La mondialisation, un phénomène économique, social et culturel
Ce cours a été repris à partir de l'article ci-dessus de Pascal Salin, mais aussi à partir d'un article "Mais pourquoi cette haine des marchés" écrit en juin 1997 par Martin Wolf du Financial Times
I. Le phénomène de mondialisation
A. Définir la mondialisation
Le Fonds monétaire international (FMI) définit la mondialisation comme « l’interdépendance économique croissante de l’ensemble des pays du monde, provoquée par l’augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontières de biens et de services, ainsi que des flux internationaux de capitaux, en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la technologie ».
Elle consiste donc en les conséquences de la libre circulation des biens, des services et des capitaux par delà les frontières des Etats.
Évolution des mouvements internationaux de capitaux (milliards de dollars, moyenne annuelle)
L'extraordinaire
développement de la circulation internationale des capitaux, dont les flux
mondiaux sont 70 fois plus importants que les flux d'opérations courantes,
représente une manifestation de ce que permet la mondialisation, fruit
de la déréglementation et des NTIC. Les moyens techniques permettent
de relier en permanence l'ensemble des places financières du monde sur
lesquels se déplacent des capitaux à la recherche des placements
les plus attractifs (fonds de pension, fonds spéculatifs). Ainsi les politiques
de chaque pays sont jugées en permanence, attirant ou effrayant les investisseurs,
la désintermédiation permet aux entreprises porteuses de projet
de s'abstraire des contraintes de financement posées par les Etats.
Mais
nous verrons aussi que la mondialisation possède des aspects culturels
: on parle aujourd'hui du village global comme si les différentes cultures
se rapprochaient. B.
Pourquoi la mondialisation s'est-elle enclenchée ?
1. Dater la mondialisation
La
part du commerce international dans le produit mondial est de 20 % en 2000, elle
était de 7,1 % en 1950, mais de 12 % en 1913, niveau que l'on ne retrouve
qu'au début des années 1980. De plus, comme l'explique André
Fourçans : "Les
flux financiers entre l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon, l’Argentine et l’Australie
étaient notablement plus élevés, en proportion de la richesse produite, entre
1870 et 1914 qu’entre … 1970 et 1996, comme l’a montré Maurice Obstfeld, professeur
à l’université de Berkeley. Quant à la France, sa situation est encore plus révélatrice :
si de 1990 à 1996 les flux de capitaux représentaient 0,7 % de la richesse nationale,
ils s’élevaient à 2,4 % entre 1870 et 1889, soit quelque trois fois plus."
La mondialisation des échanges commerciaux et des capitaux n'est donc pas
si nouvelle, mais elle prend aujourd'hui une autre dimension par contraste avec
le protectionnisme qui s'empara de la planète après la première
guerre mondiale. Il faudra aussi attendre l'ouverture des marchés des capitaux
à la fin des années 1980 pour qu'explosent les flux de capitaux
: 2 000 milliards de dollar circulent chaque jour alors que les échanges
commerciaux journaliers se montent à quelques dizaines de milliards de
dollars par jour. 2.
Application des progrès technologiques
C'est
surtout les technologies de l'information et de la communication, l'abaissement
du coût des transports qui ont permis plus facilement la rencontre des producteurs
et des consommateurs du monde entier. Et là encore comme nous l'avons vu pour
la croissance et le développement qui sont des phénomènes cumulatifs engendrant
un cercle vertueux. Le développement des technologies et de la concurrence se
renforcent aussi l'un et l'autre. Comme l'a écrit Friedrich Hayek la concurrence
est un processus de découverte dans le sens où la concurrence permet la transmission
d'informations. C'est par la connaissance d'une concurrence satisfaisant mieux
et moins cher les besoins de sa clientèle, que les producteurs sont poussés à
découvrir le secret d'une plus grande efficience. Donc la concurrence pousse aux
cinq types d'innovations dont parle Joseph Schumpeter.
On
peut vérifier que les innovations actuelles ont ouvert une concurrence mondialisée,
qui elle même a développé les innovations. Ainsi,
entre 1930 et 1990, le prix moyen facturé pour chaque mile de transport aérien
a baissé de 0,68 à 0,11 dollar ; celui d’une communication téléphonique de
trois minutes entre Londres et New York est passé de 244,65 à 3,32 dollars. Entre
1960 et 1990, le coût d’une unité de puissance informatique a décru de plus de
99 %. De l’amélioration des communications est née une innovation organisationnelle :
la firme multinationale, superbe mécanisme de transfert de technologies par-delà
les frontières.
La technologie rend la mondialisation
possible. La libéralisation la déclenche.
3. Organiser
la libération des échanges
Et
la libéralisation a été au rendez-vous : entre 1970 et 1997, par exemple,
le nombre de pays ayant aboli les contrôle des changes affectant les importations
de biens et de services est passé de 35 à 137. On peut donc insister encore
une fois sur le fait que l’économie mondiale des annés 1980 était
moins intégrée qu’avant la première guerre mondiale. A leur apogée d’avant 1914,
les sorties de capitaux britanniques avaient représenté jusqu’à 9 % du produit
intérieur brut (PIB) du Royaume-Uni, c’est-à-dire, en proportion de leur PIB
respectif, deux fois plus que celles de l’Allemagne et du Japon dans les années
80. A l’époque, il existait une monnaie unique mondiale : l’or. Et, au
tout début du siècle, le nombre de travailleurs franchissant les frontières
était plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui.
L'éclipse
de la mondialisation fut marquée d'une part par la volonté de développement
autarcique des totalitarisme (nazisme, fascisme, communisme) et par l'acceptation
keynésienne du protectionnisme.
La
mondialisation fit timidement son retour dans les années 70. Ainsi, dès 1970,
la part des exportations rapportée à l’ensemble de la production était revenue
à son niveau de 1913. Depuis, elle est montée de 12 % à 17 %.
Des organismes
internationaux comme le GATT puis l'OMC ont défendu un "libre échange encadré"
avec des moyens de pression dans le cadre de l'OMC, on peut leur imputer partiellement
cette ouverture commerciale.
De plus, la fin de l'économie
d'endettement laisse sa place à d
es
marchés financiers hautement intégrés, les technologies sont transférées à des
rythmes sans précédent et les gouvernements sont de plus en plus liés par des
accords multilatéraux. Pourquoi tant de gouvernements ont-ils choisi - ou été
contraints - de s’ouvrir à l’économie mondiale ? La réponse tient dans les
leçons de l’expérience. Les Etats ont le pouvoir de mettre leurs citoyens en prison,
mais ils ne peuvent pas obliger des prisonniers à faire preuve du même esprit
d’initiative que des individus libres.
La
contrainte extérieure a toujours existé et les deux chocs pétroliers
de 1973 et 1979 nous le rappellent. Mais elle est d'autant plus contraignante
pour les politiques des États que leurs frontières sont ouvertes
aux marchandises, aux services et aux capitaux.
Mais
tout change avec la perméabilité des frontières : les Etats
ne peuvent plus facilement contrôler, comme ils le faisaient autrefois, les créations
de richesses, leur circulation et leur répartition. La concurrence fiscale et
réglementaire permet par exemple de s'installer là où les réglementations sont
moins contraignantes et spoliatrices. En ce sens la mondialisation développe les
capacités productives des entreprises et marque un recul du pouvoir d'intervention
des Etats, lesquels ne peuvent plus utiliser l'arme du crédit sur les entreprises
(les marchés des capitaux n'ont pas de frontière et l'époque de l'économie d'endettement
est révolue) et peinent à mettre en place des politiques protectionnistes (sauf
les politiques industrielles de subvention dénoncées par la Commission Européenne).
La
concurrence et les changements de perspectives économiques qui accompagnent nécessairement
la mondialisation ont curieusement des incidences politiques majeures. En effet
la mondialisation ne crée pas seulement une concurrence entre entreprises, mais
aussi entre Etats, et va donc avoir le double effet de libérer les Etats de la
pression des groupes d'intérêt et d'alléger la part de l'Etat dans la vie sociale.
Les
Etats étaient les complices et les artisans du protectionnisme tant qu'ils opéraient
souverainement à l'intérieur de leurs frontières. Mais déjà les traités de commerce,
surtout lorsqu'ils s'assortissaient de la clause de la nation la plus favorisée,
avaient au XIX° siècle diminué le degré de liberté des gouvernements, obligés
de respecter leurs engagements. Maintenant, tout effort des Etats pour soustraire
leurs nationaux aux disciplines du marché risque d'être vain. On le voit bien
en France. C'est au nom du traité de Maastricht et de la construction européenne
que l'on a abandonné ce qu'il y avait de plus outrancier dans la politique agricole
commune et dans la protection des paysans français. Au nom de la concurrence la
France a été obligée de privatiser ses télécommunications, la Régie Renault, les
banques nationalisées, etc.
Finalement
les Etats ne peuvent plus rien pour protéger leurs nationaux. Voilà qui pourrait
desserrer l'étau dans lequel ils étaient prisonniers, et redonner à la démocratie
un visage plus sympathique que celui de la distribution de prébendes et de privilèges
aux amis et soutiens du pouvoir. A leur tour, les Etats devront desserrer l'étreinte
sur les particuliers, et notamment sur les entrepreneurs. En effet, dans la compétitivité
internationale, l'avantage ira aux ressortissants des Etats ayant la main fiscale
et réglementaire la plus douce. L'harmonisation des impôts et des législations
se fera nécessairement dans le sens de l'allègement, puisque les économies sont
plus performantes quand elles sont plus libres, comme le montrent les statistiques
sur les " indices de liberté économique ". Il y aura donc nécessairement une reconsidération
du rôle de l'Etat, qui se cantonnera de plus en plus dans ses tâches " régaliennes
" comme la police, la justice et la défense. Ce sera la fin de l'Etat Providence.
Un certain nombre de socialistes s'en rendent compte et le déplorent. On peut
par exemple citer le très récent ouvrage écrit par une vingtaine d'énarques, hauts
fonctionnaires français " Notre Etat " : " Le bon vieil Etat jacobin a donné toute
sa mesure depuis deux cents ans, il s'essouffle et fait peine à voir. "
Jacques
GARELLO in "La mondialisation, vue par les marxistes et par les libéraux",
2001
2.
Les politiques économiques inefficaces
Au-delà
de la course à la réduction des coûts, les dirigeants des
entreprises sont aussi confrontés à la recherche par les actionnaires
des rendements les plus élevés. La mondialisation des capitaux met
ainsi fin à ce que Galbraith appelait la technostructure, c'est-à-dire
la toute puissance des managers salariés qui imposaient leurs choix aux
actionnaires et favorisaient les salaires et l'autofinancement au détriment
des bénéfices. Effectivement, la capacité des actionnaires
au travers notamment des gigantesques fonds de pension, de voter avec leurs pieds
en cherchant les entreprises qui dans le monde assurent de forts dividendes, imposent
aux entreprises côtées sur les marchés de redonner le pouvoir
aux propriétaires des capitaux, on parle là de corporate governance.
A ce sujet les syndicats dénoncent une course vers la satisfaction des
actionnaires au détriment des salariés, les grandes entreprises
se retrouvent accusées d'amputer leur masse salariale au profit de la part
versée aux dividendes dans la valeur ajoutée. Ils opposent ainsi
les intérêts des travailleurs à ceux des apporteurs de capitaux
comme le faisait Marx, mais c'est oublier que ces apporteurs de capitaux sont
la plupart du temps eux-mêmes des salariés dont l'épargne
retraite est gérée par les fonds de pension. C'est donc le système
d'assurance sociale qui fait là toute la différence puisque le système
par répartition opère une dichotomie entre salariés et actionnaires
au contraire du système de capitalisation.
III.
La mondialisation au service du développement ?
1.
Echange inégal ? - les pays pauvres encore plus pauvres ?
En
référence au commerce entre pays inégaux. Il est vrai que le commerce intra-branche
devient dominant dans le commerce international et que la majeure partie des
échange se fait entre pays des mêmes blocs régionaux (à l'intérieur de l'UE
ou de l'ALENA). Mais le commerce implique de la part des échangeurs des besoins
différents et des spécialisations différentes, donc le commerce entre pays inégaux
n'est en rien un commerce inégal puisqu'il est à somme positive même si
les
termes de l'échanges peut favoriser plus un pays que l'autre. La loi
des avantages comparatifs de Ricardo montre démontre d'ailleurs cela. Parler
de commerce inégal pour suggérer l'autarcie aux PED est une façon de prôner
le protectionnisme.
La mondialisation
est source de richesse pour les plus pauvres
L'échange
inégal existe pourtant mais pas de la façon dont on le croit. Ce sont les entraves
à la mondialisation qui le créent, quand par exemple un pays développé augmente
les droits de douane sur des exportations de PED tels que les produits agricoles
ou les produits à forte intensité en main d'oeuvre non qualifiée, sous prétexte
de protéger son industrie. Ce protectionnisme n'a pas disparu et reste admis par
l'OMC sous la forme de droits anti-dumping abusifs. Dans le cadre de la Politique
Agricole Commune, la pratique protectionniste constituant à subventionner les
exportations prive les PED de débouchés à leurs produits traditionnels et appauvrit
les paysans du Tiers Monde.
A ceux qui penseraient que
la mondialisation serait un stade supérieur d'impéralisme permettant
aux puissances déjà riches de se développer en pillant les
ressources du Tiers-Monde, une confrontation avec l'étude de David Dollar
et d'Art Kraay serait tout à fait indiquée. Effectivement, ces deux
économistes de la Banque Mondiale ont tiré de leur étude
portant sur des statistiques de croissance sur quarante ans (1960-2000) pour 125
pays, la loi du "One To One". Cette loi énonce que la croissance
du revenu des pays les plus pauvres augmente dans la même proportion que
le revenu moyen par habitant dans l'ensemble des 125 pays. "Une augmentation
de 1 % du revenu moyen mondial par habitant donne une augmentation de 1 % du revenu
moyen des pays les plus pauvres ".
Bien sûr certains pays
s'en sortent moins bien que d'autres et sur ces quarante ans les pays les plus
pauvres qui se sont insérés dans la mondialisation connaissent une
hausse du revenu moyen par habitant plus forte que la moyenne mondiale, alors
que cette hausse peut ne pas avoir lieu chez les oubliés du commerce mondial.
Dollar et Kraay nous l'illustre à travers le développement d'un
des pays les plus pauvres au monde qui profite actuellement de la mondialisation
: le Vietnam.
Ils
montrent qu'avant la libéralisation du début des années 1990,
la population paysanne dans sa presque intégralité vivait très
mal de la riziculture. Mais en 1998 l'ouverture au commerce international leur
avait permis de vendre le riz plus cher et de bénéficier de fertilisants
meilleur marché. Le revenu paysan avait donc pu largement augmenter. De
1993 à 1998, parmi les paysans de l'échantillon observé,
Dollar et Kraay ont constaté que dans chaque famille certains sont devenus
citadins pour s'employer dans les nouvelles usines étrangères. Les
nouveaux ouvriers profitaient ainsi des délocalisations et sans qualifications
ont vu leurs revenus mensuels passer à 50 dollars en 1997 alors qu'ils
n'étaient que de 9 dollars en 1989. Quant aux plus qualifiés, encore
trop rares, ils ont pu bénéficier de salaires très intéressants
pour le commun des Vietnamiens.
A
ceux qui pensaient que les salariés des PED étaient exploités
par les multinationales il importe donc de rappeler que les FMN y rémunère
en moyenne leurs salariés locaux deux fois plus que les employeurs du pays
dans un même secteur d’activité, que les salariés dans les secteurs exportateurs
sont les mieux payés et enfin que les multinationales américaines
sont celles qui paient le plus : en moyenne 8 fois plus que le salaire moyen du
pays !
La mondialisation
expliquée à ma fille
2.
Destruction d'emplois - les pays développés touchés par la pauvreté ?
Au
cours des deux dernières décennies, les écarts de salaires se sont fortement creusés
entre travailleurs qualifiés et non qualifiés des économies développées, ou bien
le chômage de ces derniers y est allé en augmentant, ou bien les deux phénomènes
se sont combinés. Cela malgré la progression de l’offre de travailleurs qualifiés.
Certains font porter la responsabilité de cette évolution à la concurrence croissante
des pays à bas salaires. On peut effectivement avoir cette impression, mais les
faits montrent qu’elle est largement erronée.
La
théorie est simple : les importations en provenance de pays disposant d’une
relative abondance de travailleurs non qualifiés devraient faire baisser les prix
des produits qui utilisent cette main-d’oeuvre de manière relativement intense.
Cela conduira à faire évoluer la production des pays développés vers les produits
à forte intensité de main-d’oeuvre qualifiée, accroissant la demande pour cette
dernière et faisant chuter celle de travailleurs non qualifiés. Il s’ensuivra
soit un écart accru entre les rémunérations des travailleurs qualifiés et celles
des travailleurs non qualifiés, soit une poussée du chômage chez ces derniers.
Cette
théorie est élégante. Mais les données disponibles donnent à penser que les prix
relatifs des biens produits par de la main-d’oeuvre non qualifiée n’ont pas diminué,
sans doute parce que les importations de pays comme la Chine ont remplacé celles
de pays comme la Corée, plutôt que les productions de pays développés. De plus,
les importations de marchandises des pays en développement ne représentent que
3,8 % de la production totale des économies avancées. Dans un document de travail
du FMI, « The Effect of Globalisation on Wages in Advanced Economies »,
Matthew Slaughter, de Dartmouth College, et Philip Swagel, du FMI, concluent que
« l’augmentation du commerce explique seulement entre 10 % et 20 % des
modifications intervenues dans la répartition des salaires et des revenus dans
les pays développés ».
3.
La question du "dumping social"
L'une
des accusations les plus souvent portées contre la mondialisation est celle
du dumping social. En favorisant l'implantation dans les pays dans lesquels les
réglementations fiscales mais aussi sociales, la mondialisation serait
destructrice de règles et de droits acquis. Le terme de dumping social
a ainsi été utilisé la première fois lors de la
délocalisation
de l'usine Hoover de la France vers l'Ecosse, les employeurs ayant licencié
des salariés pour créer des emplois ailleurs en limitant le coût
de la masse salariale et en améliorant la flexibilité du travail.
Mais
l'accusation de dumping social porte de plus en plus souvent sur les travailleurs
des PED. Pourtant dire que les Chinois menacent l'emploi des Français lorsqu'ils
sont payés 20 fois moins n'a pas de sens, il faut raisonner en fonction
de la productivité des uns et des autres et on constate que la main d'oeuvre
faiblement qualifiée des PED est certes moins payée mais elle est
aussi moins productive. Ainsi comme le dit Zaki Laïdi dans "Malaise
dans la mondialisation" : "Pour un ouvrier français qualifié,
le concurrent est européen et américain plutôt que bengali,
sauf naturellement pour certains produits utilisant une forte main d'oeuvre. Car
c'est avec les Européens et les Américains que la France commerce
le plus. C'est donc avec les pays ayant des niveaux de salaires et de productivité
équivalents que la concurrence est la plus sensible. Et c'est dans ce contexte
que la question de la compétition entre systèmes sociaux entre en
jeu. En effet, quand vous vous trouvez en concurrence avec des pays qui produisent
les mêmes produits que vous, à des salaires équivalents et
à des niveaux de productivité comparables, la différence
va porter sur les composantes du coût du travail qui ne relvent pas du salaire,
c'est-à-dire les charges sociales, autrement dit la protection sociale.
Avec l'intensification de la concurrence, cette dimension sera de plus en plus
présente."
Les syndicats, se voulant
garants des droits acquis et de nouveaux droits à acquérir sont
donc les premiers à dénoncer les implications de la mondialisation
sur le monde du travail et le système de protection sociale à la
française : la limitation légale de la durée du travail,
les réglementations du travail et le système de financement de la
Sécurité sociale seraient menacés face à la compétition
que se livrairaient les pays pour attirer l'activité. Le chômage
important en France serait donc bien la conséquence d'un droit du travail
rigide.
Les
anti-mondialistes mettent l'accent sur deux périls aussi graves l'un que l'autre
:
-
d'une part les pays pauvres sont exploités par le capitalisme mondial qui vient
s'installer dans le Tiers Monde pour tirer le meilleur parti de ressources naturelles
abondantes et surtout d'une main d'œuvre bon marché ;
Jusqu'à
un certain point les deux arguments sont contradictoires, puisque les mêmes personnes
soutiennent que les pays pauvres sont exploités (donc ne peuvent pas nuire puisqu'ils
sont les victimes du commerce mondial), mais aussi qu'ils sont dangereux (puisqu'ils
perturbent le commerce mondial). La contradiction disparaît si l'on songe que
dans l'esprit de ceux qui utilisent ces arguments, il y a un coupable et un seul
: le capitalisme, qui prend des aspects différents suivant les pays considérés.
Mais surtout ces arguments sont vides de sens, puisque ce sont incontestablement
les pays les plus ouverts au commerce mondial et aux capitaux étrangers qui ont
réussi leur décollage, et où le produit par tête s'accroît à une vitesse spectaculaire.
Par voie de conséquence, les écarts de revenus entre les individus eux-mêmes sont
en train de se résorber dans ces pays émergents, même si les vestiges de la pauvreté
récente sont encore très visibles. Quant au " dumping social " il signifie simplement
qu'avant d'acquérir des " droits sociaux " et de prévoir des retraites confortables,
les individus les plus pauvres désirent acquérir le droit de survivre, et peut-être
de préparer très modestement l'avenir. On pourrait évidemment obliger les habitants
des pays pauvres à avoir deux voitures, une résidence secondaire, et à manger
caviar et foie gras: c'est ce que souhaitent implicitement ceux qui déclarent
qu'on ne peut soutenir la concurrence avec des gens " qui se contentent d'un bol
de riz " (à moins qu'ils ne veuillent suggérer que les Européens devraient aussi
se mettre au bol de riz). Mais les bas salaires sont acceptés et préférés à pas
de salaire du tout. Cette observation statique doit nécessairement se compléter
d'une perspective dynamique. A terme, les salaires ne manquent pas d'augmenter
avec la productivité. A terme, les familles investissent davantage dans l'éducation
et la formation, et ce " capital humain " rapportera plus tard des revenus supérieurs.
A terme, les niveaux de vie, sans aller jusqu'à la convergence totale, se rapprochent
entre les personnes appartenant aux pays émergents et aux pays anciennement développés.
N'est-ce pas le phénomène que l'on a observé naguère en Europe ? L'Espagne accueillait
l'industrie automobile parce que les salaires y étaient 25 ou 30 % inférieurs
à ce qu'ils étaient ailleurs ; aujourd'hui les niveaux sont comparables. Et que
dire du Japon, dont on a prétendu pendant des années que sa prospérité venait
du très faible niveau de salaire, alors qu'aujourd'hui le revenu par tête est
supérieur à celui de la plupart des pays européens ? La mondialisation n'est pas
source d'écarts " injustes ", elle tend au contraire à permettre à des gens et
des peuples pauvres de prendre le train du développement et de rejoindre les autres,
même avec un décalage transitoire.
Jacques
GARELLO
1.
Montrer en quoi, selon les marxistes, le dumping social est compatible avec l'exploitation
des travailleurs des PED ? Armée
de réserve industrielle.
2.
Selon vous cette "exploitation" des travailleurs des PED les enferme-t-elle
dans la pauvreté ?
Courbe
en U inversé de Kuznets.
3.
L'obtention de droits sociaux dans les PED permettrait-elle le développement
? Non,
elle détruirait leur avantage dans la compétition internationale.
4.
Des clauses sociales et environnementales
Des
clauses sociales au commerce international consisteraient à restreindre
les importations de produits fabriqués dans des pays où les salaires
seraient faibles, les mineurs au travail et les droits syndicaux inexistants
(selon les critères de l'Organisation Internationale du Travail), les
clauses environnementales reviennent au même principe et ont pour but
de sanctionner les productions polluantes et non conformes au respect du critère
de développement durable. Ces clauses seraient pour leurs défenseurs
une façon de contrer le "dumping social". Mais elles ignorent
le fait que des garanties sociales ne peuvent être offertes qu'au cours
d'un processus long de développement de la productivité, par exemple
la réduction du temps de travail à salaire égal n'est pas
possible sans hausse de la productivité.
Des
clauses sur le travail des enfants
Par
ailleurs les PED voient dans l'éventuelle mise en place de ces clauses
une nouvelle forme de protectionnisme à leur encontre. Il faut rappeler
à cet égard que l'ouverture des marchés mondiaux s'est fait
au cours des cinquantaine dernières années avec des exceptions pour
les produits agricoles et les produits textiles. Or les uns et les autres sont
des secteurs pour lesquels les PED possèdent des avantages comparatifs
en raison de leur abondante main d'oeuvre non qualifiée. La CNUCED a estimé
que le manque à gagner par le protectionnisme sur ces secteurs représente
une perte de 700 milliards de dollars par an, soit 14 fois le montant de l'aide
au développement accordé à ces pays.
Jean-Marc
Siroën montre aussi que sans aller jusqu'aux clauses sociales et environnementales
la généralisation de la labellisation est facteur d'exclusion des
produits non labellisés conduisant à pénaliser les PED face
aux pays industrialisés qui disposent d'un avantage comparatif dans la
production de biens satisfaisant aux plus hauts critères sociaux et environnementaux.
A cela Diana Brand et Ralf Hoffmann ajoutent que " parce que le caractère
"insupportable" de l'augmentation des charges liées au travail ne concernerait
que les pays ne pouvant supporter le surcoût associé, certains pensent qu'une
harmonisation mondiale en matière de normes de travail frapperait de plein fouet
les pays les plus pauvres, qui ne sont pas précisément ceux auxquels on reproche
habituellement de pratiquer le "dumping social"".
Plus
qu'une chance, la mondialisation est LA chance des pays pauvres. Les efforts des
antimondialisations et des Etats du Nord, plus particulièrement de la France,
vont dans le sens de l'exclusion de ces pays. Comment s'étonner alors que les
pays les plus pauvres dénoncent la volonté d'imposer des clauses sociales ou environnementales
? Clauses qui en fait n'ont été introduites non par d'hypocrites préoccupations
morales, mais pour exclure une concurrence préjudiciable aux entreprises des pays
riches. C'est le même réflexe protectionniste du Nord qui est dénoncé par des
ministres brésiliens et sud-africains qui remarquent que le marché agricole mondial
est faussé par des subventions d'un milliard de dollars par jour des pays riches
dans ce secteur. J'en passe pour le secteur textile et tout le reste. N'oublions
pas après tout qu'en à peine plus de 30 ans la Corée du sud est passée du statut
de pays pauvre à pays riche à coups de ce que certains qualifieraient de " dumping
social ". A côté la Corée du nord, par les merveilles du socialisme, n'ennuie
pas un seul lobby de pays riches, sa population en crève la bouche ouverte dans
une indifférence pratiquement absolue !
Pour contrer un dumping social,
mais aussi écologique, les tenants de l'antimondialisation proposent, au-delà
des clauses sociales ou environnementles dans le commerce, la création
d'un droit social international (défendu aussi par le BIT). Cette lutte
contre la concurrence réglementaire suppose des lois s'appliquant à
tous les Etats, en clair la constitution d'un super Etat mondial permettant à
la logique politique de s'imposer contre la logique économique. C'est serait
alors fini des espaces d'autonomies gagnés par la mondialisation et des
possibilités de sanctionner les mauvaises politiques économiques.
Un tel projet est évidemment incompatibles avec le libéralisme.
5.
La logique politique contre la mondialisation
La
logique politique favorise des intérêts bien déterminés et identifiables attachés
à des individus ou à une catégorie d'individus dont on sollicite les suffrages.
Ainsi la logique politique n'est pas favorable aux contribuables et aux consommateurs,
lesquels ne sont pas organisés en groupe de pression. Par contre elle est favorable
à des groupes de pression organisés comme ceux des producteurs nationaux
qui craignent la concurrence de produits étrangers (textile chinois), ceux organisations
paysannes qui refusent une concurrence plus dure avec ceux d'entre eux qui adoptent
les OGM, ceux des syndicats qui refusent les innovations technologiques porteuses
de destruction-créatrice, ou les délocalisations qu'ils présentent comme exploitation
des travailleurs des PED. Mais le mouvement antimondialiste, tout en étant issu
des pays les plus riches, se veut mondial, ce qui l'expose à des contradictions.
Par exemple il soutient la PAC en Europe mais se sert de l'argument de la PAC
dans les PED qui en pâtissent afin de justifier des mesures d'autarcie agricole.
En
outre il faut souligner que la logique qui consiste à taxer certains au bénéfice
d'autres n'est pas étrangère à la sphère publique prétendant défendre l'intérêt
général. Rappelons nous de la motivation des interventions de l'Etat dans
le cadre de ce qui est présenté comme externalités. Le projet de taxe Tobin rentre
dans ce cadre, les antimondialistes désignent les mouvements de capitaux comme
néfastes (donc à externalité négative) et réclament leur taxation pour financer
des aides publiques. Le développement des marchés financiers limite aussi l'emprise
des Etats sur le financement des entreprises, les intérêts des hommes politiques
et des antimondialisations sont là encore convergents
...
Le
débat marché-État : qui dirige l'économie mondiale
B. L'épreuve
des faits
1.
Logique dynamique contre logique statique La
logique des antimondialistes et celle des défenseurs de la mondialisation sont
inconciliables, les uns adoptent une logique statique basée sur l'émotion et
le spectaculaire. Ils mettent en évidence des images-choc comme le travail des
enfants dans le Tiers-Monde ou un salarié d'usine sidérurgique licencié après
30 ans de travail, ils insistent sur l'écart de richesse entre les 20 % de la
population des pays riches et les 80 % de la population des pays pauvres. Mais
concevoir la réalité du monde c'est adopter une vision dynamique dans laquelle
les équilibres ne sont pas figés, ceux qui adoptent cette logique ne nient pas
les inégalités dans le monde mais montrent que la résolution de ces inégalités
passe par la création de richesses que permettent les échanges sans contrainte
dans le cadre de la mondialisation, mais aussi par la logique d'une concurrence
mondiale qui pousse aux innovations technologiques. Ainsi le travail des enfants
a existé aussi au début du développement des pays riches, ce problème ne peut
pas se résoudre par une scolarisation imposée, mais par l'augmentation du niveau
de vie de leur famille qu'implique leur accès à un emploi (rappelons nous que
la croissance permet le développement - dont la scolarisation - qui permet ensuite
une croissante plus forte) - donc vision dynamique -. Le licenciement des salariés
non qualifiés dans des secteurs d'anciennes technologies des pays riches est
compensé par la création d'emplois dans des secteurs utilisant des technologies
plus avancées, il permet aussi le développement d'emplois d'ancienne technologie
dans les pays pauvres. Il reste que les salariés non qualifiés licenciés en
France se requalifient difficilement même si des conventions de conversions
sont proposées. 2.
Autarcie ou intégration, qui sont les gagnants ?
Comparez
l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest, la Corée du Nord et la Corée
du Sud, la Chine maoïste et Taïwan. Dans chacun de ces cas, les premières nommées
choisirent - ou furent contraintes de choisir - l’isolement, alors que les secondes
optèrent pour l’intégration économique mondiale. Après une quarantaine d’années,
les revenus réels par habitant y étaient au moins trois fois plus élevés. On
dispose là de ce que l’histoire offre de plus proche d’une série d’expériences
économiques contrôlées. Leurs résultats expliquent pourquoi la Chine s’est libéralisée,
pourquoi l’Union soviétique s’est effondrée. Entre
1965 et 1995, par exemple, les revenus réels par tête des nouveaux pays industrialisés
d’Asie ont été multipliés par sept, cependant que quadruplait leur part du commerce
mondial. De la même manière, on peut dater le début de la période de développement
rapide de la Chine : c’est celui de sa décision de libéraliser l’agriculture
et de s’ouvrir à l’économie mondiale. Là où le commerce a été mis au poste de
commandement, les flux de capitaux ont suivi : la Chine a accueilli à elle
seule davantage d’investissements en 1996 que la totalité des pays en voie de
développement en 1989.
Considérons
par exemple deux pays immenses par leur territoire, gigantesques par leur
population et à croissance désormais affirmée (la Chine et l'Inde) ; considérons
en outre deux des quatre « dragons » (Corée du Sud et Taiwan), deux des
trois « tigres » (Thaïlande et Indonésie) et, en Amérique latine, le Brésil
et le Mexique qui s'érigent de plus en plus, depuis deux décennies, en
véritables puissances économiques (au point d'avoir intégré l'OCDE); soit
au total huit pays assurément en voie d'émergence certaine et soutenue.
Ces pays présentent, en effet, des taux de croissance très soutenus de
leur PIB (Inde, Chine, depuis 1973), parfois impressionnants (Corée du
Sud, Taïwan, Indonésie, Thaïlande, depuis 1950), toujours substantiels
(Brésil, Mexique), compris en moyenne annuelle entre 4,3 et 8,2% par an
sur l'ensemble de la période1950-1998, selon le pays considéré. Il n'est
pas moins clair que la croissance des exportations a, dans cet échantillon,
toujours accompagné la croissance économique globale, et ce tout particulièrement
pour les années 1973-98. Pour cette période, en effet, la croissance du
rapport « exportations/PIB » est spectaculaire: il passe en moyenne de
4,30% (1973) à 14,06% (1998). C'est sans doute là une belle expression,
parmi tant d'autres, d'une mondialisation en marche que l'on ne se sent
vraiment pas incité à charger de tous les maux de la création d'autant
que ces huit pays, qui faisaient totalement partie du monde très sous-développé
au début des années 1950, rassemblaient à eux seuls, en 1998, près de
48% de la population mondiale…
Roland GRANIER, "La
mondialisation n'est pas un phénomène nouveau", Le
Québecois Libre, 10/05/2003
IV.
La mondialisation culturelle
A. Diversification
ou homogénéisation des goûts ? Supposer
la disparition des cultures locales implique l'acculturation au profit d'un
autre culture, on parlera alors d'assimilation. On peut supposer aussi un métissage
culturel dans lequel chaque culture réalise un apport à l'autre,
ce qui résulte en une intégration culturelle.
1. Un zapping culturel ? La
mondialisation possède des aspects culturels importants. En effet c'est
l'ouverture des goûts à des produits venant du monde entier, c'est
aussi l'adoption de comportements qui font évoluer les normes sociales.
A ces égards on peut penser au Coca Cola consommé partout dans
le monde, au lancement mondial par Virgin d'albums du Sénégalais
Youssou N'Dour ; on peut aussi évoquer la diffusion mondiale de codes
vestimentaires chez les jeunes, l'universalisation des droits de l'homme dans
la conscience mondiale ou plus prosaïquement l'aspiration à la consommation
de loisirs. Pourtant, en matière de goûts et d'évolution
des normes la mondialisation est décriée, pour beaucoup
mondialisation
= américanisation ="macdonalisation" = homogénéisation = le "meilleur
des mondes" voire big brother. En réalité la mondialisation
des goûts c'est surtout un choix subjectif de chacun pour ce qu'il juge
être le
meilleur de ce que le monde peut nous apporter. Il y a beaucoup de côté américain
dans le meilleur mais aussi une acculturation très propice à sortir du tribalisme,
l'engouement pour le bouddhisme, la world music, c'est surtout cela la mondialisation.
A côté on peut ne pas adhérer à tout, rejeter le
rap par exemple ou encore les fast foods, mais ce qui compte est que les différences
de goûts vont moins être liées à la nationalité
qu'aux choix de chacun.
Les
cultures persistent mais peuvent être moins prégnantes : ce n'est
pas parce que l'on est Afro-américain ou Afro-européen que l'on
doit aimer la culture urbaine, Gaston Kelman auteur français d'origine
camerounaise le raconte d'ailleurs dans son livre best seller : "je suis
noir et je n'aime pas le manioc.
2.
Homogénéisation, destruction des cultures locales
Paradoxalement,
ce sont les mêmes qui se disent socialistes (et le socialisme des doctrinaires
prône l'homogenéisation culturelle mondiale pour imposer un gouvernement mondial)
et qui réclament plus de métissage.
Mais
ils ne défendent en fait qu'une conception unilatérale du métissage : les occidentaux
vers les autres peuples. On s'extasie de siroter un thé vert ou de manger des
nems, mais on s'offusque d'imaginer des africains ou des indiens gober des bigmacs
ou se rafraîchir au coca !
Mais,
au delà de la libre circulation des marchandises, la mondialisation peut
aussi influer sur les cultures locales par les IDE qui conduisent à utiliser
une organisation productive et à développer des techniques de
productions étrangères aux traditions locales pré-industrielles.
Certains, sur la lancée de Polanyi, parlent aussi d'une marchandisation
des sociétés où les IDE s'implantent mettant à mal
les traditions d'entraide, de dons et l'auto-subsistance vivrière.
A
cela on peut répondre que le développement, même dans les
pays occidentaux, est ainsi passé par une phase d'acculturation dans
laquelle l'industrialisation a bouleversé profondément les modes
de vie créant des phénomènes de rejet autour notamment
du mouvement luddite (anti-machinisme) et des critiques de la relation salariale.
Les antimondialistes développent donc contre l'assimilation issue de
la mondialisation les mêmes diatribes utilisées contre le capitalisme
parlant de cultures basées sur le don détruites par les règles
économiques de l'économie de marché et le désir
de consommations individuelles. En filigrane se trouve une critique de l'évolutions
des mentalités s'occidentalisant dans le sens de la perte des valeurs
collectives (tribales) au profit de l'individualisme. Voir le chapitre sur la
Kula. B.
Une américanisation du monde ? 1.
Une tendance imprimée par les multinationales ... La
société de consommation mondiale permet d'élever les niveaux
de vie, elle offre un accès de plus en plus important à des produits
standardisés. Mais là aussi le désir de porter un tee shirt
plutôt qu'un pagne est conçu comme le fruit d'un complot impérialiste
véhiculé à travers la publicité et visant à
détruire des cultures pour imposer un modèle de consommation destiné
à doper les ventes. Il est vrai que les économies d'échelles
permettent de baisser les coûts de revient de façon d'autant plus
importante que la production donc les ventes sont massives. Or les débouchés
internationaux sont le seul moyen de produire en masse, il faut donc viser des
marchés proches dans lesquels les consommateurs ont les mêmes habitudes
de consommation. Mais il n'en reste pas moins qu'une partie de la population
mondiale n'est pas encore en mesure de consommer suivant les critères
occidentaux bien qu'elle y aspire. L'achat de produits de grande consommation
n'est pas sur place vue comme une domination mais davantage comme un symbole
d'élévation sociale.
Les
multinationales utilisent souvent les économies d'échel
le et localisées
dans de nombreux pays, elles produisent et commercialisent sur des marchés
différents. Si on pense à des multinationales vendant des produits
devenus modèles de consommation, on peut citer Nike, Mc Donald's, Coca
Cola, Microsoft, les studios MGM ou Universal. Toutes ces entreprises ont leur
siège social aux Etats-Unis et vendent des produits typiques de la culture
américaine.
Peut-on
alors parler de dictature de la culture américaine ? Non bien sûr
car nul n'est obligé de consommer des produits d'origine américaine.
Comment expliquer alors cette situation ? La théorie de la demande représentative
de Linder nous répond puisque le marché américain est très
important (plus de 300 millions de consommmateurs) et s'étend facilement
au marché canadien, de plus l'utilisation répandue de la langue
anglaise permet de rentabiliser facilement les films et les medias (CNN, Time-Warner,
...). Par ailleurs les Etats-Unis sont en avance dans le domaine des technologies,
ce qui est déterminant en matière de coût et de produits
(innovations de procédés et de produits, Schumpeter). 2.
... ne déterminant que de vagues leadership culturels
Cette
dernière explication devrait remettre en cause le leadership américain
puisque les entreprises japonaises ont aussi misé sur l'innovation. Et
c'est bien le cas puisque Sony, Honda, Hitachi, Nintendo sont aussi des multinationales
qui comptent et mettent sur le marché mondial des produits très
appréciés fruits des dernières technologies. L'industrie
du manga et des desssins animés japonais permettent aussi d'universaliser
des traits de la culture japonaise (des productions de la fin des années
70 avec Goldorak à Miyazaki avec le voyage de Chihiro).
Mais
c'est aussi le mode d'organisation de la production à la japonaise qui
s'est imposé avec le Toyotisme bouleversant le fameux consensus fordiste
des Trente Glorieuses en imposant la qualification et la polyvalence chez des
salariés devant travailler en juste à temps avec le souci de la
qualité .
On retrouve l'origine du Toyotisme dans le culte de l'excellence et du travail
prégant au sein de la mentalité nippone et façonné
par un système éducatif très sélectif dès
la maternelle et jusqu'à l'université où l'apprentissage
par coeur est prépondérant et la compétition entre les
élèves impose un rythme de travail très important complété
par des cours du soir. C'est là un autre modèle emprunté
pour ses traits les plus performants (les dirigeants non Japonais qui ont opté
pour le Toyotisme n'en ont pas nécessairement repris tous les éléments
originels, dont le culte à l'entreprise et certaines pratiques humiliantes)
et qui comme le modèle américain suscite des réactions
de rejet quasiment racistes comme dans la déclaration d'Edith Cresson,
alors premier ministre socialiste : « Les Japonais travaillent comme des fourmis
(...). Nous voulons vivre comme des êtres humains. »
On
peut donc plus justement parler d'une mise en concurrence des types de consommation
mais aussi des modes de production quelque soit leur nationalité d'origine,
le benchmarking se développe, informé sur les pratiques et les
produits, les dirigeants d'entreprises choisissent de copier ce qui marche ailleurs.
Bien sûr cette concurrence peut conduire à une uniformisation mais
pour le meilleur. Cette uniformisation peut même alors jusqu'aux systèmes
politiques et expliquer en partie la chute du communisme et le déploiement
de la démocratie capitaliste. C.
Des résistances à la mondialisation culturelle 1.
La question des droits de l'homme et de la liberté d'expression Mais
les valeurs de la démocratie et du libéralisme génèrent
un rejet qui peut se vouloir culturel. Le multipartisme peut poser problème,
"le multipartisme est une multi cochonnerie" dixit Fidel Castro, la
liberté d'expression aussi comme en Chine Populaire où le moteur
de recherche Google est prié de censurer les accès à des
sites favorables à la démocratie partout dans le monde. Dans une
moindre mesure la censure existe aussi ailleurs puisque la liberté absolue
d'expression à l'américaine protégée par le premier
amendement se heurte à la loi Gayssot comme dans l'affaire de vente aux
enchères d'objets nazis de la seconde guerre mondiale sur Yahoo dont
l'accès a dû être fermé pour les français.
Ici c'est bien l'Internet qui est en question comme vectreur d'informations
et de contenus accessibles dans le monde entier et donc comme partie prenante
de la mondialisation informationnelle donc vecteur d'un accès à
des contenus culturels différents. Mais là aussi les contenus
anglo-saxons étant les plus importants certains en déduisent une
"américanisation des esprits". 2.
La résistance des rigoristes
C'est
aussi ce que redoutent ceux qui reprochent une "contagion des valeurs occidentales",
qui au-delà de la démocratie sont un libéralisme en matière
sociétale se caractérisant par la tolérance de ce qui est
déviance grave dans certaines cultures. A ce titre on peut citer la pornographie,
l'homosexualité, la tolérance religieuse, la consommation d'alcools,
l'égalité de droits hommes-femmes. Les mouvements ultra-conservateurs
et plus particulièrement intégristes refusent donc la contagion
de ce qu'ils perçoivent comme permissivité voire "anomie"et
qui serait issue de la mondialisation culturelle.
Ainsi
des pays comme l'Iran ou l'Arabie Saoudite filtrent soigneusement les contenus
du Net et vérifient à leurs frontières que nul objet des
démocraties occidentales dissolues et contraire au Coran ne passent.
Par exemple il y est culturellement choquant d'exposer le corps de la femme,
les magazines de vente par correspondance présenteront donc les sous-vêtements
sans mannequin ; même les femmes étrangères en visite devront
arborer un voile afin au moins de ne pas exposer leur chevelure. On évitera
aussi les films occidentaux qui, de plus en plus il est vrai, introduisent des
scènes de sexe ; à la place seront importées des productions
indiennes (premier producteur de films mondiaux avant les Etats-Unis) dont les
intrigues se distinguent notamment par la chasteté des acteurs. 3.
L'exception culturelle
L'exception
culturelle est portée par les gouvernements français dans l'objectif
de maintien d'éléments culturels qui serait notamment menacés
par la concurrence anglo-saxonne. Cette exception concerne ainsi le cinéma,
la chanson, le livre et la presse écrite. Elle prévoit l'obligation
pour les chaînes de télévision de participer au financement
de films français, un quota de production française à la
télévision, mais surtout une taxe sur les entrées en salle
de cinéma pour financer un fonds de soutien à la création
cinématographique française, ainsi même ceux qui vont voir
des films étrangers financent le film français. En matière
de chanson, elle passe par des quotas de diffusion de chansons françaises
dans les radios ; pour les livres elle implique le prix unique fixant un prix
plancher sous lequel ou ne peut vendre des livres neufs, ceci afin de soutenir
le revenu des éditeurs et des écrivains français. L'exception
culturelle permet donc de subventionner la production culturelle française
qu'elle soit ou non consommée afin justement de permettre et de stimuler
cette création même si elle n'est pas nécessairement en
phase avec le public. Ceci revient à sortir la production culturelle
du marché selon le principe "la culture n'est pas une marchandise"
et qui revient en fait à réglementer son offre et sa demande plutôt
que d'en laisser libre l'offre et la demande sous prétexte justement
que la demande en serait trop faible aussi bien sur le marché français
que sur ceux d'exportation.
Cette
exception de nature protectionniste fut mise au pilori par l'OMC qui a réclamé,
sans succès, que l'audiovisuel ne soit pas exclu des négociations
sur l'ouverture des marchés. Au contraire, Jacques Chirac annonce que
: "la France, terre de création, a milité avec les francophones
en faveur de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle
adoptée à l'autome 2001 par la Conférence générale
de l'Unesco. Dans le même esprit, nous avons obtenu ensemble la reconnaissance
de l'exception culturelle par l'OMC. Il est ainsi admis que les biens culturels
ne sont pas des biens marchands comme les autres et que les Etats doivent pouvoir
soutenir leurs créateurs et leurs artistes par des mécanismes
de leur choix".
S’ils
ne sont pas des biens comme les autres, les biens culturels, et l’industrie
du divertissement, un peu trop facilement appelée Culture, répondent aussi
aux lois économiques. Ils dépendent de l’industrie qui les fabrique, des
technologies et des préférences des consommateurs, c’est-à-dire du public
qu’il ne faut quand même pas oublier. En d’autres termes, de l’offre et
de la demande. Le
paysage audiovisuel a considérablement changé durant les dernières années
du vingtième siècle. D’une production qui relevait pour beaucoup d’un
monopole étatique, on est passé à une industrie concurrentielles entre
sociétés majoritairement privées. Et ces évolutions ne sont pas terminées.
Les Etats-Unis qui, eux, avaient pris ce virage avant le reste du monde
et n’avait jamais enfermé leur télévision dans le carcan étatique, avaient
plusieurs longueurs d’avance. Ils avaient compris que la petite boîte
relevait d’une industrie et surent tirer parti des évolutions technologiques :
câbles, satellites dont le coût de lancement chutait rapidement, miniaturisation
des paraboles qui permettaient, à des prix de plus en plus modiques, l’accès
à des centaines de chaînes. Résultat, on est passé en quelques années
d’un marché à offre plutôt réduite à une véritable explosion de cette
offre, avec une demande accrue de films, de séries, de documentaires,
de débats, de sports, etc … Et l’arrivée du câble et de la télévision
numérique ne va pas freiner ce mouvement. Sans parler de l’Internet et
de ses multiples ramifications dans les médias. Deux
autres caractéristiques de cette offre ont favorisé films et séries venues
d’Outre-Atlantique. Bien sûr l’anglais, qui est devenu la langue mondiale
par excellence. Mais aussi l’immense marché américain qui permet de couvrir
les coûts de fabrication des productions et de les revendre ainsi « amorties »
à travers le monde à des prix défiant toute concurrence. Quant
à l’exception culturelle, Mozart écrivait à un de ses amis : « Crois-moi,
mon seul objet est de gagner autant d’argent que possible, après tout
après la santé, c’est la meilleure chose à posséder. » Charlie
Chaplin a dit : « Je me suis lancé dans le cinéma que pour l’argent,
l’art n’est venu qu’après. Si les gens sont désillusionnés par ces remarques,
tant pis. C’est la vérité. »
Maintenant des quotas sont mis en place. Que penser de ces navets produits
uniquement pour remplir lesdits quotas et récolter les subsides au passage ?
Vous savez comme moi que la plupart de ces films ne sont plus payés par
les billets qu’achètent les spectateurs, mais qu’ils sont payés avant
même d’être présentés au public par les prélèvements imposés aux télévisions.
En 1998, sur 134 films français, une vingtaine à peine ont couvert leurs
frais. En 1999, c’est la débandade : seulement 3 films français sur
180 auraient remboursé leurs coûts de production grâce à la projection
en salle !
La
mondialisation racontée à ma fille, Ed. Seuil, André FOURCANS
1976-1980
1981-1985
1986-1990
1991
1992
1993
1998
Investissements
directs
39
43
163
184
173
173
611
Investissements
de portefeuille
26
77
215
340
326
620
923
- d'autre part les producteurs des pays riches sont menacés par ces délocalisations,
mais aussi par les exportations des pays émergents puisque la concurrence est
faussée par le " dumping social "(Jacques DELORS) que pratiquent ces pays.