclasser les connaissances devenues obsolètes et à générer des applications propres à permettre la satisfaction de nouveaux besoins. Mais parce qu'elles sont coûteuses et remettent en question les positions des savants respectées ces recherches ne sont pas forcément poussées. Dans ce domaine l'Etat peut aussi décourager voire proscrire toute recherche en arguant du principe de précaution ou de considérations de bio-éthique. Mais les raisons réelles sont souvent plus prosaïques.

Ainsi un moteur à eau priverait l'Etat de sa précieuse TIPP, l'utilisation du colza comme carburant donne lieu à procès de l'Etat contre leurs utilisateurs justement pour fraude à la TIPP. Par ailleurs les grands chercheurs du CNRS et d'ailleurs n'accepteraient pas facilement de reconnaître que les théories qui ont fait leur fortune sont fausses.

Il faut aussi rappeler que l'histoire a failli passer devant de grandes innovations car elles apparaissaient sur le moment inutiles ou farfelues.

En 1878, un professeur d'Oxford traita l'invention de la lumière électrique de "gadget". La bicyclette fut perçue comme un engin absurde ; l'automobile comme une machine bruyante et sans avenir qui risquait d'entraîner des déformation du corps humain comme le relatent Auckenthaler et Ducatte.

 

                            3. Les exclus de la technologie

 

Les exclus de la technologie existent aussi, ce sont :

des exclus économiques qui ne peuvent y avoir accès faute de moyens, mais dans les pays développés la fracture numérique se comble ;

  des exclus géographiques dans le cadre de réseaux, c'est-à-dire ceux qui ne sont desservis ;

des exclus culturels qui refusent de se former par réflexe conservateur et technophobie.