Échange et spécialisation du travail
Le commerce se traduit par le fait que la personne qui est la plus à même de fabriquer des bicyclettes s'attelle à cette tâche, il en va de même pour celle qui trait les vaches le plus rapidement et s'en occupe le mieux, pour celle qui sait le mieux fabriquer des appareils de télévision. Une fois que chacun s'est ainsi spécialisé, ils pourront échanger entre eux afin d'obtenir ce dont ils éprouvent le besoin et ainsi avoir accès à des biens qu'ils n'auraient pas pu produire eux mêmes. La possibilité de choisir librement nous permet de choisir le meilleur produit au coût le plus faible. Dans une boutique française nous pouvons acquérir des mangues et des ananas mêmes si nous ne sommes pas capables d'en faire pousser en métropole. Les habitants de la Norvège ou du Canada ont accès à des légumes verts en plein hiver et ceux des pays sans façade maritime peuvent se procurer du poisson de mer. De cette liberté du commerce des biens et des services résulte la possibilité pour chacun de se spécialiser dans ce qu'il fait le mieux et la capacité de vendre sa production à ceux qui le désirent. Mais en réalité la défense de la liberté du commerce va plus loin. On peut penser qu'il est intéressant de vendre un bien aussi longtemps qu'on est capable de le produire plus efficacement que n'importe quel autre, mais alors on pourrait dire que celui qui n'est pas le plus apte à produire quoi que ce soit ne pourra pas obtenir d'argent de qui que ce soit. Il sera alors exclu. Certains pays et certaines entreprises sont plus avancés que d'autres, peut être qu'elles sont capables de faire tout mieux que leurs partenaires commerciaux les plus faibles. Mais il faut savoir que l'on gagne à commercer même si l'on produit moins efficacement qu'un autre. En vérité ce qui importe est de se spécialiser dans ce que l'on sait faire le mieux, peu importe si l'on est le meilleur ou pas. |
Imaginons deux personnes. La première, Julia est chirurgienne, mais elle est aussi un cordon bleu accompli. L'autre c'est Jean-François, il n'a pas de qualifications particulières et ne cuisine, de toute façon, pas aussi bien que Julia. Jean-François voudrait bien acquérir une qualification pas trop compliquée, afin de pouvoir se spécialiser dans une activité et ainsi acquérir par l’échange des services trop difficiles pour lui à produire : il aurait besoin par exemple de soins médicaux et il ne peut pas s'improviser médecin ou chirurgien. Julia ne pourrait-elle pas alors échanger ses services de chirurgie contre des services de restauration proposés par Jean-François ? En fait le coup d'opportunité d'une activité autre que la chirurgie est très élevé pour Julia, elle a donc intérêt à ne se concentrer que sur la chirurgie. De toute façon, même si elle met deux fois moins de temps à faire un repas que Jean-François, elle est un millier de fois meilleure en chirurgie que lui. En conséquence elle pratiquera la chirurgie a plein temps et utilisera les services de Jean-François pour ses repas. En se spécialisant dans ce qu'elle fait le mieux, elle maximisera ses ressources et pourra se permettre d'acquérir tous les autres biens et services.
Tous ceux qui rejettent la liberté du commerce pour cause de termes de l'échange inégaux ou de dotations factorielles différentes demanderaient à Jean-François de ne pas se spécialiser et donc de ne pas échanger avec Julia. C'est ignorer qu'il bénéficie de cet échange, car en se consacrant à la cuisine et en commerçant cette activité contre d'autres, il s'en sort de manière plus favorable que s'il devait produire pour ses besoins des soins médicaux ou une bicyclette. Les économistes ont théorisé ce type d'échange sous le terme d'avantages comparatifs. Jean-François n'a donc pas besoin d'être le numéro un des cuisiniers, il suffit que cuisiner soit la chose qu'il fasse le mieux pour qu'il ait intérêt à se spécialiser dans cette activité au lieu de tenter de produire par ses propres soins tout ce dont il a besoin. On dira qu'il se spécialise dans l'activité pour laquelle il possède un avantage comparatif.
Il n'est pas nécessaire de considérer ici différents niveaux d'entraînement ou de formation, une différence en matière de temps d'accomplissement de l'activité ou de chances suffisent à déterminer une spécialisation. Dans notre exemple supposons deux personnes échouées sur une île déserte, pour survivre ils ont besoin de poissons et de légumes. Pour obtenir sa ration journalière d'un poisson et de 1 kilo de patates douces, Julia a besoin de faire de la cueillette pendant 2 heures et de pêcher pendant 1 heure. Jean-François, pour arriver au même résultat, a besoin de 2,5 heures de cueillette et de 5 heures de pèche. Julia s'en sort donc mieux pour ces deux activités. Cela n'empêche qu'elle ait intérêt à échanger avec Jean-François car elle peut ne se consacrer qu'à ce qu'elle sait faire le mieux, c'est-à-dire la pêche. En consacrant ses 3 heures d'activité journalière à pécher, elle obtient 3 poissons, Jean-François en consacrant ses 7,5 heures d'activité à la recherche de patates en obtient 3 kilogrammes. Avant de se spécialiser et en utilisant un temps d'activité équivalent, ils obtenaient globalement 2 poissons et 2 kilos de patates douces, ils obtiennent maintenant 3 poissons et 3 kilos de patates douces. En échangeant ils obtiennent alors des rations supplémentaires à hauteur de 50 % de plus que sans échange. Ils pourront alors effectivement choisir d'augmenter leurs rations ou ne pas les augmenter et profiter de plus de temps libre en travaillant moins. Si il leur était aussi possible de s'adonner aux échanges avec les habitants des îles voisines, ils pourraient troquer leurs surplus alimentaires contre des vêtements, des outils, toutes choses pour lesquelles leurs voisins détiendraient un avantage comparatif.
Évidemment l'exemple donné est très simplifié, mais il pose la manière selon laquelle fonctionne la règle de l'avantage comparatif. Cette règle s'applique aussi bien au niveau des pays qu'au niveau des individus. On pourrait par exemple remplacer Jean-François et Julia par la France et le Canada et les patates douces et les poissons par des parfums de luxe et du sirop d'érable. La règle en restera qu'il est profitable de se spécialiser dans l'activité pour laquelle nous sommes relativement le plus doué - même si d'autres sont encore plus doués dans cette activité - d'où le "relativement". Cette spécialisation peut être due à de simples facteurs naturels, par exemple la Suède détient du minerais de fer et l'Arabie Saoudite du pétrole. Mais elle peut provenir d'autres facteurs, ainsi l'industrie informatique est la spécialisation de la Silicon Valley et celle de la mode est une spécialité du nord de l'Italie non pas en fonction de facteurs naturels mais tout simplement parce que des qualifications, des contacts, de la main d'œuvre spécialisée dans ces métiers se sont accumulés en ces endroits.
Ces simples exemples nous démontrent l'absurdité des positions énonçant que chaque pays devrait être autosuffisant et ne produire que pour sa propre population. Avec le commerce international, produire pour les autres c'est aussi produire pour les besoins de sa propre population. (C'est en produisant et en exportant ce que nous faisons le mieux que nous obtenons les moyens d'importer ce dont nous avons besoin). Pourtant beaucoup de pays pauvres en Amérique du sud, en Afrique et ailleurs, ont cru au sortir de la seconde guerre mondiale que la bonne politique était celle de l'autosuffisance. Ils ont prétendu alors produire "pour leurs besoins et non pas pour le profit", c'est à dire tout fabriquer eux-mêmes à des coûts pharamineux. Les pays d'Asie du sud-est, pauvres eux aussi, ont fait exactement le contraire. Ils ont produit en grandes quantités ce qu'ils savent le mieux faire afin de l'exporter. En retour ils ont obtenu le pouvoir d'acheter à des prix plus faibles ce dont ils avaient nécessité. Les premières exportations de la Corée du sud étaient des circuits imprimés et des perruques, ceux de Hong-Kong des fleurs en plastiques et des jouets bon marché.
Johan NORBERG, Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste.
Questions
1. Mettez en évidence les gains que permet la spécialisation dans le cas de Julia et de Jean-François.
2. Que pourrait-on qualifier d’échange inégal ?
3. Un échange inégal est-il un échange inéquitable ?
4. Quel est le premier économiste à avoir théorisé l'avantage comparatif, quelle théorie était ainsi approfondie ?
5. Quelles sont les implications de la théorie de l'avantage comparatif ?
6. Expliquez la phrase soulignée.
4. La théorie des avantages comparatifs a été théorisée par David Ricardo (James Mill selon Simonnot), elle est un approfondissement de la théorie des avantages absolus d' Adam Smith.
6. L'exportation permet d'obtenir des devises nécessaires à l'importation de produits, elle permet d'obtenir plus que nous obtiendrons nous même en autarcie. Nous avons vu qu'en se spécialisant dans ce que l'on sait le mieux faire plutôt qu'en produisant tout ce dont nous avons besoin, nous obtenons un rapport d'échange externe plus favorable que le rapport d'échange interne.
Troisième leçon : De l'avantage comparatif, Philippe Simonnot
1. Que révèle l'échange ?
2. Exposez la théorie des avantages comparatifs
3. Pourquoi les entraves au commerce extérieur ne rétablissent ils pas la balance commerciale ?
1. L'échange démontre le système de préférence de l'individu qui échange et il est nécessaire que ce système de différence lui soit propre, subjectif, pour que l'échange puisse avoir lieu. Ainsi pour que l'on puisse acheter une bouteille de lait à 0,5 €, il faut que le commerçant préfère 0,5 € à une bouteille de lait.
2. La théorie des avantages comparatifs expose que chacun a intérêt à se spécialiser dans l'activité pour laquelle il est le plus productif comparativement à toutes les autres activités qu'il pourrait entreprendre. Appliqué au commerce international cette théorie rend évidente la nécessité de la liberté des échanges et démontre l'enrichissement global qu'elle permet.
3. Tout simplement car les importations sont liées aux exportations. Ainsi, une politique de subvention aux exportations apporte des devises. Ces devises en retour seront utilisées pour importer des biens ou des services. Donc comme le dit Simonnot : "la subvention à l'exportation est une subvention à l'importation". Symétriquement les droits de douane rendent les importations plus difficiles, donc restreignent les exportations vers les pays entravés qui n'auront pas assez de notre monnaie nationale - obtenue en exportant chez nous - pour qu'ils puissent nous acheter nos produits.
Il faut aussi tenir compte de la surenchère protectionnisme et des mesures de rétorsions qui conduisent les Etats à répondre à des mesures de soutien des exportations par des mesures du même ordre ou des entraves aux importations, cette surenchère conduit les consommateurs à payer toujours plus chers des produits et aux contribuables à payer toujours plus pour soutenir les producteurs locaux.