La mondialisation, un phénomène économique, social et culturel
Ce cours a été repris à partir de l'article ci-dessus de Pascal Salin, mais aussi à partir d'un article "Mais pourquoi cette haine des marchés" écrit en juin 1997 par Martin Wolf du Financial Times
I. Le phénomène de mondialisation
A. Définir la mondialisation
Le Fonds monétaire international (FMI) définit la mondialisation comme « l’interdépendance économique croissante de l’ensemble des pays du monde, provoquée par l’augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontières de biens et de services, ainsi que des flux internationaux de capitaux, en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la technologie ».
Elle consiste donc en les conséquences de la libre circulation des biens, des services et des capitaux par delà les frontières des Etats.
Évolution des mouvements internationaux de capitaux (milliards de dollars, moyenne annuelle)
    
 
L'extraordinaire 
développement de la circulation internationale des capitaux, dont les flux 
mondiaux sont 70 fois plus importants que les flux d'opérations courantes, 
représente une manifestation de ce que permet la mondialisation, fruit 
de la déréglementation et des NTIC. Les moyens techniques permettent 
de relier en permanence l'ensemble des places financières du monde sur 
lesquels se déplacent des capitaux à la recherche des placements 
les plus attractifs (fonds de pension, fonds spéculatifs). Ainsi les politiques 
de chaque pays sont jugées en permanence, attirant ou effrayant les investisseurs, 
la désintermédiation permet aux entreprises porteuses de projet 
de s'abstraire des contraintes de financement posées par les Etats. 
Mais 
nous verrons aussi que la mondialisation possède des aspects culturels 
: on parle aujourd'hui du village global comme si les différentes cultures 
se rapprochaient.    B. 
Pourquoi la mondialisation s'est-elle enclenchée ?  
       
        
1. Dater la mondialisation 
La 
part du commerce international dans le produit mondial est de 20 % en 2000, elle 
était de 7,1 % en 1950, mais de 12 % en 1913, niveau que l'on ne retrouve 
qu'au début des années 1980. De plus, comme l'explique André 
Fourçans : "Les 
flux financiers entre l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon, l’Argentine et l’Australie 
étaient notablement plus élevés, en proportion de la richesse produite, entre 
1870 et 1914 qu’entre … 1970 et 1996, comme l’a montré Maurice Obstfeld, professeur 
à l’université de Berkeley. Quant à la France, sa situation est encore plus révélatrice : 
si de 1990 à 1996 les flux de capitaux représentaient 0,7 % de la richesse nationale, 
ils s’élevaient à 2,4 % entre 1870 et 1889, soit quelque trois fois plus." 
La mondialisation des échanges commerciaux et des capitaux n'est donc pas 
si nouvelle, mais elle prend aujourd'hui une autre dimension par contraste avec 
le protectionnisme qui s'empara de la planète après la première 
guerre mondiale. Il faudra aussi attendre l'ouverture des marchés des capitaux 
à la fin des années 1980 pour qu'explosent les flux de capitaux 
: 2 000 milliards de dollar circulent chaque jour alors que les échanges 
commerciaux journaliers se montent à quelques dizaines de milliards de 
dollars par jour. 2. 
Application des progrès technologiques  
 C'est 
surtout les technologies de l'information et de la communication, l'abaissement 
du coût des transports qui ont permis plus facilement la rencontre des producteurs 
et des consommateurs du monde entier. Et là encore comme nous l'avons vu pour 
la croissance et le développement qui sont des phénomènes cumulatifs engendrant 
un cercle vertueux. Le développement des technologies et de la concurrence se 
renforcent aussi l'un et l'autre. Comme l'a écrit Friedrich Hayek la concurrence 
est un processus de découverte dans le sens où la concurrence permet la transmission 
d'informations. C'est par la connaissance d'une concurrence satisfaisant mieux 
et moins cher les besoins de sa clientèle, que les producteurs sont poussés à 
découvrir le secret d'une plus grande efficience. Donc la concurrence pousse aux 
cinq types d'innovations dont parle Joseph Schumpeter.   
 
On 
peut vérifier que les innovations actuelles ont ouvert une concurrence mondialisée, 
qui elle même a développé les innovations. Ainsi, 
entre 1930 et 1990, le prix moyen facturé pour chaque mile de transport aérien 
a baissé de 0,68 à 0,11 dollar ; celui d’une communication téléphonique de 
trois minutes entre Londres et New York est passé de 244,65 à 3,32 dollars. Entre 
1960 et 1990, le coût d’une unité de puissance informatique a décru de plus de 
99 %. De l’amélioration des communications est née une innovation organisationnelle : 
la firme multinationale, superbe mécanisme de transfert de technologies par-delà 
les frontières.  
La technologie rend la mondialisation 
possible. La libéralisation la déclenche.  
         
 3. Organiser 
la libération des échanges 
 
Et 
  la libéralisation a été au rendez-vous : entre 1970 et 1997, par exemple, 
  le nombre de pays ayant aboli les contrôle des changes affectant les importations 
  de biens et de services est passé de 35 à 137. On peut donc insister encore 
  une fois sur le fait que l’économie mondiale des annés 1980 était 
  moins intégrée qu’avant la première guerre mondiale. A leur apogée d’avant 1914, 
  les sorties de capitaux britanniques avaient représenté jusqu’à 9 % du produit 
  intérieur brut (PIB) du Royaume-Uni, c’est-à-dire, en proportion de leur PIB 
  respectif, deux fois plus que celles de l’Allemagne et du Japon dans les années 
  80. A l’époque, il existait une monnaie unique mondiale : l’or. Et, au 
  tout début du siècle, le nombre de travailleurs franchissant les frontières 
  était plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. 
L'éclipse 
  de la mondialisation fut marquée d'une part par la volonté de développement 
  autarcique des totalitarisme (nazisme, fascisme, communisme) et par l'acceptation 
  keynésienne du protectionnisme.
La 
  mondialisation fit timidement son retour dans les années 70. Ainsi, dès 1970, 
  la part des exportations rapportée à l’ensemble de la production était revenue 
  à son niveau de 1913. Depuis, elle est montée de 12 % à 17 %.  
  Des organismes 
  internationaux comme le GATT puis l'OMC ont défendu un "libre échange encadré" 
  avec des moyens de pression dans le cadre de l'OMC, on peut leur imputer partiellement 
  cette ouverture commerciale.   
De plus, la fin de l'économie 
d'endettement laisse sa place à d
es 
marchés financiers hautement intégrés, les technologies sont transférées à des 
rythmes sans précédent et les gouvernements sont de plus en plus liés par des 
accords multilatéraux. Pourquoi tant de gouvernements ont-ils choisi - ou été 
contraints - de s’ouvrir à l’économie mondiale ? La réponse tient dans les 
leçons de l’expérience. Les Etats ont le pouvoir de mettre leurs citoyens en prison, 
mais ils ne peuvent pas obliger des prisonniers à faire preuve du même esprit 
d’initiative que des individus libres.   
 
 
 
 
 
La 
contrainte extérieure a toujours existé et les deux chocs pétroliers 
de 1973 et 1979 nous le rappellent. Mais elle est d'autant plus contraignante 
pour les politiques des États que leurs frontières sont ouvertes 
aux marchandises, aux services et aux capitaux.   
 
   
Mais 
tout change avec la perméabilité des frontières : les Etats 
ne peuvent plus facilement contrôler, comme ils le faisaient autrefois, les créations 
de richesses, leur circulation et leur répartition. La concurrence fiscale et 
réglementaire permet par exemple de s'installer là où les réglementations sont 
moins contraignantes et spoliatrices. En ce sens la mondialisation développe les 
capacités productives des entreprises et marque un recul du pouvoir d'intervention 
des Etats, lesquels ne peuvent plus utiliser l'arme du crédit sur les entreprises 
(les marchés des capitaux n'ont pas de frontière et l'époque de l'économie d'endettement 
est révolue) et peinent à mettre en place des politiques protectionnistes (sauf 
les politiques industrielles de subvention dénoncées par la Commission Européenne).
  
 
La 
concurrence et les changements de perspectives économiques qui accompagnent nécessairement 
la mondialisation ont curieusement des incidences politiques majeures. En effet 
la mondialisation ne crée pas seulement une concurrence entre entreprises, mais 
aussi entre Etats, et va donc avoir le double effet de libérer les Etats de la 
pression des groupes d'intérêt et d'alléger la part de l'Etat dans la vie sociale. 
   
Les 
Etats étaient les complices et les artisans du protectionnisme tant qu'ils opéraient 
souverainement à l'intérieur de leurs frontières. Mais déjà les traités de commerce, 
surtout lorsqu'ils s'assortissaient de la clause de la nation la plus favorisée, 
avaient au XIX° siècle diminué le degré de liberté des gouvernements, obligés 
de respecter leurs engagements. Maintenant, tout effort des Etats pour soustraire 
leurs nationaux aux disciplines du marché risque d'être vain. On le voit bien 
en France. C'est au nom du traité de Maastricht et de la construction européenne 
que l'on a abandonné ce qu'il y avait de plus outrancier dans la politique agricole 
commune et dans la protection des paysans français. Au nom de la concurrence la 
France a été obligée de privatiser ses télécommunications, la Régie Renault, les 
banques nationalisées, etc.    
Finalement 
les Etats ne peuvent plus rien pour protéger leurs nationaux. Voilà qui pourrait 
desserrer l'étau dans lequel ils étaient prisonniers, et redonner à la démocratie 
un visage plus sympathique que celui de la distribution de prébendes et de privilèges 
aux amis et soutiens du pouvoir. A leur tour, les Etats devront desserrer l'étreinte 
sur les particuliers, et notamment sur les entrepreneurs. En effet, dans la compétitivité 
internationale, l'avantage ira aux ressortissants des Etats ayant la main fiscale 
et réglementaire la plus douce. L'harmonisation des impôts et des législations 
se fera nécessairement dans le sens de l'allègement, puisque les économies sont 
plus performantes quand elles sont plus libres, comme le montrent les statistiques 
sur les " indices de liberté économique ". Il y aura donc nécessairement une reconsidération 
du rôle de l'Etat, qui se cantonnera de plus en plus dans ses tâches " régaliennes 
" comme la police, la justice et la défense. Ce sera la fin de l'Etat Providence. 
Un certain nombre de socialistes s'en rendent compte et le déplorent. On peut 
par exemple citer le très récent ouvrage écrit par une vingtaine d'énarques, hauts 
fonctionnaires français " Notre Etat " : " Le bon vieil Etat jacobin a donné toute 
sa mesure depuis deux cents ans, il s'essouffle et fait peine à voir. " 
 Jacques 
GARELLO in "La mondialisation, vue par les marxistes et par les libéraux", 
2001  
2. 
Les politiques économiques inefficaces 
 
 
   
 
 
 
 
 
 
 
Au-delà 
de la course à la réduction des coûts, les dirigeants des 
entreprises sont aussi confrontés à la recherche par les actionnaires 
des rendements les plus élevés. La mondialisation des capitaux met 
ainsi fin à ce que Galbraith appelait la technostructure, c'est-à-dire 
la toute puissance des managers salariés qui imposaient leurs choix aux 
actionnaires et favorisaient les salaires et l'autofinancement au détriment 
des bénéfices. Effectivement, la capacité des actionnaires 
au travers notamment des gigantesques fonds de pension, de voter avec leurs pieds 
en cherchant les entreprises qui dans le monde assurent de forts dividendes, imposent 
aux entreprises côtées sur les marchés de redonner le pouvoir 
aux propriétaires des capitaux, on parle là de corporate governance. 
A ce sujet les syndicats dénoncent une course vers la satisfaction des 
actionnaires au détriment des salariés, les grandes entreprises 
se retrouvent accusées d'amputer leur masse salariale au profit de la part 
versée aux dividendes dans la valeur ajoutée. Ils opposent ainsi 
les intérêts des travailleurs à ceux des apporteurs de capitaux 
comme le faisait Marx, mais c'est oublier que ces apporteurs de capitaux sont 
la plupart du temps eux-mêmes des salariés dont l'épargne 
retraite est gérée par les fonds de pension. C'est donc le système 
d'assurance sociale qui fait là toute la différence puisque le système 
par répartition opère une dichotomie entre salariés et actionnaires 
au contraire du système de capitalisation.
   
III. 
La mondialisation au service du développement ? 
  
1. 
Echange inégal ? - les pays pauvres encore plus pauvres ? 
En 
  référence au commerce entre pays inégaux. Il est vrai que le commerce intra-branche 
  devient dominant dans le commerce international et que la majeure partie des 
  échange se fait entre pays des mêmes blocs régionaux (à l'intérieur de l'UE 
  ou de l'ALENA). Mais le commerce implique de la part des échangeurs des besoins 
  différents et des spécialisations différentes, donc le commerce entre pays inégaux 
  n'est en rien un commerce inégal puisqu'il est à somme positive même si  
  les 
  termes de l'échanges peut favoriser plus un pays que l'autre. La loi 
  des avantages comparatifs de Ricardo montre démontre d'ailleurs cela. Parler 
  de commerce inégal pour suggérer l'autarcie aux PED est une façon de prôner 
  le protectionnisme.  
 
L'échange 
inégal existe pourtant mais pas de la façon dont on le croit. Ce sont les entraves 
à la mondialisation qui le créent, quand par exemple un pays développé augmente 
les droits de douane sur des exportations de PED tels que les produits agricoles 
ou les produits à forte intensité en main d'oeuvre non qualifiée, sous prétexte 
de protéger son industrie. Ce protectionnisme n'a pas disparu et reste admis par 
l'OMC sous la forme de droits anti-dumping abusifs. Dans le cadre de la Politique 
Agricole Commune, la pratique protectionniste constituant à subventionner les 
exportations prive les PED de débouchés à leurs produits traditionnels et appauvrit 
les paysans du Tiers Monde. 
  
A ceux qui penseraient que 
la mondialisation serait un stade supérieur d'impéralisme permettant 
aux puissances déjà riches de se développer en pillant les 
ressources du Tiers-Monde, une confrontation avec l'étude de David Dollar 
et d'Art Kraay serait tout à fait indiquée. Effectivement, ces deux 
économistes de la Banque Mondiale ont tiré de leur étude 
portant sur des statistiques de croissance sur quarante ans (1960-2000) pour 125 
pays, la loi du "One To One". Cette loi énonce que la croissance 
du revenu des pays les plus pauvres augmente dans la même proportion que 
le revenu moyen par habitant dans l'ensemble des 125 pays. "Une augmentation 
de 1 % du revenu moyen mondial par habitant donne une augmentation de 1 % du revenu 
moyen des pays les plus pauvres ".  
  
Bien sûr certains pays 
s'en sortent moins bien que d'autres et sur ces quarante ans les pays les plus 
pauvres qui se sont insérés dans la mondialisation connaissent une 
hausse du revenu moyen par habitant plus forte que la moyenne mondiale, alors 
que cette hausse peut ne pas avoir lieu chez les oubliés du commerce mondial. 
Dollar et Kraay nous l'illustre à travers le développement d'un 
des pays les plus pauvres au monde qui profite actuellement de la mondialisation 
: le Vietnam. 
 Ils 
montrent qu'avant la libéralisation du début des années 1990, 
la population paysanne dans sa presque intégralité vivait très 
mal de la riziculture. Mais en 1998 l'ouverture au commerce international leur 
avait permis de vendre le riz plus cher et de bénéficier de fertilisants 
meilleur marché. Le revenu paysan avait donc pu largement augmenter. De 
1993 à 1998, parmi les paysans de l'échantillon observé, 
Dollar et Kraay ont constaté que dans chaque famille certains sont devenus 
citadins pour s'employer dans les nouvelles usines étrangères. Les 
nouveaux ouvriers profitaient ainsi des délocalisations et sans qualifications 
ont vu leurs revenus mensuels passer à 50 dollars en 1997 alors qu'ils 
n'étaient que de 9 dollars en 1989. Quant aux plus qualifiés, encore 
trop rares, ils ont pu bénéficier de salaires très intéressants 
pour le commun des Vietnamiens.  
A 
ceux qui pensaient que les salariés des PED étaient exploités 
par les multinationales il importe donc de rappeler que les FMN y rémunère 
en moyenne leurs salariés locaux deux fois plus que les employeurs du pays 
dans un même secteur d’activité, que les salariés dans les secteurs exportateurs 
sont les mieux payés et enfin que les multinationales américaines 
sont celles qui paient le plus : en moyenne 8 fois plus que le salaire moyen du 
pays ! 
  
2. 
Destruction d'emplois - les pays développés touchés par la pauvreté ?  
 
Au 
cours des deux dernières décennies, les écarts de salaires se sont fortement creusés 
entre travailleurs qualifiés et non qualifiés des économies développées, ou bien 
le chômage de ces derniers y est allé en augmentant, ou bien les deux phénomènes 
se sont combinés. Cela malgré la progression de l’offre de travailleurs qualifiés. 
Certains font porter la responsabilité de cette évolution à la concurrence croissante 
des pays à bas salaires. On peut effectivement avoir cette impression, mais les 
faits montrent qu’elle est largement erronée.  
La 
théorie est simple : les importations en provenance de pays disposant d’une 
relative abondance de travailleurs non qualifiés devraient faire baisser les prix 
des produits qui utilisent cette main-d’oeuvre de manière relativement intense. 
Cela conduira à faire évoluer la production des pays développés vers les produits 
à forte intensité de main-d’oeuvre qualifiée, accroissant la demande pour cette 
dernière et faisant chuter celle de travailleurs non qualifiés. Il s’ensuivra 
soit un écart accru entre les rémunérations des travailleurs qualifiés et celles 
des travailleurs non qualifiés, soit une poussée du chômage chez ces derniers.
  
 
Cette 
théorie est élégante. Mais les données disponibles donnent à penser que les prix 
relatifs des biens produits par de la main-d’oeuvre non qualifiée n’ont pas diminué, 
sans doute parce que les importations de pays comme la Chine ont remplacé celles 
de pays comme la Corée, plutôt que les productions de pays développés. De plus, 
les importations de marchandises des pays en développement ne représentent que 
3,8 % de la production totale des économies avancées. Dans un document de travail 
du FMI, « The Effect of Globalisation on Wages in Advanced Economies », 
Matthew Slaughter, de Dartmouth College, et Philip Swagel, du FMI, concluent que 
 « l’augmentation du commerce explique seulement entre 10 % et 20 % des 
modifications intervenues dans la répartition des salaires et des revenus dans 
les pays développés ».  
3. 
La question du "dumping social"  
  
L'une 
des accusations les plus souvent portées contre la mondialisation est celle 
du dumping social. En favorisant l'implantation dans les pays dans lesquels les 
réglementations fiscales mais aussi sociales, la mondialisation serait 
destructrice de règles et de droits acquis. Le terme de dumping social 
a ainsi été utilisé la première fois lors de la 
délocalisation 
de l'usine Hoover de la France vers l'Ecosse, les employeurs ayant licencié 
des salariés pour créer des emplois ailleurs en limitant le coût 
de la masse salariale et en améliorant la flexibilité du travail. 
 
Mais 
l'accusation de dumping social porte de plus en plus souvent sur les travailleurs 
des PED. Pourtant dire que les Chinois menacent l'emploi des Français lorsqu'ils 
sont payés 20 fois moins n'a pas de sens, il faut raisonner en fonction 
de la productivité des uns et des autres et on constate que la main d'oeuvre 
faiblement qualifiée des PED est certes moins payée mais elle est 
aussi moins productive. Ainsi comme le dit Zaki Laïdi dans "Malaise 
dans la mondialisation" : "Pour un ouvrier français qualifié, 
le concurrent est européen et américain plutôt que bengali, 
sauf naturellement pour certains produits utilisant une forte main d'oeuvre. Car 
c'est avec les Européens et les Américains que la France commerce 
le plus. C'est donc avec les pays ayant des niveaux de salaires et de productivité 
équivalents que la concurrence est la plus sensible. Et c'est dans ce contexte 
que la question de la compétition entre systèmes sociaux entre en 
jeu. En effet, quand vous vous trouvez en concurrence avec des pays qui produisent 
les mêmes produits que vous, à des salaires équivalents et 
à des niveaux de productivité comparables, la différence 
va porter sur les composantes du coût du travail qui ne relvent pas du salaire, 
c'est-à-dire les charges sociales, autrement dit la protection sociale. 
Avec l'intensification de la concurrence, cette dimension sera de plus en plus 
présente."   
Les syndicats, se voulant 
garants des droits acquis et de nouveaux droits à acquérir sont 
donc les premiers à dénoncer les implications de la mondialisation 
sur le monde du travail et le système de protection sociale à la 
française : la limitation légale de la durée du travail, 
les réglementations du travail et le système de financement de la 
Sécurité sociale seraient menacés face à la compétition 
que se livrairaient les pays pour attirer l'activité. Le chômage 
important en France serait donc bien la conséquence d'un droit du travail 
rigide.  
Les 
anti-mondialistes mettent l'accent sur deux périls aussi graves l'un que l'autre 
:  
- 
d'une part les pays pauvres sont exploités par le capitalisme mondial qui vient 
s'installer dans le Tiers Monde pour tirer le meilleur parti de ressources naturelles 
abondantes et surtout d'une main d'œuvre bon marché ;  
Jusqu'à 
un certain point les deux arguments sont contradictoires, puisque les mêmes personnes 
soutiennent que les pays pauvres sont exploités (donc ne peuvent pas nuire puisqu'ils 
sont les victimes du commerce mondial), mais aussi qu'ils sont dangereux (puisqu'ils 
perturbent le commerce mondial). La contradiction disparaît si l'on songe que 
dans l'esprit de ceux qui utilisent ces arguments, il y a un coupable et un seul 
: le capitalisme, qui prend des aspects différents suivant les pays considérés. 
Mais surtout ces arguments sont vides de sens, puisque ce sont incontestablement 
les pays les plus ouverts au commerce mondial et aux capitaux étrangers qui ont 
réussi leur décollage, et où le produit par tête s'accroît à une vitesse spectaculaire. 
Par voie de conséquence, les écarts de revenus entre les individus eux-mêmes sont 
en train de se résorber dans ces pays émergents, même si les vestiges de la pauvreté 
récente sont encore très visibles. Quant au " dumping social " il signifie simplement 
qu'avant d'acquérir des " droits sociaux " et de prévoir des retraites confortables, 
les individus les plus pauvres désirent acquérir le droit de survivre, et peut-être 
de préparer très modestement l'avenir. On pourrait évidemment obliger les habitants 
des pays pauvres à avoir deux voitures, une résidence secondaire, et à manger 
caviar et foie gras: c'est ce que souhaitent implicitement ceux qui déclarent 
qu'on ne peut soutenir la concurrence avec des gens " qui se contentent d'un bol 
de riz " (à moins qu'ils ne veuillent suggérer que les Européens devraient aussi 
se mettre au bol de riz). Mais les bas salaires sont acceptés et préférés à pas 
de salaire du tout. Cette observation statique doit nécessairement se compléter 
d'une perspective dynamique. A terme, les salaires ne manquent pas d'augmenter 
avec la productivité. A terme, les familles investissent davantage dans l'éducation 
et la formation, et ce " capital humain " rapportera plus tard des revenus supérieurs. 
A terme, les niveaux de vie, sans aller jusqu'à la convergence totale, se rapprochent 
entre les personnes appartenant aux pays émergents et aux pays anciennement développés. 
N'est-ce pas le phénomène que l'on a observé naguère en Europe ? L'Espagne accueillait 
l'industrie automobile parce que les salaires y étaient 25 ou 30 % inférieurs 
à ce qu'ils étaient ailleurs ; aujourd'hui les niveaux sont comparables. Et que 
dire du Japon, dont on a prétendu pendant des années que sa prospérité venait 
du très faible niveau de salaire, alors qu'aujourd'hui le revenu par tête est 
supérieur à celui de la plupart des pays européens ? La mondialisation n'est pas 
source d'écarts " injustes ", elle tend au contraire à permettre à des gens et 
des peuples pauvres de prendre le train du développement et de rejoindre les autres, 
même avec un décalage transitoire.  
Jacques 
GARELLO 
1. 
Montrer en quoi, selon les marxistes, le dumping social est compatible avec l'exploitation 
des travailleurs des PED ? Armée 
de réserve industrielle. 
2. 
Selon vous cette "exploitation" des travailleurs des PED les enferme-t-elle 
dans la pauvreté ? 
Courbe 
en U inversé de Kuznets. 
3. 
L'obtention de droits sociaux dans les PED permettrait-elle le développement 
? Non, 
elle détruirait leur avantage dans la compétition internationale. 
 
4. 
Des clauses sociales et environnementales 
  
Des 
  clauses sociales au commerce international consisteraient à restreindre 
  les importations de produits fabriqués dans des pays où les salaires 
  seraient faibles, les mineurs au travail et les droits syndicaux inexistants 
  (selon les critères de l'Organisation Internationale du Travail), les 
  clauses environnementales reviennent au même principe et ont pour but 
  de sanctionner les productions polluantes et non conformes au respect du critère 
  de développement durable. Ces clauses seraient pour leurs défenseurs 
  une façon de contrer le "dumping social". Mais elles ignorent 
  le fait que des garanties sociales ne peuvent être offertes qu'au cours 
  d'un processus long de développement de la productivité, par exemple 
  la réduction du temps de travail à salaire égal n'est pas 
  possible sans hausse de la productivité.  
Par 
ailleurs les PED voient dans l'éventuelle mise en place de ces clauses 
une nouvelle forme de protectionnisme à leur encontre. Il faut rappeler 
à cet égard que l'ouverture des marchés mondiaux s'est fait 
au cours des cinquantaine dernières années avec des exceptions pour 
les produits agricoles et les produits textiles. Or les uns et les autres sont 
des secteurs pour lesquels les PED possèdent des avantages comparatifs 
en raison de leur abondante main d'oeuvre non qualifiée. La CNUCED a estimé 
que le manque à gagner par le protectionnisme sur ces secteurs représente 
une perte de 700 milliards de dollars par an, soit 14 fois le montant de l'aide 
au développement accordé à ces pays. 
Jean-Marc 
Siroën montre aussi que sans aller jusqu'aux clauses sociales et environnementales 
la généralisation de la labellisation est facteur d'exclusion des 
produits non labellisés conduisant à pénaliser les PED face 
aux pays industrialisés qui disposent d'un avantage comparatif dans la 
production de biens satisfaisant aux plus hauts critères sociaux et environnementaux. 
A cela Diana Brand et Ralf Hoffmann ajoutent que " parce que le caractère 
"insupportable" de l'augmentation des charges liées au travail ne concernerait 
que les pays ne pouvant supporter le surcoût associé, certains pensent qu'une 
harmonisation mondiale en matière de normes de travail frapperait de plein fouet 
les pays les plus pauvres, qui ne sont pas précisément ceux auxquels on reproche 
habituellement de pratiquer le "dumping social"".  
 Plus 
qu'une chance, la mondialisation est LA chance des pays pauvres. Les efforts des 
antimondialisations et des Etats du Nord, plus particulièrement de la France, 
vont dans le sens de l'exclusion de ces pays. Comment s'étonner alors que les 
pays les plus pauvres dénoncent la volonté d'imposer des clauses sociales ou environnementales 
? Clauses qui en fait n'ont été introduites non par d'hypocrites préoccupations 
morales, mais pour exclure une concurrence préjudiciable aux entreprises des pays 
riches. C'est le même réflexe protectionniste du Nord qui est dénoncé par des 
ministres brésiliens et sud-africains qui remarquent que le marché agricole mondial 
est faussé par des subventions d'un milliard de dollars par jour des pays riches 
dans ce secteur. J'en passe pour le secteur textile et tout le reste. N'oublions 
pas après tout qu'en à peine plus de 30 ans la Corée du sud est passée du statut 
de pays pauvre à pays riche à coups de ce que certains qualifieraient de " dumping 
social ". A côté la Corée du nord, par les merveilles du socialisme, n'ennuie 
pas un seul lobby de pays riches, sa population en crève la bouche ouverte dans 
une indifférence pratiquement absolue !   
  
Pour contrer un dumping social, 
mais aussi écologique, les tenants de l'antimondialisation proposent, au-delà 
des clauses sociales ou environnementles dans le commerce, la création 
d'un droit social international (défendu aussi par le BIT). Cette lutte 
contre la concurrence réglementaire suppose des lois s'appliquant à 
tous les Etats, en clair la constitution d'un super Etat mondial permettant à 
la logique politique de s'imposer contre la logique économique. C'est serait 
alors fini des espaces d'autonomies gagnés par la mondialisation et des 
possibilités de sanctionner les mauvaises politiques économiques. 
Un tel projet est évidemment incompatibles avec le libéralisme. 
5. 
La logique politique contre la mondialisation  
La 
logique politique favorise des intérêts bien déterminés et identifiables attachés 
à des individus ou à une catégorie d'individus dont on sollicite les suffrages. 
Ainsi la logique politique n'est pas favorable aux contribuables et aux consommateurs, 
lesquels ne sont pas organisés en groupe de pression. Par contre elle est favorable 
à des groupes de pression organisés comme ceux des producteurs  nationaux 
qui craignent la concurrence de produits étrangers (textile chinois), ceux organisations 
paysannes qui refusent une concurrence plus dure avec ceux d'entre eux qui adoptent 
les OGM, ceux des syndicats qui refusent les innovations technologiques porteuses 
de destruction-créatrice, ou les délocalisations qu'ils présentent comme exploitation 
des travailleurs des PED. Mais le mouvement antimondialiste, tout en étant issu 
des pays les plus riches, se veut mondial, ce qui l'expose à des contradictions. 
Par exemple il soutient la PAC en Europe mais se sert de l'argument de la PAC 
dans les PED qui en pâtissent afin de justifier des mesures d'autarcie agricole. 
 En 
outre il faut souligner que la logique qui consiste à taxer certains au bénéfice 
d'autres n'est pas étrangère à la sphère publique prétendant défendre l'intérêt 
général.  Rappelons nous de la motivation des interventions de l'Etat dans 
le cadre de ce qui est présenté comme externalités. Le projet de taxe Tobin rentre 
dans ce cadre, les antimondialistes désignent les mouvements de capitaux comme 
néfastes (donc à externalité négative) et réclament leur taxation pour financer 
des aides publiques. Le développement des marchés financiers limite aussi l'emprise 
des Etats sur le financement des entreprises, les intérêts des hommes politiques 
et des antimondialisations sont là encore convergents 
... 
  
B. L'épreuve 
des faits  
1. 
Logique dynamique contre logique statique  La 
  logique des antimondialistes et celle des défenseurs de la mondialisation sont 
  inconciliables, les uns adoptent une logique statique basée sur l'émotion et 
  le spectaculaire. Ils mettent en évidence des images-choc comme le travail des 
  enfants dans le Tiers-Monde ou un salarié d'usine sidérurgique licencié après 
  30 ans de travail, ils insistent sur l'écart de richesse entre les 20 % de la 
  population des pays riches et les 80 % de la population des pays pauvres. Mais 
  concevoir la réalité du monde c'est adopter une vision dynamique dans laquelle 
  les équilibres ne sont pas figés, ceux qui adoptent cette logique ne nient pas 
  les inégalités dans le monde mais montrent que la résolution de ces inégalités 
  passe par la création de richesses que permettent les échanges sans contrainte 
  dans le cadre de la mondialisation, mais aussi par la logique d'une concurrence 
  mondiale qui pousse aux innovations technologiques. Ainsi le travail des enfants 
  a existé aussi au début du développement des pays riches, ce problème ne peut 
  pas se résoudre par une scolarisation imposée, mais par l'augmentation du niveau 
  de vie de leur famille qu'implique leur accès à un emploi (rappelons nous que 
  la croissance permet le développement - dont la scolarisation - qui permet ensuite 
  une croissante plus forte) - donc vision dynamique -. Le licenciement des salariés 
  non qualifiés dans des secteurs d'anciennes technologies des pays riches est 
  compensé par la création d'emplois dans des secteurs utilisant des technologies 
  plus avancées, il permet aussi le développement d'emplois d'ancienne technologie 
  dans les pays pauvres. Il reste que les salariés non qualifiés licenciés en 
  France se requalifient difficilement même si des conventions de conversions 
  sont proposées.  2. 
        Autarcie ou intégration, qui sont les gagnants ?  
  Comparez 
  l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest, la Corée du Nord et la Corée 
  du Sud, la Chine maoïste et Taïwan. Dans chacun de ces cas, les premières nommées 
  choisirent - ou furent contraintes de choisir - l’isolement, alors que les secondes 
  optèrent pour l’intégration économique mondiale. Après une quarantaine d’années, 
  les revenus réels par habitant y étaient au moins trois fois plus élevés. On 
  dispose là de ce que l’histoire offre de plus proche d’une série d’expériences 
  économiques contrôlées. Leurs résultats expliquent pourquoi la Chine s’est libéralisée, 
  pourquoi l’Union soviétique s’est effondrée.   Entre 
  1965 et 1995, par exemple, les revenus réels par tête des nouveaux pays industrialisés 
  d’Asie ont été multipliés par sept, cependant que quadruplait leur part du commerce 
  mondial. De la même manière, on peut dater le début de la période de développement 
  rapide de la Chine : c’est celui de sa décision de libéraliser l’agriculture 
  et de s’ouvrir à l’économie mondiale. Là où le commerce a été mis au poste de 
  commandement, les flux de capitaux ont suivi : la Chine a accueilli à elle 
  seule davantage d’investissements en 1996 que la totalité des pays en voie de 
  développement en 1989.  
         
           
        
        Roland GRANIER, "La 
        mondialisation n'est pas un phénomène nouveau", Le 
        Québecois Libre, 10/05/2003     
  
  IV. 
  La mondialisation culturelle   
    A. Diversification 
    ou homogénéisation des goûts ?  Supposer 
  la disparition des cultures locales implique l'acculturation au profit d'un 
  autre culture, on parlera alors d'assimilation. On peut supposer aussi un métissage 
  culturel dans lequel chaque culture réalise un apport à l'autre, 
  ce qui résulte en une intégration culturelle.   
        1. Un zapping culturel ?  La 
  mondialisation possède des aspects culturels importants. En effet c'est 
  l'ouverture des goûts à des produits venant du monde entier, c'est 
  aussi l'adoption de comportements qui font évoluer les normes sociales. 
  A ces égards on peut penser au Coca Cola consommé partout dans 
  le monde, au lancement mondial par Virgin d'albums du Sénégalais 
  Youssou N'Dour ; on peut aussi évoquer la diffusion mondiale de codes 
  vestimentaires chez les jeunes, l'universalisation des droits de l'homme dans 
  la conscience mondiale ou plus prosaïquement l'aspiration à la consommation 
  de loisirs. Pourtant, en matière de goûts et d'évolution 
  des normes la mondialisation est décriée, pour beaucoup  
   mondialisation 
  = américanisation ="macdonalisation" = homogénéisation = le "meilleur 
  des mondes" voire big brother. En réalité la mondialisation 
  des goûts c'est surtout un choix subjectif de chacun pour ce qu'il juge 
  être le   
  meilleur de ce que le monde peut nous apporter. Il y a beaucoup de côté américain 
  dans le meilleur mais aussi une acculturation très propice à sortir du tribalisme, 
  l'engouement pour le bouddhisme, la world music, c'est surtout cela la mondialisation. 
  A côté on peut ne pas adhérer à tout, rejeter le 
  rap par exemple ou encore les fast foods, mais ce qui compte est que les différences 
  de goûts vont moins être liées à la nationalité 
  qu'aux choix de chacun.   Les 
  cultures persistent mais peuvent être moins prégnantes : ce n'est 
  pas parce que l'on est Afro-américain ou Afro-européen que l'on 
  doit aimer la culture urbaine, Gaston Kelman auteur français d'origine 
  camerounaise le raconte d'ailleurs dans son livre best seller : "je suis 
  noir et je n'aime pas le manioc. 
    2. 
  Homogénéisation, destruction des cultures locales    
  Paradoxalement, 
  ce sont les mêmes qui se disent socialistes (et le socialisme des doctrinaires 
  prône l'homogenéisation culturelle mondiale pour imposer un gouvernement mondial) 
  et qui réclament plus de métissage.  
  Mais 
  ils ne défendent en fait qu'une conception unilatérale du métissage : les occidentaux 
  vers les autres peuples. On s'extasie de siroter un thé vert ou de manger des 
  nems, mais on s'offusque d'imaginer des africains ou des indiens gober des bigmacs 
  ou se rafraîchir au coca !   
  Mais, 
  au delà de la libre circulation des marchandises, la mondialisation peut 
  aussi influer sur les cultures locales par les IDE qui conduisent à utiliser 
  une organisation productive et à développer des techniques de 
  productions étrangères aux traditions locales pré-industrielles. 
  Certains, sur la lancée de Polanyi, parlent aussi d'une marchandisation 
  des sociétés où les IDE s'implantent mettant à mal 
  les traditions d'entraide, de dons et l'auto-subsistance vivrière.  
  A 
  cela on peut répondre que le développement, même dans les 
  pays occidentaux, est ainsi passé par une phase d'acculturation dans 
  laquelle l'industrialisation a bouleversé profondément les modes 
  de vie créant des phénomènes de rejet autour notamment 
  du mouvement luddite (anti-machinisme) et des critiques de la relation salariale. 
  Les antimondialistes développent donc contre l'assimilation issue de 
  la mondialisation les mêmes diatribes utilisées contre le capitalisme 
  parlant de cultures basées sur le don détruites par les règles 
  économiques de l'économie de marché et le désir 
  de consommations individuelles. En filigrane se trouve une critique de l'évolutions 
  des mentalités s'occidentalisant dans le sens de la perte des valeurs 
  collectives (tribales) au profit de l'individualisme. Voir le chapitre sur la 
  Kula.  B. 
    Une américanisation du monde ?  1. 
        Une tendance imprimée par les multinationales ...  La 
  société de consommation mondiale permet d'élever les niveaux 
  de vie, elle offre un accès de plus en plus important à des produits 
  standardisés. Mais là aussi le désir de porter un tee shirt 
  plutôt qu'un pagne est conçu comme le fruit d'un complot impérialiste 
  véhiculé à travers la publicité et visant à 
  détruire des cultures pour imposer un modèle de consommation destiné 
  à doper les ventes. Il est vrai que les économies d'échelles 
  permettent de baisser les coûts de revient de façon d'autant plus 
  importante que la production donc les ventes sont massives. Or les débouchés 
  internationaux sont le seul moyen de produire en masse, il faut donc viser des 
  marchés proches dans lesquels les consommateurs ont les mêmes habitudes 
  de consommation. Mais il n'en reste pas moins qu'une partie de la population 
  mondiale n'est pas encore en mesure de consommer suivant les critères 
  occidentaux bien qu'elle y aspire. L'achat de produits de grande consommation 
  n'est pas sur place vue comme une domination mais davantage comme un symbole 
  d'élévation sociale. 
  Les 
  multinationales utilisent souvent les économies d'échel 
  le et localisées 
  dans de nombreux pays, elles produisent et commercialisent sur des marchés 
  différents. Si on pense à des multinationales vendant des produits 
  devenus modèles de consommation, on peut citer Nike, Mc Donald's, Coca 
  Cola, Microsoft, les studios MGM ou Universal. Toutes ces entreprises ont leur 
  siège social aux Etats-Unis et vendent des produits typiques de la culture 
  américaine.  
  Peut-on 
  alors parler de dictature de la culture américaine ? Non bien sûr 
  car nul n'est obligé de consommer des produits d'origine américaine. 
  Comment expliquer alors cette situation ? La théorie de la demande représentative 
  de Linder nous répond puisque le marché américain est très 
  important (plus de 300 millions de consommmateurs) et s'étend facilement 
  au marché canadien, de plus l'utilisation répandue de la langue 
  anglaise permet de rentabiliser facilement les films et les medias (CNN, Time-Warner, 
  ...). Par ailleurs les Etats-Unis sont en avance dans le domaine des technologies, 
  ce qui est déterminant en matière de coût et de produits 
  (innovations de procédés et de produits, Schumpeter). 2. 
        ... ne déterminant que de vagues leadership culturels  
  Cette 
  dernière explication devrait remettre en cause le leadership américain 
  puisque les entreprises japonaises ont aussi misé sur l'innovation. Et 
  c'est bien le cas puisque Sony, Honda, Hitachi, Nintendo sont aussi des multinationales 
  qui comptent et mettent sur le marché mondial des produits très 
  appréciés fruits des dernières technologies. L'industrie 
  du manga et des desssins animés japonais permettent aussi d'universaliser 
  des traits de la culture japonaise (des productions de la fin des années 
  70 avec Goldorak à Miyazaki avec le voyage de Chihiro).  
  Mais 
  c'est aussi le mode d'organisation de la production à la japonaise qui 
  s'est imposé avec le Toyotisme bouleversant le fameux consensus fordiste 
  des Trente Glorieuses en imposant la qualification et la polyvalence chez des 
  salariés devant travailler en juste à temps avec le souci de la 
  qualité . 
  On retrouve l'origine du Toyotisme dans le culte de l'excellence et du travail 
  prégant au sein de la mentalité nippone et façonné 
  par un système éducatif très sélectif dès 
  la maternelle et jusqu'à l'université où l'apprentissage 
  par coeur est prépondérant et la compétition entre les 
  élèves impose un rythme de travail très important complété 
  par des cours du soir. C'est là un autre modèle emprunté 
  pour ses traits les plus performants (les dirigeants non Japonais qui ont opté 
  pour le Toyotisme n'en ont pas nécessairement repris tous les éléments 
  originels, dont le culte à l'entreprise et certaines pratiques humiliantes) 
  et qui comme le modèle américain suscite des réactions 
  de rejet quasiment racistes comme dans la déclaration d'Edith Cresson, 
  alors premier ministre socialiste : « Les Japonais travaillent comme des fourmis 
  (...). Nous voulons vivre comme des êtres humains. »
  
  On 
  peut donc plus justement parler d'une mise en concurrence des types de consommation 
  mais aussi des modes de production quelque soit leur nationalité d'origine, 
  le benchmarking se développe, informé sur les pratiques et les 
  produits, les dirigeants d'entreprises choisissent de copier ce qui marche ailleurs. 
  Bien sûr cette concurrence peut conduire à une uniformisation mais 
  pour le meilleur. Cette uniformisation peut même alors jusqu'aux systèmes 
  politiques et expliquer en partie la chute du communisme et le déploiement 
  de la démocratie capitaliste.   C. 
    Des résistances à la mondialisation culturelle  1. 
        La question des droits de l'homme et de la liberté d'expression  Mais 
  les valeurs de la démocratie et du libéralisme génèrent 
  un rejet qui peut se vouloir culturel. Le multipartisme peut poser problème, 
  "le multipartisme est une multi cochonnerie" dixit Fidel Castro, la 
  liberté d'expression aussi comme en Chine Populaire où le moteur 
  de recherche Google est prié de censurer les accès à des 
  sites favorables à la démocratie partout dans le monde. Dans une 
  moindre mesure la censure existe aussi ailleurs puisque la liberté absolue 
  d'expression à l'américaine protégée par le premier 
  amendement se heurte à la loi Gayssot comme dans l'affaire de vente aux 
  enchères d'objets nazis de la seconde guerre mondiale sur Yahoo dont 
  l'accès a dû être fermé pour les français. 
  Ici c'est bien l'Internet qui est en question comme vectreur d'informations 
  et de contenus accessibles dans le monde entier et donc comme partie prenante 
  de la mondialisation informationnelle donc vecteur d'un accès à 
  des contenus culturels différents. Mais là aussi les contenus 
  anglo-saxons étant les plus importants certains en déduisent une 
  "américanisation des esprits". 2. 
        La résistance des rigoristes  
  C'est 
  aussi ce que redoutent ceux qui reprochent une "contagion des valeurs occidentales", 
  qui au-delà de la démocratie sont un libéralisme en matière 
  sociétale se caractérisant par la tolérance de ce qui est 
  déviance grave dans certaines cultures. A ce titre on peut citer la pornographie, 
  l'homosexualité, la tolérance religieuse, la consommation d'alcools, 
  l'égalité de droits hommes-femmes. Les mouvements ultra-conservateurs 
  et plus particulièrement intégristes refusent donc la contagion 
  de ce qu'ils perçoivent comme permissivité voire "anomie"et 
  qui serait issue de la mondialisation culturelle.   
  Ainsi 
  des pays comme l'Iran ou l'Arabie Saoudite filtrent soigneusement les contenus 
  du Net et vérifient à leurs frontières que nul objet des 
  démocraties occidentales dissolues et contraire au Coran ne passent. 
  Par exemple il y est culturellement choquant d'exposer le corps de la femme, 
  les magazines de vente par correspondance présenteront donc les sous-vêtements 
  sans mannequin ; même les femmes étrangères en visite devront 
  arborer un voile afin au moins de ne pas exposer leur chevelure. On évitera 
  aussi les films occidentaux qui, de plus en plus il est vrai, introduisent des 
  scènes de sexe ; à la place seront importées des productions 
  indiennes (premier producteur de films mondiaux avant les Etats-Unis) dont les 
  intrigues se distinguent notamment par la chasteté des acteurs.  3. 
        L'exception culturelle  
  L'exception 
  culturelle est portée par les gouvernements français dans l'objectif 
  de maintien d'éléments culturels qui serait notamment menacés 
  par la concurrence anglo-saxonne. Cette exception concerne ainsi le cinéma, 
  la chanson, le livre et la presse écrite. Elle prévoit l'obligation 
  pour les chaînes de télévision de participer au financement 
  de films français, un quota de production française à la 
  télévision, mais surtout une taxe sur les entrées en salle 
  de cinéma pour financer un fonds de soutien à la création 
  cinématographique française, ainsi même ceux qui vont voir 
  des films étrangers financent le film français. En matière 
  de chanson, elle passe par des quotas de diffusion de chansons françaises 
  dans les radios ; pour les livres elle implique le prix unique fixant un prix 
  plancher sous lequel ou ne peut vendre des livres neufs, ceci afin de soutenir 
  le revenu des éditeurs et des écrivains français. L'exception 
  culturelle permet donc de subventionner la production culturelle française 
  qu'elle soit ou non consommée afin justement de permettre et de stimuler 
  cette création même si elle n'est pas nécessairement en 
  phase avec le public. Ceci revient à sortir la production culturelle 
  du marché selon le principe "la culture n'est pas une marchandise" 
  et qui revient en fait à réglementer son offre et sa demande plutôt 
  que d'en laisser libre l'offre et la demande sous prétexte justement 
  que la demande en serait trop faible aussi bien sur le marché français 
  que sur ceux d'exportation.
  
  Cette 
  exception de nature protectionniste fut mise au pilori par l'OMC qui a réclamé, 
  sans succès, que l'audiovisuel ne soit pas exclu des négociations 
  sur l'ouverture des marchés. Au contraire, Jacques Chirac annonce que 
  : "la France, terre de création, a milité avec les francophones 
  en faveur de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle 
  adoptée à l'autome 2001 par la Conférence générale 
  de l'Unesco. Dans le même esprit, nous avons obtenu ensemble la reconnaissance 
  de l'exception culturelle par l'OMC. Il est ainsi admis que les biens culturels 
  ne sont pas des biens marchands comme les autres et que les Etats doivent pouvoir 
  soutenir leurs créateurs et leurs artistes par des mécanismes 
  de leur choix".    
       
       S’ils 
        ne sont pas des biens comme les autres, les biens culturels, et l’industrie 
        du divertissement, un peu trop facilement appelée Culture, répondent aussi 
        aux lois économiques. Ils dépendent de l’industrie qui les fabrique, des 
        technologies et des préférences des consommateurs, c’est-à-dire du public 
        qu’il ne faut quand même pas oublier. En d’autres termes, de l’offre et 
        de la demande.  Le 
        paysage audiovisuel a considérablement changé durant les dernières années 
        du vingtième siècle. D’une production qui relevait pour beaucoup d’un 
        monopole étatique, on est passé à une industrie concurrentielles entre 
        sociétés majoritairement privées. Et ces évolutions ne sont pas terminées. 
        Les Etats-Unis qui, eux, avaient pris ce virage avant le reste du monde 
        et n’avait jamais enfermé leur télévision dans le carcan étatique, avaient 
        plusieurs longueurs d’avance. Ils avaient compris que la petite boîte 
        relevait d’une industrie et surent tirer parti des évolutions technologiques : 
        câbles, satellites dont le coût de lancement chutait rapidement, miniaturisation 
        des paraboles qui permettaient, à des prix de plus en plus modiques, l’accès 
        à des centaines de chaînes. Résultat, on est passé en quelques années 
        d’un marché à offre plutôt réduite à une véritable explosion de cette 
        offre, avec une demande accrue de films, de séries, de documentaires, 
        de débats, de sports, etc … Et l’arrivée du câble et de la télévision 
        numérique ne va pas freiner ce mouvement. Sans parler de l’Internet et 
        de ses multiples ramifications dans les médias.  Deux 
        autres caractéristiques de cette offre ont favorisé films et séries venues 
        d’Outre-Atlantique. Bien sûr l’anglais, qui est devenu la langue mondiale 
        par excellence. Mais aussi l’immense marché américain qui permet de couvrir 
        les coûts de fabrication des productions et de les revendre ainsi « amorties » 
        à travers le monde à des prix défiant toute concurrence.  Quant 
        à l’exception culturelle, Mozart écrivait à un de ses amis : « Crois-moi, 
        mon seul objet est de gagner autant d’argent que possible, après tout 
        après la santé, c’est la meilleure chose à posséder. »   Charlie 
        Chaplin a dit : « Je me suis lancé dans le cinéma que pour l’argent, 
        l’art n’est venu qu’après. Si les gens sont désillusionnés par ces remarques, 
        tant pis. C’est la vérité. »   
        Maintenant des quotas sont mis en place. Que penser de ces navets produits 
        uniquement pour remplir lesdits quotas et récolter les subsides au passage ? 
        Vous savez comme moi que la plupart de ces films ne sont plus payés par 
        les billets qu’achètent les spectateurs, mais qu’ils sont payés avant 
        même d’être présentés au public par les prélèvements imposés aux télévisions. 
        En 1998, sur 134 films français, une vingtaine à peine ont couvert leurs 
        frais. En 1999, c’est la débandade : seulement 3 films français sur 
        180 auraient remboursé leurs coûts de production grâce à la projection 
        en salle !     
        La 
        mondialisation racontée à ma fille, Ed. Seuil,  André FOURCANS    
    
       
    
       1976-1980 
      1981-1985 
      1986-1990 
      1991 
      1992 
      1993 
      1998 
    
       
    Investissements 
        directs  
      39 
      43 
      163 
      184 
      173 
      173 
      611 
    
       
  Investissements 
        de portefeuille 
      26 
      77 
      215 
      340 
      326 
      620 
      923 
     
 
 
    Les 
    consommateurs, premiers gagnants de la mondialisation
 
 
 
 
   La mondialisation 
  est source de richesse pour les plus pauvres 
 
   La mondialisation 
  expliquée à ma fille  
 
 
- d'autre part les producteurs des pays riches sont menacés par ces délocalisations, 
mais aussi par les exportations des pays émergents puisque la concurrence est 
faussée par le " dumping social "(Jacques DELORS) que pratiquent ces pays. 
 
  Des 
  clauses sur le travail des enfants 
 
 
  Le 
  débat marché-État : qui dirige l'économie mondiale
  
    
      
  
  
     
       
  
Considérons 
        par exemple deux pays immenses par leur territoire, gigantesques par leur 
        population et à croissance désormais affirmée (la Chine et l'Inde) ; considérons 
        en outre deux des quatre « dragons » (Corée du Sud et Taiwan), deux des 
        trois « tigres » (Thaïlande et Indonésie) et, en Amérique latine, le Brésil 
        et le Mexique qui s'érigent de plus en plus, depuis deux décennies, en 
        véritables puissances économiques (au point d'avoir intégré l'OCDE); soit 
        au total huit pays assurément en voie d'émergence certaine et soutenue. 
        Ces pays présentent, en effet, des taux de croissance très soutenus de 
        leur PIB (Inde, Chine, depuis 1973), parfois impressionnants (Corée du 
        Sud, Taïwan, Indonésie, Thaïlande, depuis 1950), toujours substantiels 
        (Brésil, Mexique), compris en moyenne annuelle entre 4,3 et 8,2% par an 
        sur l'ensemble de la période1950-1998, selon le pays considéré. Il n'est 
        pas moins clair que la croissance des exportations a, dans cet échantillon, 
        toujours accompagné la croissance économique globale, et ce tout particulièrement 
        pour les années 1973-98. Pour cette période, en effet, la croissance du 
        rapport « exportations/PIB » est spectaculaire: il passe en moyenne de 
        4,30% (1973) à 14,06% (1998). C'est sans doute là une belle expression, 
        parmi tant d'autres, d'une mondialisation en marche que l'on ne se sent 
        vraiment pas incité à charger de tous les maux de la création d'autant 
        que ces huit pays, qui faisaient totalement partie du monde très sous-développé 
        au début des années 1950, rassemblaient à eux seuls, en 1998, près de 
        48% de la population mondiale…